Formation a la gestion de portefeuille

Finances : Les risques extrêmes remettent en question les modèles statistiques et mathématiques

Quand le risque extrême teste les marchés financiers

 Les comportements irrationnels ébranlent les modèles existants. A la recherche d’un nouveau paradigme pour 2010.

 Les pertes d’une ampleur à peine concevable sur les marchés mondiaux arrivent de manière si fréquente qu’elles dépassent les modèles basés sur les probabilités. Les vingt dernières années comptent quatre périodes chahutées, trop souvent qualifiées de centenaires.

Des performances annuelles négatives, qui ne devraient survenir que dans 2,5% des cas d’après les intervalles de confiance impliqués dans les calculs de la Value-at-Risk (VaR), ont en fait marqué 20% des années entre 1987 et 2009. La cloche régulière de la distribution normale des performances s’en trouve déformée. La dernière baisse a traversé toutes les classes d’actifs et toutes les régions du monde. Cette expérience douloureuse semble donner raison aux économistes réfutant les modèles mathématiques s’appuyant sur des données historiques.

 Les courbes d’efficience, élément central de la théorie moderne du portefeuille d’Harry Markowitz sur le rapport rendement-risque, se raréfient dans les présentations de produits financiers. D’autres théories convoitent sa place, que les chutes précédentes n’avaient jusqu’à présent pas réussi à contester.

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Les probabilités résultant des formules actuelles ne reflètent pas la réalité. Les adaptations demandent d’aller au-delà des anciens paradigmes.

La crise financière risque de laisser des traces très profondes dans la gestion des risques. Une performance sur dix ans des marchés actions près de zéro, voire négative, avec des fluctuations gigantesques, laisse songeur plus d’un investisseur

Les marchés ont connu plus de chutes, quatre en un peu plus de vingt ans, que les modèles ne calculant qu’avec une seule de cette ampleur en un siècle n’auraient jamais pu laisser croire.

Cette fréquence inattendue force à redéfinir la limite entre les risques qualifiés d’extrêmes et les fluctuations négatives habituelles.

Les calculs de risques se basant sur une probabilité de 95%, le paramètre classique pour l’établissement de la VaR, ont été dépassés par la réalité. Celle-ci remet également en cause le back-testing, l’évolution théorique de la valeur d’un portefeuille sur la base de données historiques censées prouver la pertinence d’une stratégie d’investissement.

«Les performances passées ne préjugent pas des rendements futurs. » Cette mention réglementaire permettant aux gestionnaires de se couvrir en cas de pertes prend tout son sens. Mais elle ne devrait pas servir de prétexte pour se dispenser de toute remise en question.

Les voix estimant que les politiques d’investissement dérivées de données statistiques conduisent à un excès d’optimisme se multiplient.

«Au lieu d’une optimisation à la Markowitz, ce sont des concepts intégrant délibérément des inefficiences et des réserves qui se profilent», note Konrad Hummler de la banque Wegelin & Co. dans son dernier commentaire d’investissement, se référant notamment au père de la théorie du chaos Benoît Mandelbrot et à Nessim Taleb, l’auteur du «Cygne noir».

Il ne suffit donc pas de simplement porter la probabilité à 99%, ce qui pourrait au contraire aboutir à un excès de prudence.

Une étude de Watson Wyatt parue en octobre lance un postulat ressemblant à une synthèse de Mandelbrot et de Taleb: «Les événements des deux dernières années ont démontré que la gestion des risques ne peut pas se permettre de s’arrêter à un intervalle de confiance de 95%. Il nous faut trouver une méthode pour inclure des événements très peu probables, mais ayant potentiellement un impact très élevé.»

«Le risque qui fait vraiment mal est celui que vous ne voyez pas venir », a déclaré Roland Meerdter, un ancien sélectionneur de gestionnaires de fonds de Deutsche Bank, sur Citywire. Il a notamment découvert un fonds qui a exclu«un nombre significatif d’instruments moins liquides, pas échangés sur les marchés et pour lesquels l’établissement d’un prix sur la base du marché (mark-tomarket) était inexistant ou très peu fiable» dans les calculs de ses modèles de VaR.

Les risques extrêmes restent en effet difficiles à quantifier.

A l’échelle des portefeuilles, ils ont deux origines très différentes, mises en évidence par le professeur de risques entrepreneuriaux à l’EPFZ Didier Sornette et son collaborateur Yannick Malevergne dans un livre déjà paru en 2006: les fluctuations individuelles de chacun des différents actifs, mais aussi les mouvements d’origine collective générés par les interdépendances de ceux-ci. Les auteurs invitent à développer des «outils statistiques nouveaux allant au-delà du paradigme gaussien à la base du cadre standard de la théorie financière classique héritée de Bachelier, Markowitz, Black/Scholes parmi d’autres.»

Didier Sornette élabore des outils permettant d’identifier des bulles des mois, voire des années avant qu’elles n’éclatent, sans toutefois pouvoir prédire le moment où la catastrophe se produira.

L’approche du «Thinking Ahead Group» du cabinet de conseil Watson Wyatt est plus empirique.

Il a énuméré 15 risques extrêmes pour les investissements, de nature financière, économique, politique ou environnementale et les a classés selon leur degré de probabilité, leur impact et les liens entre eux. En tête du classement des risques prioritaires figure la dépression, suivie par l’hyperinflation, le recours excessif au levier, la crise monétaire, la crise bancaire et la faillite d’un Etat. Le premier facteur de nature ni économique ni financière ne figure qu’en septième position: le changement climatique. Dès lors, la conclusion du groupe de Watson Wyatt que «les risques financiers et certains des risques économiques sont très fortement liés» n’est guère surprenante.

Une étude récente de Standard & Poor’s dédramatise néanmoins l’impact de la crise financière. Un simple portefeuille composé de 60% de blue chips américains et de 40% de dette gouvernementale à long terme a ainsi parfaitement joué son rôle de diversification, en générant entre 1971 et novembre 2009 un rendement légèrement supérieur aux blue chips seuls, à une volatilité nettement inférieure. «Nous estimons que beaucoup d’investisseurs sont tout simplement allés trop loin sur la courbe des risques», commentent les auteurs. «En augmentant leur exposition à une plus grande diversité de types d’actions, les investisseurs pourraient avoir estimé qu’une forte position en obligations n’est plus nécessaire – ce qui était une erreur. Une large variété de classes d’actifs fortement corrélées n’apporte pas de vraie diversification.»

 Cette étude suggère ainsi que les comportements extrêmes des investisseurs sont pour le moins coresponsables de l’arrivée des chutes énormes sur les marchés._

EN COMPLEMENTS INDISPENSABLES :

Benoît Mandelbrot : de la théorie à la praxis….pour le Galilée de la finance (cliquez sur le lien)

Nassim Taleb : l’homme qui murmurait à l’oreille des cygnes… (cliquez sur le lien)

Economie et Investissement: Des risques extrêmes à ne pas négliger et comment s’en protéger (cliquez sur le lien)

Konrad Hummler : ses scénarios pour 2010 (cliquez sur le lien)

Les limites des Mathématiques ou la remise en cause de la modèlisation appliquée aveuglément (cliquez sur le lien)

De l’inefficacité des modèles de gestion du risque en temps de crise (cliquez sur le lien)

10 réponses »

  1. Je pense qu’il existe avant tout un problème de fond.
    Ce problème est que notre base repère l’or n’existe plus. En d’autres mots, si le fruit d’une de nos journée de travail nous apportait une pièce d’or, nous serions certain de garder cette quantité de matière, mais dans un système ou des inconnus peuvent vous endetter vous et vos enfants sans défense possible car ils décident l’équivalent en quantité d’or (or qui n’existe même plus en france),il n’y a aucun espoir à avoir.
    cordialement

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