Art de la guerre monétaire et économique

McKinsey évalue le gain pour les Etats-Unis d’avoir une monnaie de réserve

Le privilège accordé au dollar en tant que clé de voûte du système financier apporte annuellement un profit financier net de 40 à 70 milliards de dollars, selon le consultant

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Les énormes mouvements de capitaux transfrontaliers provoquent, depuis le début de la crise, des fluctuations de change que les fondamentaux ne justifient que partiellement, selon un dossier du McKinsey Global Institute (MGI). Ces violentes perturbations monétaires placent l’ensemble du système sous tension, et notamment sa pièce maîtresse, le dollar.

Le billet vert se retrouve dans 86% des transactions sur le marché des devises et représente 63% des réserves monétaires.

Réduction des investissements

Les interventions se succèdent pour calmer le jeu. Mais la volatilité des changes va s’accroître ces cinq prochaines années, selon 43% des managers interrogés par le MGI. Ils sont deux fois plus nombreux que ceux qui prévoient une diminution de volatilité. L’impact est réel sur le comportement des entreprises: 21% des dirigeants interrogés avouent qu’en raison de cette incertitude ils ont diminué leurs plans d’investissements ces deux prochaines années. 44% d’entre eux ajoutent que l’influence des changes sur leur entreprise s’est accrue ces dernières années.

Le privilège monétaire accordé aux Etats-Unis est remis en question. Dès les années 1960, Valéry Giscard d’Estaing avait déclaré qu’en tant que monnaie de réserve le dollar bénéficiait d’«un privilège exorbitant». Le MGI a voulu chiffrer cet avantage. Le résultat est étonnant.

Le privilège conféré au dollar offre aux Etats-Unis un profit net annuel de 40 à 70 milliards de dollars (0,3 à 0,5% du PIB). Ce montant comprend 10 milliards de revenus de seigneuriage pour le gouvernement américain – soit l’équivalent du prêt sans intérêt généré par l’émission de monnaie supplémentaire aux non-résidents qui détiennent du dollar.

Les Etats-Unis profitent également d’achats si massifs d’obligations souveraines que les taux d’intérêt sont tirés à la baisse. Ce gain économique atteint 50 à 60 points de base (environ 90 milliards de dollars). A l’inverse, les achats de titres en dollars poussent le billet vert à la hausse. Le coût serait de 30 à 60 milliards de dollars.

Moindre privilège pendant la crise

Ce statut de monnaie de réserve induit de vastes effets redistributifs. Au profit de l’Etat et des ménages. Mais au détriment de l’industrie d’exportation américaine, dont l’emploi est réduit de 400000, à 900000.

Durant une année de crise semblable à 2009, les achats de dollars à titre de précaution se sont accumulés. Ce qui a limité le bénéfice tiré du statut de monnaie de réserve et l’a ramené à environ 10 milliards de dollars. Le MGI est d’avis qu’à l’avenir cet avantage va fondre.

 Toutefois, dans son estimation, le MGI n’intègre pas les privilèges géopolitiques ou stratégiques. Son statut lui permet en effet de mener une politique fiscale et monétaire bien plus laxiste que d’autres. Les Etats-Unis vont-ils accorder plus de poids à leurs responsabilités monétaires ou privilégier l’emploi intérieur?

Les managers parient pour la seconde solution et seuls 18% s’attendent à ce que le dollar domine encore la scène monétaire en 2025.

La zone euro va-t-elle reprendre le flambeau?

Les coûts et avantages d’une deuxième monnaie de réserve sont très modestes, selon le consultant. Le solde serait même légèrement négatif (0,1% du PIB). Un tel scénario renforcerait encore la pression sur les pays les plus endettés.

Fort impact sur les sociétés

Selon le MGI, l’absence de gestion claire des réserves de changes engendrerait de graves problèmes. Mais le passage d’un système dominé par le dollar à une architecture multipolaire n’est guère avancé. Pourtant la compétitivité des entreprises en dépend. Ainsi, au troisième trimestre 2009, les bénéfices des sociétés de la zone euro ont chuté de 27% alors que ceux des européens non membres de la zone euro n’ont baissé que de 1,2%. En Asie, ce sont les groupes coréens qui en profitent et les Japonais qui en souffrent.

Emmanuel Garessus, Zurich le temps dec09

EN COMPLEMENTS INDISPENSABLES : Jean Pierre Petit : Le problème fondamental de la baisse du dollar (III) (cliquez sur le lien)

Commentaire : l’Art de la guerre économique / la Guerre larvée des changes (cliquez sur le lien)

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Commentaire : La politique des Banques Centrales et la Fed en particulier oscillent entre croissance et risque inflationniste (cliquez sur le lien)

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