Mondialisation

Pays émergents : après la Chine, l’Inde et le Brésil, à qui le tour ?

Le cabinet d’audit PricewaterhouseCoopers (PwC) a publié, jeudi 21 janvier, une étude affirmant que l’addition du produit national brut (PNB) des sept plus grandes économies émergentes, baptisées « E7 », dépasserait dès 2020 celle des PNB des pays du G7, aujourd’hui les plus riches du monde.

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En 2030, toujours selon PwC, les principales économies mondiales seront, par ordre décroissant, la Chine, les Etats-Unis, l’Inde, le Japon, le Brésil, la Russie, l’Allemagne, le Mexique, la France et le Royaume-Uni C’est donc avec un certain à-propos que le Centre de développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pense intituler « Switching Wealth » (« le basculement de la richesse ») son rapport sur les prospectives du développement économique mondial, qui doit être publié en juin.

En 2009, les deux G20 de Londres (avril) et Pittsburgh (septembre) ont symbolisé la nécessité d’une participation de trois nouvelles puissances au moins – la Chine, l’Inde et le Brésil – aux grandes décisions mondiales de politique économique (auxquelles la Russie participait déjà au sein du G8). Mais la liste des E7 de PwC ajoute aux BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) le Mexique, l’Indonésie et la Turquie. Car le basculement de la richesse ne concerne pas que les trois géants. « La dynamique de développement du Brésil, de la Chine et de l’Inde s’est manifestée de la même façon et au même moment dans bien d’autres pays, souligne Françoise Nicolas, de l’Institut français des relations internationales (IFRI). Mais, comme il s’agissait d’économies de plus petite taille, seule l’évolution des trois grands a été visible. »

En fait, la notion de « pays émergents » ne correspond à aucune définition économique précise ; leur liste varie selon les auteurs qui se risquent à les désigner. Elle reflète seulement le fait qu’il était devenu difficile, à la fin des années 1990, de nommer indistinctement « pays en voie de développement » des Etats ainsi qualifiés par souci du politiquement correct et des pays qui l’étaient effectivement.

Dans les années 1980, le développement des quatre dragons asiatiques (Corée du Sud, Taïwan, Hongkong, Singapour) les avait fait accéder directement au rang de « nouveaux pays industrialisés », car le revenu moyen par habitant y avait rejoint celui des pays riches.

Les cas chinois, indien et brésilien sont différents : la masse des populations pauvres rurales rend leur situation, même si elle s’améliore, incomparable à celle des pays riches. Elle est en revanche similaire à celle de la Turquie, de l’Egypte, de l’Indonésie, du Maroc, etc.

Hormis ce handicap, les trois géants et ces « autres émergents » partagent un certain nombre de caractéristiques structurelles « positives », dont la présence et l’intensité varient à un tel point qu’il est impossible, explique Mme Nicolas, d’en dégager une « recette » du succès. Elle liste cependant parmi les atouts un appareil industriel diversifié ; une classe moyenne susceptible d’offrir un marché aux produits de consommation ; une insertion dans les circuits commerciaux internationaux.

La plupart des économistes s’accordent à dire que les pays bénéficiant d’un revenu élevé issu d’exportations de ressources naturelles (hydrocarbures, minerais) ne font partie de ce groupe que si ce revenu est utilisé pour diversifier leur appareil de production et s’affranchir de la dépendance à ces exportations « primaires ». Les pays du Golfe et la Russie ne figurent ainsi pas toujours dans les listes. Car l' »émergence » est un processus long, qui ne se vérifie que si ces caractéristiques structurelles créent un effet durable et continu, au-delà des soubresauts conjoncturels.

L’OCDE et le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii) préfèrent utiliser, pour définir l’émergence, des séries statistiques longues. Elles permettent de mesurer la persistance d’un niveau de croissance annuel supérieur à celui des pays riches – c’est pourquoi, Helmut Reisen, directeur de la recherche à l’OCDE, préfère parler de « convergence » plutôt que d’émergence – ou d’une croissance significative de la participation au commerce mondial de biens et services (comme le fait le Cepii).

Surtout, ces atouts ne peuvent produire des effets que s’ils sont articulés par une politique économique volontariste. « Ces Etats développeurs exercent une contrainte forte sur les acteurs économiques et institutionnels », note M. Reisen. « Un pays comme l’Indonésie, dit Michel Fouquin, directeur adjoint du Cepii, a protégé son agriculture alors que ses exportations étaient essentiellement pétrolières. La chute du prix du baril, dans les années 1980, lui a fait adopter une politique de diversification industrielle. »

La crise financière de 2008 a été un bon test de la résilience des économies promises à l’émergence. « Plusieurs pays asiatiques et latino-américains ont tiré les leçons des crises des années 1990, observe M. Fouquin. Ils avaient accumulé des réserves, limité l’endettement en devises étrangères, ce qui leur a permis de laisser filer leur devise, à l’instar de la Corée du Sud, une fois la crise venue. » Le Brésil a pu dévaluer sa monnaie, le real, sans encourir les foudres des investisseurs, à l’inverse de l’Argentine des années 1990.

Les réserves ont été suffisantes pour lancer, à l’exemple des pays riches, des plans de relance : 71 milliards d’euros en Afrique du Sud, 1,6 % du PIB au Mexique, 3,2 % du PIB au Pérou, etc. Ils ont même amorti le choc pour les catégories les plus pauvres, observe Jeff Dayton, du Centre de développement de l’OCDE : « Malgré une récession de 11 % en 2009, le Mexique a financé un programme social de maintien de l’accès des plus démunis aux services d’éducation et de santé. Au Chili, une réforme des retraites a augmenté de 47 % les pensions des 10 % de ménages ayant les plus faibles revenus. »

Néanmoins, « l’impact de la crise économique a dégradé les finances publiques des pays émergents, observe Sylvain Laclias, économiste à la direction des études du Crédit agricole. Dans des pays comme l’Afrique du Sud, l’Ukraine ou la Turquie, cette détérioration va peser sur le redémarrage de l’économie autant que sur la capacité des pouvoirs publics à lutter contre la pauvreté et les inégalités. »

Celles-ci sont le principal handicap des pays émergents pour suivre leur chemin de croissance. La réduction de la pauvreté conditionne l’émergence d’une classe moyenne susceptible d’offrir un niveau de consommation intérieur qui affranchit l’économie de la dépendance aux marchés extérieurs.

« La suppression des communes populaires chinoises à la fin des années 1980, note M. Fouquin, a permis aux paysans d’accumuler un petit revenu qui, multiplié par leur nombre, a fourni la base du décollage du pays. » Aujourd’hui, en Chine comme dans la plupart des émergents, la croissance doit s’appuyer sur une réduction de la pauvreté dans les campagnes, via l’amélioration de la productivité agricole.

C’est donc la capacité des dirigeants et des institutions à tirer au mieux parti de leurs qualités qui permettra de bénéficier – ou non – d’un décollage économique. « Un grand nombre de pays pourraient devenir des moteurs de croissance à l’avenir, mais l’évolution actuelle dépend d’une série de facteurs, parmi lesquels l’organisation institutionnelle, les infrastructures, des politiques économiques appropriées et le cours des matières premières », souligne David Atkinson, responsable des risques pays d’Euler Hermes.

« Les économies qui se sont montrées les plus résistantes à la crise sont celles dotées d’un gouvernement stable et efficace. C’est un bon point de départ pour mener des politiques d’ajustement – politiques fiscale et monétaire saines – et pour avoir une position forte de la balance des paiements et des taux d’endettement bas, poursuit-il. En général, une économie qui remplit ces critères devrait être capable de développer et de mener des politiques pour réduire la pauvreté. » Mais « la plupart des économies émergentes auront aussi besoin d’une croissance forte et soutenue dans les pays développés pour accélérer leurs propres progrès », conclut M. Atkinson.

Le Mexique mais aussi les pays en transition d’Europe de l’Est ont payé d’une forte récession leur proximité des marchés occidentaux en crise. Il n’y a pas eu de « découplage », comme l’a montré Eduardo Levy-Yeyati, professeur à l’université Torcuato Di Tella à Buenos Aires. Mais les travaux de cet économiste mettent en évidence un autre couplage, entre la croissance chinoise et celle des autres pays émergents.

« La vraie nouveauté de ces dernières années est la multiplication des échanges Sud-Sud, estime Mme Nicolas. Les entreprises chinoises et indiennes, en investissant dans les Etats les plus proches des zones développées, comme en Egypte, au Maroc ou au Mexique, concourent à la fois à la croissance de ces pays, et se ménagent des bases pour pénétrer les marchés européen et nord-américain. » Le rééquilibrage du monde ne fait que commencer.

Antoine Reverchon et Adrien de Tricornot LE MONDE ECONOMIE | 25.01.10

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7 réponses »

  1. Franchement, sans avoir fait l’Ena, on comprend bien que les sociétés matures sont arrivées en bout de course… et elles constituent pour la plupart le G7 que la croissance est terminée, que la finance n’y trouvera pas des retours sur investissement faramineux et que les Brics en revanche on un potentiel énorme en terme de croissance… Poutine a misé sur le bon cheval.. les deux ennemis vont tout faire pour tirer la couverture à lui, mais je pense que Poutine les vaincra… l’ours, il fallait le laisser tranquille.
    Perso, j’aimerais bien, mais je sais que ce n’est qu’un rêve, que Poutine s’occupe « personnellement » de BHL… je sais pas mais une torgnole de Poutine dans la petite gueule de cette pourriture, et je peux mourir tranquille… 🙂

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