Marchés Financiers et Boursiers Actions

Banques : manipulations comptables , communication frelatée et risque systèmique

LE RÉGULATEUR A CRÉÉ UN NOUVEAU RISQUE SYSTÉMIQUE. CELUI DE LA MANIPULATION DE L’INFORMATION POUR PARVENIR À PILOTER LES COMPTES DES ÉTABLISSEMENTS FINANCIERS.

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L’épreuve du feu de la value at risk elle doit théoriquement refléter l’exposition au risque des établissements financiers.La value at risk (VaR) des institutions financières est sous pression. Non seulement sa mesure, parfois obscure, reste sujette à critique et à interprétation; mais la mise en place du principe de la juste valeur (fair value et mark to- market) rend son élaboration et sa compréhension encore plus complexes.

 Basée sur une série de modèles mathématiques, la VaR doit théoriquement permettre de refléter l’exposition au risque d’un établissement financier. Elle s’exprime par une combinaison de statistiques et de probabilités, indiquant notamment la probabilité de perte de valeur d’un actif ( «il y a 10% de risque de perte de 1% de la valeur de l’actif», par exemple).

Cette mesure est difficile à utiliser: les événements ont montré que les établissements financiers sont fortement influencés par les conditions de marché et que les probabilités ne fonctionnent bien que lorsque le marché est relativement stable et prévisible.

L’introduction de la fair value pose un problème nouveau aux modèles de la VaR. Comme le notent Pascal Quiry et Yann Le Fur dans une note récente, les banques peuvent comptabiliser en profit (non imposable) la perte de valeur de marché de certaines de leurs propres dettes. Une banque ayant émit une dette de 100 millions de francs qui ne serait plus valorisée que 80 millions sur le marché coté compte tenu de la dégradation perçue de sa solvabilité, pourrait enregistrer dans son compte de résultat un profit de 20.  Evidemment, le phénomène s’inverse dès lors que les perspectives des banques s’améliore – ce qui signifie que les banques enregistrent des pertes parce que leurs dettes sont mieux valorisées par le marché.

A titre d’illustration, voici les gains sur dépréciation de leurs dettes ainsi enregistrés par les principales banques mondiales en 2008 (en M$) :

 DEUTSCHE BANK  : 7794

 MORGAN STANLEY :5600

CITIGROUP : 4558

CREDIT SUISSE : 3151

UBS : 2517

BARCLAYS : 2084

JPMORGAN : 1174

GOLDMAN SACHS : 1116

BNP PARIBAS : 1079

SOCIETE GENERALE : 499

 Hormis le fait que le percepteur est perdant dans tous les cas (puisque les gains sont non taxables et les pertes ne le sont pas par construction), l’analyse des risques devient un exercice d’équilibrisme – voire ouvre la voie à la manipulation.

En effet, la communication financière des banques détermine pour partie l’appréciation de leurs actifs par le marché financier. Les ratios pertinents sont déterminés par les Accords de Bâle II, et les méthodes de calcul de l’adéquation des banques à ces ratios prudentiels sont souvent internes (les Accords de Bâle II permettant de choisir entre plusieurs méthodes).

La VaR fait partie de ce faisceau de calculs. Dès lors que l’interaction entre la VaR et la valeur de marché est établie via le marché, qui peut être influencé par la communication des établissements, il est possible de piloter l’ensemble.

Lorsque l’on sait que les banques sont à la fois acteurs et objets de la cote, l’ensemble donne un mélange assez fumeux dont il est difficile de débrouiller les tenants et aboutissants.

Sous couvert d’établir un référent impartial – la valeur de marché – le régulateur a de fait créé un nouveau risque systémique: celui de la manipulation de l’information pour parvenir à piloter les comptes des établissements financiers. Non seulement la valeur de marché supprime de fait la notion de continuité d’exploitation, mais elle élimine les hypothèses qui fondent la VaR – à savoir une stabilité des conditions d’analyse («toutes choses étant égales par ailleurs»).

La SEC et l’IASB préconisent l’abandon de l’option qui permet d’enregistrer ces gains factices, mais un rachat de dette décotée permet toujours de parvenir au résultat décrit ci-dessus. Le marché est d’autant plus sensible aux informations que le spectre des sociétés cotées a tendance à stagner, voire à s’appauvrir du fait de la quasi interruption des introductions en Bourse, des fusions et acquisitions de sociétés cotées et du retrait de cote. En ajoutant à cela la réduction du nombre d’analystes indépendants et des effectifs des départements de recherche, ainsi que la nature conglomérale des groupes cotés difficiles à analyser, il devient possible d’influencer le marché de manière significative.

Le thermomètre de la fair value est cassé, et par extension celui de la VaR lui aussi.

Il est temps d’entamer une réflexion approfondie du traitement comptable et de la communication des établissements financiers. Le risque que représentent ces établissements pour l’économie n’est plus à démontrer: le too big to fail est plus que jamais d’actualité. Il est grand temps d’entamer le fractionnement des établissements financiers et de les rétablir dans leur fonction première: financer l’économie, et non engranger des profits sur reprises de leurs propres dettes en déshérence.

CYRIL DEMARIA agefi oct09

EN COMPLEMENT INDISPENSABLE : S’enrichir de sa propre décrépitude et se démunir quand les affaires prennent de l’altitude….Paradoxal et étonnant !!!! (cliquez sur le lien)

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