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Emergent : La Russie reste le paradis des fraudeurs

L a plus grande banque de Russie, l’établissement public Sberbank, a apparemment réussi à perdre 1,2 milliard de dollars (850 millions d’euros), soit l’équivalent de 5 % de son capital, à cause de prêts frauduleux consentis par trois directeurs d’établissement.

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Mais le préjudice n’est pas uniquement de nature pécuniaire. Car il apparaît que le contrôle interne n’est pas vraiment de mise à la Sberbank, et que de façon plus générale, les notions de régulation et de transparence n’ont guère cours en Russie.

Les pertes dont il est question proviennent de trois établissements de Moscou, qui auraient accordé des prêts à des entreprises fantômes. La direction de la banque affirme que la découverte de la fraude remonte à fin 2006, et que plusieurs responsables ont déjà été mis à la porte.

Sberbank répugne cependant à s’étendre sur le sujet. Or, à ce jour, il n’est pas certain qu’elle ait bien mesuré l’ampleur des dégâts : les estimations sur le niveau des pertes ont ainsi déjà été multipliées par sept depuis que le scandale a été évoqué pour la première fois, en août 2009. On parlait alors de 180 millions de dollars.

Il est vrai que l’histoire et le périmètre de la Sberbank en font une entreprise difficile à diriger. « Descendant », en ligne directe, de la bureaucratie soviétique, elle emploie 240 000 salariés aux quatre coins du pays. Mais de là à ce qu’elle soit aussi mal contrôlée dans la capitale…

Les instances d’audit et de régulation ont manifestement brillé par leur indolence, mais le silence des hommes politiques et du grand public est plus troublant encore. Les journaux y ont à peine consacré quelques lignes.

Ce n’est pas normal. La santé financière d’une banque à qui ont été confiées les économies de la moitié de la population russe devrait être considérée comme un enjeu national, et le gouvernement sévèrement critiqué pour sa négligence, en sa double qualité d’actionnaire majoritaire et de régulateur.

Une régulation indigente

Eh bien, non. Médias et parlementaires n’osent pas monter au créneau. Ils n’ont opposé que de pitoyables protestations en guise de réaction à d’autres affaires récentes d’abus présumés, lorsque le fonds spéculatif Hermitage Capital s’est plaint d’avoir été dépouillé de 400 millions de dollars par des escroqueries fiscales, ou lorsque l’on a appris que le fonds de retraite de l’Etat russe avait été victime de deux fraudes majeures en 2009.

L’indigence du système de régulation du secteur financier est depuis longtemps une des faiblesses les plus criantes de l’économie russe. Le climat de méfiance et l’opacité qui en résultent compromettent sa crédibilité. La Russie ferme les yeux à ses risques et périls. Il n’est pas encore trop tard pour bien faire.

LE MONDE | 26.01.10 |

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