Au coeur de la création de richesse : l'Entreprise

Goldman Sachs, la banque « ennemi public numéro un »

lusegun Aganga est nommé tsar économique dans le nouveau gouvernement du Nigeria. Des parlementaires italiens se mobilisent pour soutenir la candidature du président de la banque centrale d’Italie, Mario Draghi, à la tête de la Banque centrale européenne. La zone euro s’accorde sur l’aide au malade grec. A première vue, ces trois événements de l’actualité récente ne sont pas liés. Pourtant, il existe un point commun : Goldman Sachs. Les deux premiers intéressés ont appartenu à la hiérarchie de la filiale internationale, basée à Londres, de la banque d’affaires américaine. Et cette dernière a aidé la Grèce à maquiller ses comptes, précipitant la crise de l’euro.

PLUS DE GOLDMAN SACHS EN SUIVANT :

Aux yeux des médias et des hommes politiques européens, Goldman Sachs, à la fois système d’influence et machine de spéculation financière, est plus que jamais l’ennemi public numéro un. Le mea culpa de son chef, Lloyd Blankfein, les millions de dollars offerts pour aider les PME américaines ou la limitation des bonus : rien ne parvient à atténuer cette détestation à l’encontre de l' »affreuse ». L’image de la firme est au plus bas au point qu’elle a été obligée d’inclure dans son rapport 2009, publié le 26 février dernier, que la presse constitue désormais « un nouveau facteur de risque » pour ses affaires.

Goldman Sachs : Cible et bouc émissaire facile des Gouvernements Populistes Européens (cliquez sur le lien)

Trappe à Dettes : Les montages opaques et les liaisons dangereuses de la Grèce en ligne de mire (cliquez sur le lien)

Pourquoi cette haine ?

 Tout d’abord, avec ce brin de provocation, de distance et d’arrogance qui fait grincer des dents, ce fief singulier de l’argent est sorti plus fort que jamais de la crise financière en dégageant des bénéfices plantureux. On imagine l’effet produit par cette réussite sur le salarié d’en bas victime de récession. Tel un intermittent de la morale en affaires, elle a su tirer profit de la faillite de Lehman Brothers comme du sauvetage de l’assureur AIG. Aussi, son PDG n’a jamais pu trouver les mots pour remercier l’Etat et les contribuables d’outre-Atlantique de l’avoir secourue.

Goldman Sachs : American Warrior….. (cliquez sur le lien)

Goldman Sachs : l’American Warrior est en bonne marche !!!!! (cliquez sur le lien)

WSJ : Goldman Sachs exploite une mine d’or (cliquez sur le lien)

Ensuite, pour ses détracteurs, l’enseigne new-yorkaise est la « face inacceptable du capitalisme ». La célèbre définition, naguère appliquée par le conservateur Edward Heath, premier ministre britannique entre 1970 et 1974, au requin des OPA, Tiny Rowlands, lui irait comme un gant. En effet, l’activité historique de conseil aux entreprises cache une vaste machine à spéculer sur tout et n’importe quoi, pour son compte propre comme pour celui de ses clients. Les conflits d’intérêts sont inhérents à ce supermarché de la finance offrant toute la palette des services. Sur de nombreux marchés, la banque est à la fois juge et partie.

Troisième critique, ce pouvoir est basé sur un système d’influence politique sans pareil, aux Etats-Unis comme en Europe. Ce cénacle d’anciens dirigeants – à l’instar d’Olusegun Aganga ou de Mario Draghi – constitue un maillage serré, à la fois souterrain et public, qui n’a cessé de défrayer la chronique depuis la tourmente de l’automne 2008.

Quatrième point noir, Goldman Sachs n’a pas joué le jeu après son introduction en Bourse en 1999. Elle a refusé les impératifs qui en découlent de transparence et de communication aux actionnaires, analystes et médias. L’institution a continué d’agir comme si de rien n’était, dans le plus grand secret comme le partenariat privé d’autrefois. De surcroît, ce symbole de la banque d’investissement pur sucre ne dispose ni d’enseigne ni de guichets avec lesquels le public puisse s’identifier, ce qui renforce les préjugés.

Enfin, cet établissement fondé en 1869 par un instituteur juif bavarois est un brouet qui fleure bon aux nez antisémites. Jusqu’en 1945, il existait une division religieuse à Wall Street entre banques juives et protestantes. De nos jours, Goldman Sachs n’est plus une banque juive au même titre que JPMorgan n’a plus rien de protestant. N’empêche, les blogs anti-Goldman servent un discours fortement teinté d’antijudaïsme.

Et ainsi de suite, pour une suite sans fin. Face à une telle hostilité, les défenseurs de Goldman Sachs ne peuvent que prêcher dans le désert.

Or, au moins trois évidences s’imposent.

 Primo, pendant la crise, elle a continué à assurer la liquidité des marchés financiers afin d’empêcher leur implosion.

Secundo, la Grèce a orchestré ses trucages comptables, pas la banque, même si le 23 février, Gerald Corrigan, président de Goldman Sachs USA, a reconnu que « les normes de transparence auraient dû être meilleures ».

Enfin, le culte de la méritocratie, la formidable capacité de travail des équipes et la culture collective contrôlant les ego surdimensionnés demeurent des atouts face à la nouvelle donne financière.

Goldman Sachs apparaît aujourd’hui enfermée dans un statut d’entreprise bouc émissaire tout-terrain. Comme l’a expliqué l’anthropologue de la violence, René Girard, ce mécanisme victimaire – tous contre un ! – amène la communauté tout entière à se rassembler contre un individu.

Dans toute dramaturgie hollywoodienne, il faut qu’un comédien se dévoue pour le rôle du petit génie du mal. Goldman Sachs, à son corps défendant, fait un assez joli Darth Vader, le méchant de La Guerre des étoiles. Si Goldman Sachs n’existait pas, on se le serait inventé, ou presque.

LE MONDE | 30.03.10 |

1 réponse »

Laisser un commentaire