Commentaire de Marché

Regard sur la Dette Souveraine au travers du prisme des CDS

Commentaire : Les investisseurs ont bien réagi à la promesse du gouvernement grec début mars d’aller encore plus loin dans l’assainissement des finances publiques qu’il ne l’avait annoncé en janvier. Le déficit devrait à présent être ramené de 12,7 % du PIB en 2009 à 8,7 % en 2010. La Grèce vise un déficit inférieur à 3 % d’ici à 2013, ce qui, en cas de succès, constituerait l’un des programmes de rigueur budgétaire les plus ambitieux jamais observés en Europe. Les manifestations à Athènes montrent que le gouvernement aura bien du mal à atteindre cetobjectif.

Cela étant, d’après une lettre d’information du Trésor grec publiée il y a deux semaines, près de la moitié des mesures de durcissement proposées ont déjà été votées.

PLUS DE CDS EN SUIVANT :

 Par conséquent, le coût de la protection contre le risque d’une défaillance des obligations d’Etat grecques via un swap de défaut de crédit (CDS) a considérablement diminué le mois dernier. La semaine dernière, Standard & Poor’s a confirmé sa notation BBB+. L’obstacle suivant pour la Grèce sera de lever 20 milliards d’euros ces prochains mois pour refinancer sa dette et payer ses intérêts…

POINT ET MECANIQUES DES CDS AVEC Chantana Sam  / stratége Axa le 25 Mars 2010  

« Le marché des CDS souverains représentent environ 2 200 milliards de dollars » 

Marché Obligataire : Bannir les CDS augmenterait le coût des emprunts d’Etat (cliquez sur le lien)

A-t-on une idée de ce que représente le marché des CDS aujourd’hui ?

Selon la BIS, le marché représentait 60 000 milliards de dollars en 2007 et 35 000 milliards de dollars en juin 2009. Ce chiffre représente la somme des notionnels de chaque contrat.

Sur ces 35 000 milliards, il y a 24 000 milliards de CDS single-name dont 1 800 milliards de CDS de dettes souveraines. Selon les chiffres de la DTCC, l’entreprise qui tient le registre de compte de quasiment toutes les opérations sur CDS, les dernières données récentes font état de 2 200 milliards de CDS souverains sur un total de 15 000 milliards de CDS single-name. Les CDS de dettes souveraines ne constituent donc qu’une petite partie de l’ensemble des CDS.

Cela peut se comprendre si l’on tient compte du fait que le développement des CDS a été poussé par le développement de la titrisation, essentiellement développé sur du risque de consommation et du risque d’entreprises. 

De quelle manière considérez-vous la réduction du marché ? 

Le dégonflement observé traduit essentiellement une meilleure gestion par les desks de leurs positions CDS. Avant la crise, les desks de CDS géraient leurs instruments en accumulant des contrats sans vraiment se soucier de faire le nettoyage dans leurs books. 

Or un desk peut à la fois être acheteur et vendeur de protection. Ces contrats peuvent de ce fait s’annuler, la position résiduelle s’en trouvant neutralisée. 

La déroute de Bear Stearns et de Lehman, qui a empêché de nombreux investisseurs d’être payés sur leurs paris, a fait prendre conscience du risque de contrepartie lié aux contrats de CDS. 

Il n’y a pas véritablement de réduction des transactions. Le chiffre se rapproche davantage du véritable risque net. 

Utiliser les CDS coûte moins cher qu’utiliser des obligations ? 

Le contrat de CDS est un contrat synthétique. Vous n’avez pas besoin d’avancer de l’argent pour entrer dans le contrat. La valeur de ce dernier évolue en fonction de la valeur du marché et c’est au moment où vous débouclez, que soit vous encaissez l’éventuel gain si votre vue est gagnante, soit vous payez si le marché n’a pas évolué dans votre sens. Cette absence de contrainte d’emprunter de l’argent pour financer la position fait des CDS des instruments permettant d’ajouter de l’effet de levier. 

À l’inverse, l’obligation est un produit cash. Vous devez pour entrer dans la position apporter un cash-flow initial de manière à financer un certain pourcentage du notionnel. 

Souvent, l’obligation doit d’abord être empruntée sur le marché du repo, ce qui suppose un coût additionnel (typiquement à Euribor ›  une marge). 

Par ailleurs, pour acheter l’obligation, il faut trouver en face un vendeur. Le gisement des obligations n’est pas un gisement infini. Il peut-être parfois difficile de trouver l’obligation recherchée, ce qui peut entrainer des surcouts de liquidité.  

A contrario, l’exposition à un CDS impose simplement de trouver une contrepartie qui accepte de prendre la position inverse. Il n’y a pas de considération des gisements de dettes sous-jacentes. 

Peut-on comparer le rôle des CDS dans le problème grec, à celui qu’ils ont joué dans la déroute de Lehman Brothers ? 

La Grèce ne se refinance pas comme une banque. Il a des dettes significatives qui arrivent à maturité ce qui nécessite de réémettre de la dette pour couvrir ces échéances. 

Le coût accru de refinancement se traduit lorsque le pays cherche à émettre de nouveaux titres. C’est là que le prix des nouvelles dettes est impacté par le niveau des CDS. 

Mais la Grèce est un Etat, et à ce titre, il a davantage de temps qu’une entreprise pour étaler ses dettes. En outre, le pays à d’autres moyens pour se refinancer, il peut prélever des taxes, réduire ses dépenses… 

Par ailleurs la Grèce n’a pas véritablement de problème à accéder au marché des capitaux par le biais de ses émissions. Celles-ci sont largement sursouscrites. 

Je ne mettrai donc pas le cas d’un corporate et d’un pays sur le même plan. 

Compte tenu de leur niveau exhorbitant, et du potentiel de resserrement, recommanderiez-vous  l’investissement dans les CDS grecs aujourd’hui ? 

Vous avez beau penser que le spreads est trop élevé, il me semble dangereux de rejouer sur un resserrement du spreads à court terme. Si une position est prise en ce sens, l’investisseur peut souffrir de la volatilité à court terme. Acheter une position à 350, sachant que celle-ci pourrait très bien évoluer à 500 pourrait en fonction de la somme mise en jeu entraîner une perte importante. 

À présent si l’investisseur décide de prendre une position de maturité courte (par exemple un an) et de la laisser maturer, le risque est moindre dans la mesure où il n’y a pas de sensibilité à la volatilité du mark to market de la position. 

Au-delà de la Grèce, les inquiétudes se portent sur autre pays européens, notamment l’Espagne et l’Irlande. Avez-vous un point de vue sur cet effet de contagion ? 

Avec le problème grec, les spreads des pays périphériques, Espagne, Portugal Irlande Italie, se sont fortement écartés également. Il y a notamment eu beaucoup d’agitations sur le Portugal, qui a touché les 200 points de base, et qui est revenu ensuite dans les 120 points de base. 

Cela fait sens. Si la Grèce fait défaut, si elle sort de l’euro, et qu’elle est contrainte de libeller sa dette en une monnaie locale, il y aura forcément un effet de contagion sur les autres pays faibles de la zone. 

Il y a un support implicite aujourd’hui selon lequel l’Union Européenne finira par sauver ces pays. Si l’Europe ne soutient pasla Grèce il n’y a pas de raison de penser qu’elle soutiendra les autres pays. C’est un effet de pricing relatif cohérent avec l’écartement de la Grèce.

Propos recueillis par Imen Hazgui

EN COMPLEMENT : les Dérivés crédit en question /Dossier CDS : les tenants et les aboutissants (cliquez sur le lien)

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