Art de la guerre monétaire et économique

Jean Pierre Petit : La vraie puissance de la Chine (2)

La Chine pratique une politique mercantiliste à travers la sous-évaluation réelle du renminbi et la recherche d’acquisition de technologies.

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La Chine pratique une politique mrcantiliste. Qu’est-ce que le mrcantilisme?

 C’est une conception économique qui prévalait entre le XVIe et le milieu du XVIIIe sècle en Europe. Les penseurs mrcantilistes prônaient au départ le développement économiquepar l’enrichissement des nations au moyen du commerce extérieur qui permet de dégager un excédent de la balance extérieure (et une accumulation de métaux précieux) grâce à l’investissement dans des activités économiques à rendement croissant.

L’Etat a de son côté un rôle primordial dans le développement de la richesse nationale, en adoptant une politique industrielle, voire protectionniste tout en encourageant les exportations.

La Chine pratique une politique mercantiliste qui s’exprime non seulement par la sous-évaluation réelle du renminbi permise par l’ancrage au dollar et l’accumulation de réserves de change, mais aussi par la recherche de l’acquisition de technologies permettant de substituer progressivement la production domestique aux importations (rachats de marques,acquisition de savoir-faire, etc.),

la recherche de sécurisation de ses approvisionnements énergétiques via l’exploitation de gisements, la diversification des importations, l’acquisition d’actifs (pétrole en Afrique, céréales en Amérique latine, minerai de fer, de cuivre ou d’uranium en Australie, gaz en Russie, etc.) la protection de certains de ses marchés intérieurs (télécom, transports, énergie, finance, média, etc.) que la récente polémique avec Google n’a fait qu’illustrer.

Comment expliquer la stratégie mercantile de la Chine?

 Les historiens pourraient mentionner que la Chine est décidée à regagner son prestige – la Chine était encore la première puissance économique jusqu’au début du XIXe siècle– et le sentiment «d’injustice historique». Les géopolitologues diraient qu’il s’agit pour la Chine de gagner le leadership politique en Asie. Les sinologues souligneraient qu’il s’agit d’obtenir la croissance la plus forte pour prévenir les tensions intérieures.

Certes, mais pourquoi alors sur la base d’une stratégie mercantiliste?

Tout simplement pour deux raisons.

D’une part, ce modèle a prouvé sa relative efficacité depuis trente ans;

d’autre part, dans la mesure où il peut flatter la fierté nationaliste des Chinois.

Mais d’un point de vue plus économique, cette attitude peut plus simplement se comprendre par la volonté de la Chine de maximiser la croissance chinoise avant le choc démographique des années 2020 (dû à la politique de l’enfant unique). De là s’explique finalement le refus des autorités chinoises d’écouter les doléances des occidentaux sur le renminbi, les normes environnementales ou les aspects politiques.

Bref, les Chinois veulent éviter au maximum le syndrome du pays devenu vieux avant d’avoir été riche.

On peut retrouver la même problématique dans les pays déjà démographiquement déclinants comme l’Allemagne ou le Japon; leur stratégie mercantile, qui s’exprime surtout à travers leur volonté de développer leur part de marché, peut aussi se comprendre à partir de là, même si les niveaux de développement initiaux ne sont pas comparables.

Bref, on ne doit pas oublier que malthusianisme et mercantilisme ont su cohabiter jusqu’au XIXe siècle.

La Chine dispose aujourd’hui d’un revenu par habitant en parité de pouvoir d’achat de 6500 dollars. Avec une croissance de 10% par an d’ici dix ans (hypothèse optimiste), la Chine parviendrait à 17.000 dollars par habitant en 2020, soit le niveau actuel de pays comme la Pologne ou la Hongrie. On serait encore très loin des niveaux actuels américain (46.000) ou français (35.000).

On comprend dès lors que cette stratégie a tout son sens d’un point de vue chinois. Néanmoins, toute stratégie prédatrice a nécessairement des limites à moyen et long terme. La tolérance des pays partenaires tout d’abord qui pourrait diminuer par des réactions de fermeture – peu rationnelle – aux échanges.

La capacité des ménages occidentaux ensuite à absorber les biens de consommation chinois dans un contexte de désendettement, de faiblesse relative des créations d’emplois et de finances publiques contraintes. Les prix croissants des matières premières (même si le coût en est masqué par le subventionnement) et la dégradation de l’environnement enfin qu’un tel modèle suppose.

JEAN-PIERRE PETIT Stratégiste et Economiste de marché jan10

BILLET PRECEDENT : Jean Pierre Petit : Puissance de la Chine (1) (cliquez sur le lien)

EN COMPLEMENTS : Chine : « We are the champions » ou quand surchauffe et mercantilisme battent leur plein…. (cliquez sur le lien)

Commentaire : l’Art de la guerre économique / la Guerre larvée des changes (cliquez sur le lien)

Philippe d’Arvisenet : Voilà pourquoi les déséquilibres macroéconomiques et financiers vont persister (cliquez sur le lien)

Art de la guerre économique et monétaire : A quoi servent les réserves de change ? (cliquez sur le lien)

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