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Energie : Les énergies vertes ne combleront pas le manque de courant

Les nouvelles méthodes de production, comme le courant issu du biogaz, la petite hydroélectrique, le solaire ou la géothermie, ne sont pas à négliger. Mais elles couvriront au mieux le tiers des besoins

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«Combien de vaches faut-il pour chauffer une ville comme Genève avec du biogaz?»

 C’est une des questions soulevées par la campagne «Avenir de l’électricité en Suisse» (www.avenirelectricite.ch).

Réponse: en théorie, il suffit de quatre vaches par habitant. Le biogaz qu’elles produisent correspond à peu près à la valeur énergétique de 1200 litres de mazout, soit la quantité annuelle requise pour le chauffage d’une personne (logement, place de travail, eau chaude).

L’exemple du biogaz illustre bien l’écart entre le potentiel théorique et la dure réalité dans le domaine des «nouvelles» énergies renouvelables (petite hydraulique, biomasse, éolien, photovoltaïque). Ne serait-ce que pour se chauffer, les quelque 190 000 habitants de la Cité de Calvin auraient besoin d’environ 720 000 têtes de bétail, plus de la moitié du cheptel bovin suisse.

Au moment de faire des choix technologiques, il est impératif de se fonder sur des données objectives. Or, le biogaz n’est disponible qu’en quantités limitées. Et pourtant, il serait faux de renoncer totalement au potentiel de ce produit de niche, comme le montre par exemple le succès de l’éco-courant «RegioMix» lancé en Suisse centrale. En l’occurrence, il s’agit d’électricité produite à partir de 20% de biogaz issu d’une dizaine d’exploitations agricoles et de stations d’épuration des eaux.

Introduite par la Confédération en 2008, la rétribution à prix coûtant de l’électricité injectée dans le réseau (RPC) a encouragé le développement d’une multitude de projets liés aux nouvelles énergies renouvelables. Le courant produit dans ces nouvelles installations est racheté par le distributeur local d’électricité à un prix équitable. Celui-ci varie en fonction du type de technologie utilisé, du volume produit ainsi que d’autres paramètres.

Au final, ce sont cependant les consommateurs qui paient les surcoûts liés à la RPC. Actuellement, ceux-ci se montent à environ 5% de la facture d’électricité des ménages. Les projets désirant bénéficier de ce soutien sont issus en grande partie des entreprises électriques, mais aussi de petits producteurs indépendants. Selon une enquête de l’Association des entreprises électriques suisses auprès de ses membres, la mise en œuvre de tous les projets de production dans des petites centrales hydroélectriques permettrait de parvenir à 2600 giga­wattheures (GWh) par an d’ici à 2030. Autrement dit, dans 20 ans la consommation d’environ 450 000 ménages pourrait être couverte par la petite hydraulique. Les projets d’exploitation de la biomasse représentent un potentiel d’environ 1700 GWh par an, tandis que la construction de nouvelles éoliennes pourrait donner environ 800 GWh annuels d’ici à 2030. Il convient également de considérer le courant photovoltaïque. Malgré un coût de revient encore élevé, le soleil pourrait produire entre 80 et 160 GWh annuels dans 20 ans.

Il faut aussi rappeler que l’engagement des entreprises électriques helvétiques en matière de courant vert a débuté bien avant l’avènement des nouvelles énergies renouvelables. En près d’un siècle, elles ont investi des milliards de francs dans la construction de barrages, en plaine et en montagne. Aujourd’hui, avec 55% de courant d’origine hydroélectriques, la Suisse compte parmi les trois pays d’Europe présentant la plus forte proportion d’énergies renouvelables. Seule la Norvège (98%) et l’Autriche (60%) font mieux.

Au regard de la production globale d’électricité en Suisse, celle issue des nouvelles énergies renouvelables représente aujour­d’hui une part de 2%. Ce chiffre inclut le 1,5% de courant «vert» issu des usines d’incinération. Alors, au vu du potentiel encore limité de ces nouvelles techniques, la branche électrique et l’industrie voient clairement que celles-ci ne suffiront pas à combler à long terme le manque de courant qui se dessine.

En outre, les prix de revient de ces nouvelles énergies vertes sont à l’heure actuelle pour certaines nettement supérieurs aux prix du marché. Et cela ne changera vraisemblablement pas durant les vingt prochaines années.

Une étude d’Axpo indique toutefois qu’à horizon 2050 les ressources indigènes en matière d’énergies vertes pourront théoriquement couvrir jusqu’au tiers de la demande suisse, sans compter l’apport de la géothermie. Or, le potentiel effectivement réalisable en matière d’électricité renouvelable est nettement inférieur au potentiel théorique, comme l’illustre la levée de boucliers engendrée par plusieurs projets de parcs éoliens sur nos crêtes. C’est aussi une raison pour laquelle les grandes centrales restent un composant incontournable du mix énergétique helvétique.

Par Josef A. Dürr Directeur de l’Association des entreprises électriques suisses (AES) jan10

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