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L’insoutenable légèreté de l’argent public

 

Les grands Etats européens vont émettre en 2010 des dettes dont le montant équivaut à 20% de leur produit intérieur brut

Ce sera 2200 milliards d’euros.  Il s’agit des fonds que les gouvernements des grandes économies occidentales vont devoir récolter auprès des investisseurs cette année pour financer leurs déficits et leurs dettes astronomiques.

 L’agence Fitch a publié (cliquer sur le lien) mardi ce chiffre record, qui représente 19% de la richesse produite chaque année.

Pour éviter la récession, on le sait, les capitales ont dépensé sans compter. Au point de mettre aujourd’hui leurs finances en péril, comme s’en inquiétait hier encore le Fonds monétaire international.(cliquez sur le lien)

Les Etats les plus endettés commencent à subir le prix de la gestion trop légère des deniers publics, qui en fait remonte à bien avant la crise. La Grèce s’est donné un peu de mou en début de semaine, mais à un taux élevé (quelque 6,2% pour cinq ans, six fois plus que les taux de la Confédération Suisse).

Peu de ces Etats aux poches percées prévoient spontanément d’équilibrer leurs finances; la Grèce vient de le faire, mais sous la contrainte. De ce point de vue, la proposition de Barack Obama du gel du budget fédéral est intéressante; mais le geste n’est que «partiel».

Dans ces conditions, ces mêmes Etats pourront-ils alléger leur fardeau sans laisser filer l’inflation?

 Le FMI juge les prix sous contrôle  (cliquez sur le lien) Il est permis d’en douter.

L’euro ne mérite pas un «Munich monétaire»

La réélection de Jean-Claude Juncker à la tête de l’Euro- groupe (l’instance de concertation des argentiers européens) ressemble à un véritable Munich monétaire, écrit Yves de Kerdrel dans Le Figaro. Un Munich monétaire parce que sa tâche vise uniquement à éviter le chaos et le KO de l’euro.

La Grèce est en effet au bord de l’implosion. Personne ne sait si les autorités pourront payer les pensions en janvier. On cherche à relativiser comme c’était le cas avec les Sudètes en 1938. A ne rien faire pour la Grèce, l’Europe va avoir le déshonneur et risque un chaos monétaire qui entraînerait le Portugal, l’Espagne et l’Irlande. Il est de bon ton de dire qu’un pays ne peut plus faire faillite, mais l’Islande est en cessation de paiement. Et depuis un mois, c’est au tour de Dubaï

Une crise de la dette en devenir au Japon?

Standard & Poor’s menace de revoir à la baisse la capacité de l’Archipel à rembourser ses dettes. Celles-ci atteindront plus du double de produit intérieur brut en 2011

Après les Etats baltes et la Grèce, c’est le nouveau film catastrophe en vogue sur les marchés. Et si le Japon finissait par ployer lui aussi sous le poids de ses dettes publiques?

Mardi, l’agitation autour d’un tel scénario a été relancée par la menace de Standard & Poor’s de revoir à la baisse la capacité de l’Archipel à rembourser ses emprunts. Celle-ci est actuellement noté «AA» – la troisième meilleure sur une échelle de vingt-deux.

L’agence de notation dit s’inquiéter de la poursuite de l’envolée de ce passif, nourrie par la politique de relance du nouveau gouvernement de centre gauche. Le budget proposé pour 2010 par le cabinet de Yukio Hatoyama atteint un record de 1100 milliards de dollars – soit 20% du produit intérieur brut – ce qui le force à abandonner sa promesse électorale de plafonner les emprunts obligataires de l’Etat. Cet avertissement de Standard & Poor’s pourrait se concrétiser «si les statistiques économiques [du pays] restent faibles».

Croissance de 1,3% en 2010

Mardi, la Banque du Japon a cependant légèrement relevé sa prévision de croissance de l’activité à 1,3% sur l’année fiscale débutant le 1er avril. Afin de lutter contre la déflation qui mine le pays, la banque centrale a en outre décidé de maintenir les taux d’intérêt au niveau minimaliste de 0,1% en vigueur depuis fin 2008.

Mais pourquoi s’inquiéter aujourd’hui de dettes publiques qui échappent à tout contrôle depuis près de 20 ans?

 Tout d’abord parce que les niveaux atteints ont de quoi rendre nerveux. Lundi, le Ministère des finances a averti que le total des emprunts atteindrait 10 800 milliards de dollars fin mars 2011, plus du double du PIB.

Qui prendra le relais des épargnants à la retraite?

Surtout, certaines voix commencent à pointer du doigt l’équilibre précaire sur lequel repose cet endettement: sa souscription en quasi-totalité par des investisseurs locaux, ce qui met le pays à l’abri d’une crise de la dette provoquée par un cercle vicieux de dépréciation du yen et de hausse de taux. «Ces épargnants sont de plus en plus nombreux à partir à la retraite et à puiser dans leur bas de laine, qui les remplacera pour financer les déficits?», interpelle Dylan Grice, économiste londonien de la Société Générale.

Tokyo pourrait se tourner vers des prêteurs étrangers. Mais il faudrait leur offrir bien davantage que les 1,5% d’intérêts payés actuellement, «ce qui n’est pas tenable, le service de la dette consommant déjà le tiers des nouvelles sommes empruntées» note l’économiste. Pourquoi, alors ne pas puiser dans un trésor de guerre constitué notamment de 750 milliards de dollars d’obligations d’Etat américaines? Cela financerait, au mieux, «huit mois de déficit», prévient Dylan Grice. Et mettrait, par effet domino, Washington dans une position des plus délicate

Par Pierre-Alexandre Sallier le temps jan10

NOURIEL ROUBINI.

L’économiste s’étonne que les difficultés de l’Espagne ne soient pas davantage craintes.

L’économiste américain n’exclut pas un éclatement de l’Union monétaire européenne. «Le risque progresse». Nouriel Roubini le dit lui-même, il n’a jamais été aussi pessimiste sur l’avenir de l’Union monétaire européenne.

Le célèbre professeur d’économie à New York estime que l’Espagne représente une réelle menace pour la zone euro. Bien plus importante que le cas grec, dont la dette publique approche les 120% du PIB national. Un chiffre deux fois supérieur à celui exigé pour intégrer l’UE.

Dans un entretien à Bloomberg Radio, l’économiste a déclaré comprendre que les observateurs se focalisent beaucoup sur les difficultés de la Grèce. Mais il s’est étonné de constater que celles de l’Espagne ne soient pas davantage craintes, ni même évoquées.

 Le pays doit faire face à plusieurs grands déséquilibres macroéconomiques. Son taux de chômage notamment, qui atteint 19%, soit presque le double du taux moyen dans l’Union. Le recul de l’immobilier, par ailleurs toujours largement surévalué. Ou encore son système bancaire, notablement affaibli depuis la crise.

«Si la Grèce est forcée de quitter l’Union, ce serait certes un problème. Mais dans le cas de l’Espagne, ce serait un désastre», a prévenu l’économiste depuis Davos.

La péninsule ibérique est la quatrième plus importante économie d’Europe.

«C’est le premier vrai test pour la zone euro», a repris Nouriel Roubini, reconnu pour être l’un des seuls économistes à avoir prédit la crise des subprimes en 2006 déjà. Ses propos alarmistes frappent généralement les esprits. Dans le cas précis parce qu’ils s’affichent en totale contradiction avec les déclarations récentes de Jean-Claude Trichet. Il y a deux semaines, le président de la BCE a jugé «absurde» l’hypothèse évoquée d’une éviction forcée de la Grèce. Et encore moins crédible un éclatement de la zone euro.

 Pourtant, Roubini n’en démord pas: «Elle pourrait perdre de sa substance. Avec un centre fort, mais une périphérie plus faible et des pays forcés de la quitter».

Globalement, l’économiste considère que l’émergence de risques souverains pourrait venir pénaliser la reprise économique dans les pays développés. «Il existe d’importants problèmes fiscaux dans de nombreuses économies avancées. Et personne ne semble vouloir s’en préoccuper», s’est encore inquiété l’économiste, décidément très pessimiste à l’entame du WEF

Source Bloomberg jan10

EN COMPLEMENTS INDISPENSABLES : Dettes Publiques de quelques grands pays : importance comparée (cliquez sur le lien)

Obligations d’Etats : Se méfier des Dettes des Gouvernements (cliquez sur le lien)

Tableau d’évaluation des risques liés à l’endettement public Zone Euro et Etats-Unis (cliquez sur le lien)

Trappe a dette façon sushi : le Japon se fait harakiri et se faisant joue les kamikazes sur les Marchés financiers (cliquez sur le lien)

Commentaire : De la déflation à la Trappe à dettes l’Empire du Japon se veut désormais plutôt bonsaï que banzaï (cliquez sur le lien)

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