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Marchés Actions : sources de performances passées et futures

 “Stocks for the long run” est le titre d’un célèbre ouvrage de J. Siegel. Malheureusement, les performances  du marché actions sur les dernières décennies mériteraient un autre titre. Bien que les statistiques ne mentent pas sur cette dure réalité, il est toutefois nécessaire de se pencher sur ce qui s’est passé.

En effet, bien que la croissance économique mondiale ait été relativement stable au cours des 30 dernières années, les marchés actions quant à eux ont été extrêmement volatils. Les cours sont montés au ciel puis se sont écrasés. Tout ceci nous amène à nous demander quel rendement les investisseurs en actions peuvent espérer à l’avenir.

PLUS DE DETAILS EN SUIVANT :

Décomposition du rendement des actions

Les investisseurs prétendent habituellement avoir un horizon d’investissement de long terme. Mais en temps de crise, ils adoptent un horizon d’investissement plus court. Cela a été particulièrement vrai pour le début des années 2000, et la performance médiocre des actions qui y est associée. Les investisseurs sont désormais tentés d’éviter les actions. Ceci dit, la performance des 30 dernières années n’est pas du tout en ligne avec les performances historiques. C’est la décomposition des composantes du rendement total des actions (rendement du dividende, croissance des bénéfices et expansion des multiples) sur longue période qui le met le mieux en évidence. En utilisant les chiffres de Shiller, nous avons décomposé les rendements selon ces facteurs sur une période de 130 années.

De 1871 jusqu’à la fin de 2008, le rendement total en moyenne annuelle du S&P 500 a été de 8,94%.

Dividendes (4,61%) et croissance des bénéfices (3,78%) se taillaient la part du lion dans le rendement annuel moyen total. Contrairement aux idées reçues, les hausses des multiples n’ont contribué qu’à +0.55% du rendement total en moyenne annuelle. De plus, une grande partie de cette petite contribution est due à des hausses exceptionnelles des multiples au cours des années 80 et 90.

Les 30 dernières années – une revalorisation historique des actions

La plupart des investisseurs n’ayant pas un horizon d’investissement de 130 ans, nous avons décomposé cette période en décennies pour analyser le comportement des diverses composantes du rendement au cours des différentes périodes.

Comme on pouvait le supposer, les diverses périodes montrent des contributions des composantes du rendement très différentes. Alors que sur très longue période, les rendements totaux des actions ont été essentiellement dominés par les dividendes, les 30 dernières années témoignent d’un important changement : un « re-rating » important, exprimée par l’impressionnante expansion des multiples, a dopé vers le haut les rendements des actions depuis le début des années 80.

La nomination de Paul Volcker (septembre 1979) à la tête de la Réserve Fédérale a marqué un changement majeur de la politique monétaire. Combattre l’inflation est devenu l’objectif déclaré du nouveau Président, et les taux courts nominaux et réels sont montés en flèche. Les années suivantes, l’inflation a suivi une pente baissière, permettant aux rendements nominaux d’évoluer dans la même direction. Ainsi, les mesures classiques de valorisation comme le ratio C/B ont fortement progressé.

Au cours de ces années, les hausses de multiple sont devenues le plus important vecteur de performance1. Du début des années 80 jusqu’en 2000, la progression des multiples a en fait représenté près de la moitié du rendement annuel total de 15,6%.

La décennie 90 s’est achevée sur des valorisations excessives et a été suivie par une importante période de contraction des multiples. Alors que la composante croissance des bénéfices générait un rendement annuel de 8,12% de 2001 jusqu’à la fin de 2008, la contraction des multiples réduisait le rendement total annuel à 7,09%. Les bénéfices progressaient à un rythme plus rapide que les cours des actions. Les investisseurs, en particulier, ne voulaient pas payer de prime pour une croissance générée par l’endettement, surtout dans le secteur financier. D’autre part, les valeurs classiques de croissance, comme les Technologie de l’Information, étaient passées de mode, à la suite de l’éclatement de la bulle Internet.

Les implications d’une croissance plus faible

Quelles tendances économiques ont déterminé l’évolution du cours des actions ? Au milieu des années 2000, la croissance bénéficiaire aux Etats-Unis a été dopée par différents facteurs : un endettement interne croissant (ménages surtout) et le dynamisme des marchés émergents. A plus long terme, nous prévoyons toutefois une croissance bien plus faible, notamment en raison du processus de désendettement, de la hausse des impôts autant pour réduire les déficits budgétaires ouverts pendant la crise que pour faire face au vieillissement de la population. Quel en sera l’impact sur les valorisations ?

Alors que l’on pourrait supposer qu’un contexte de faible croissance se traduirait par une contraction des multiples, la corrélation est loin d’être si évidente.

L’analyse de la relation entre la croissance réelle du PIB américain et la valorisation du marché boursier depuis 1952 indique qu’un niveau optimal de croissance se situe entre 3 et 4%. Au cours de ces périodes, les multiples s’étalaient habituellement entre 15 et 20x, ce qui est bien supérieur aux niveaux qui prévalaient en première partie de ce siècle. Deuxièmement, une croissance en deçà de 3 à 4% est compatible avec toute sorte de valorisation, ne permettant donc pas de tirer de conclusion. Au dessus de 4%, la dispersion redevient élevée, mais avec une valeur moyenne plus faible, reflétant des anticipations de resserrement monétaire et retour de la croissance vers son potentiel aux alentours de 3%. Ainsi d’autres éléments deviennent plus essentiels.

Qu’en est-il de l’inflation ? La progression extraordinaire des multiples sur les 30 dernières années a été en partie l’oeuvre d’une longue tendance désinflationniste couvrant les années 80 et 90. Cette tendance a pris fin. .

Quelles implications pour les différentes composantes du rendement ?

Malgré l’incertitude qui entoure cette variable, nous pensons que la valorisation est en voie de normalisation. Quels rendements doit-on donc espérer et, question encore plus importante, quelles en seront les composantes clefs ?

Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, nous prévoyons une croissance potentielle inférieure à celle des 30 dernières années. Alors que par le passé le taux de croissance oscillait autour de 3%, nous prévoyons que ce chiffre sera plus faible – disons autour de 2,5%. L’inflation devrait atteindre son point bas dans quelques mois et pourrait se révéler plus élevée à long terme.

Un retour à la croissance sur le rythme des années 80 ou 90 semble improbable, car il semble difficile d’imaginer une répétition des extraordinaires gains de productivité liés à la révolution des technologies de l’information, aux gains de productivité issus de la mondialisation ou d’un nouveau cycle de ré-endettement.

Les prévisions de BPA par I/B/E/S se situent actuellement aux environs de 10% pour les prochaines années, après avoir atteint plus de 19% en 2000. Les prévisions passées ont été en moyenne de 5 à 7% trop élevées (les estimations de l’année fiscale 1). De plus, les estimations ont pu être faussées par le rebond attendu à court terme en raison des niveaux actuels extrêmement bas. Nous préférons une approche fondée sur l’évolution du PIB nominal (environ 5% pour les années à venir). D’un point de vue macro-économique, ceci découle aussi de l’hypothèse que le partage de la valeur ajoutée sera moins favorable au capital.

Conclusion

En résumé, les bénéfices devraient donc progresser plus ou moins en ligne avec le PIB nominal. Evidemment les rendements annuels fluctueront avec les variations cycliques des multiples de valorisation. Nous maintenons toutefois que la période de re-rating des actions fait partie du passé et que les rendements futurs dépendront davantage des dividendes et de la croissance des bénéfices. Néanmoins, nous prévoyons dans les prochaines années une certaine hausse des multiples de PE après la période la plus sombre de contraction des PE des 130 dernières années. Certains secteurs ou profils de sociétés méritent néanmoins une prime de valorisation. Les sociétés fortement exposées aux marchés émergents, justifient des primes de PE. En effet à la fin de 2007, les sociétés du MSCI Europe généraient déjà 17% de leurs ventes dans les marchés émergents.

De plus, la révolution verte a aussi conduit les investisseurs à payer plus cher les sociétés respectueuses de l’environnement. Les valeurs de l’indice « clean-tech » ont un PE moyen de plus de 20.

NOTES

  1. Nous ne devons pas oublier que d’autres éléments ont permis l’accroissement des multiples, comme la révolution de la Technologie de l’Information au début des années 80 et les gains de productivité associés. Les années 90 ont été certainement marquées par deux changements structurels exceptionnels : la mondialisation et la révolution de l’Internet.
  2. Pour cet exercice, nous avons délibérément exclu la première partie du dernier siècle. Nous considérons que cette période a été fortement altérée par plusieurs chocs extraordinaires

par Charles Dautresme, stratégiste chez Axa IM 9/7/09

EN COMPLEMENT INDISPENSABLE :

Pourquoi une stratégie d’investissement active ?
  Au niveau des obligations, le grand marché haussier qui avait débuté en 1982 semble terminé. L’environ-nement inflationniste des années 70 avait provoqué une forte augmentation des taux obligataires qui, en 1982, furent très élevés. Le recul de l’inflation a par la suite entraîné une diminution des taux longs et une hausse des cours des obligations.Aujourd’hui, les taux obligataires sont peu élevés. Ceci ne veut pas dire que les obligations sont nécessairement à délaisser. Une augmentation des pressions déflationnistes entraînerait un recul supplémentaire des taux longs et serait ainsi favorable aux obligations ou du moins aux emprunts d’Etat. Il reste cependant que le niveau bas des taux limite par définition le potentiel de rendement des marchés obligataires et augmente en même temps leur volatilité (l’impact d’une hausse de 1% des taux longs sur le cours d’une obligation est évidemment plus important lorsque les taux sont à 3% que lorsque les taux sont à 10%). Une stratégie active s’impose dès lors.Au niveau des actions, une stratégie d’investissement passive ne se justifie que dans des marchés structurellement haussiers. Dans de tels marchés les corrections sont généralement limitées dans leur ampleur comme dans leur durée et les indices dépassent assez rapidement leur niveau d’avant la correction. L’histoire boursière américaine est constituée d’une succession de marchés haussiers et baissiers. Chaque marché haussier commence avec des valorisations très faibles (conséquence d’un très grand pessimisme des investisseurs) et se termine avec des valorisations élevées (et des investisseurs très optimistes). . Le cours de bourse d’une entreprise (P) équivaut au bénéfice par action de cette entreprise (E) multiplié par le nombre de fois que les investisseurs sont prêts à payer ce bénéfice (P/E): P = E x P/E.Ce qui vaut pour une entreprise vaut pour le marché dans son ensemble: une hausse de l’indice nécessite une augmentation des bénéfices des entreprises et/ou des multiples de valorisation. Dans les grands marchés haussiers, les 2 facteurs augmentent et les rendements sont d’autant plus élevés.

1802-1815: Marché baissier 2,8%
1815-1835 : Marché haussier 9,6%
1835-1843: Marché baissier -1,1%
1843-1853: Marché haussier 12,5%
1853-1861: Marché baissier -2,8%
1861-1881: Marché haussier 11,5%
1881-1896: Marché baissier 3,7%
1896-1906: Marché haussier 11,5%
1906-1921: Marché baissier -1,9%
1921-1929: Marché haussier 24,8%
1929-1949: Marché baissier 1,2%
1949-1966: Marché haussier 14,1%
1966-1982: Marché baissier 14,8%
1982-2000: Marché haussier -1,5%

Source: Michael A. Alexander. Stock cycles (Universe, 2000)

Comment se présente la situation aujourd’hui?

– Au niveau des bénéfices: sur le long terme, la croissance des bénéfices des entreprises correspond à celle de l’économie dans son ensemble, telle que mesurée à travers l’évolution du PIB (entre 1947 et 2008, le PIB nominal des Etats-Unis a progressé en moyenne de 7,01% par an, les bénéfices des entreprises de 7,13%). Il existe des périodes pendant lesquelles les bénéfices des entreprises augmentent davantage que le PIB. Pendant ces périodes, la part des bénéfices dans le Revenu National augmente au détriment de la part des salaires. L’histoire a montré que dans une démocratie, une telle situation ne peut pas continuer éternellement et que tôt ou tard, le rapport de force entre bénéfices et salaires (le capital et le travail chez Marx) s’inverse à nouveau. C’est la situation dans laquelle nous semblons nous trouver. Au cours des dernières années la part des bénéfices dans le PIB est passée de 7% à 13% aux Etats-Unis. La crise économique et ses répercussions (réglementation accrue, rôle plus important de l’Etat dans l’économie, des principes d’économie de marché) devraient la faire baisser dans les années à venir. En résumé, nous risquons dès lors un environnement où la croissance des bénéfices sera inférieure à celle du PIB, cette dernière étant elle-même plus faible qu’au cours des deux dernières décennies (cf. mon article du 8 mai)*.

Un point supplémentaire me semble important. Sur les dernières années, beaucoup d’entreprises ont agressivement racheté leurs propres actions, de sorte que leur bénéfice PAR ACTION a progressé davantage que leur bénéfice. Dans beaucoup de cas, ces rachats ont été financés par un recours à la dette. Ici aussi, nous pourrions assister à un retournement de tendance dans les années à venir avec de nombreuses entreprises procédant à des augmentations de capital pour réduire leur endettement.

– Au niveau des valorisations: A nouveau ceci ne veut pas dire que les actions sont à délaisser. Il y aura toujours des sociétés pour lesquelles les conditions nécessaires pour une appréciation sur le long terme de leur cours – croissance du bénéfice et valorisation attrayante – seront remplies. Mais une stratégie visant à simplement reproduire les indices n’est pas à recommander, du moins pour les marchés américain et européens.

Guy Wagner, Banque de Luxembourg, juin 09

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