Agefi Suisse

L’emprise totale des agences de notation sur les marchés

 Ce qui s’est passé ces derniers jours montre qu’elles sont devenues aussi influentes que des banques centrales.

«LES NOTATIONS RESTENT TROP ÉLEVÉES PENDANT TROP LONGTEMPS, COMME L’A MONTRÉ L’ABAISSEMENT DURATING DE LAGRÈCE DE TROIS CRANS D’UN COUP.»

Il ne faut toutefois pas accuser les agences de sanctionner les pays de l’Europe du Sud de manière injustifiée….

PLUS  DAGENCES EN SUIVANT :

 Les décisions des agences de notation ont actuellement plus d’impact sur les marchés actions mondiaux que celle de la Fed s’agissant de maintenir le statu quo concernant le taux directeur.

Le SMI (indice suisse)n’a ainsi toujours pas rattrapé les deux chutes suivant immédiatement la nouvelle classification par Standard&Poor’s (S&P) de la dette grecque (BB+) dans la catégorie spéculative et la nouvelle note A- attribuée au Portugal de mardi (et l’abaissement d’un cran de celle de l’Espagne (AA) du lendemain).

La confirmation du scénario de contagion des problèmes grecs vers les autres pays en situation critique apportée par S&P a suffi pour provoquer des ventes de panique.

Implications de la contagion grecque à l’échelle européenne (cliquez sur le lien)

 Du côté des obligations gouvernementales, tant les (aux que les swaps contre le défaut (CDS) ont bondi. La Grèce est ainsi le premier pays membre de l’Union européenne dont le taux de la dette à 10 ans a franchi la barre des 10%.

Les adaptations des agences ont même suscité l’ire des politiciens leur reprochant de ne pas tenir suffisamment compte du plan de soutien prévu pour la Grèce.

Il n’empêche que les interventions des agences semblent avoir fortement contribué à l’accélération du processus politique, notamment pour forcer l’Allemagne à participer enfin au programme de soutien en faveur de la Grèce.

Même si elles se trouvent à nouveau au centre de critiques, le pouvoir des agences de notation paraît ainsi plus inébranlable que jamais. Comme si le sort de la Grèce se trouvait entre les mains de l’agence Moody’s, dont la note «A3» nettement meilleure que celles de S&P et de Fitch laisse la porte ouverte aux banques vers la mise en garantie des emprunts souverains auprès de la Banque centrale européenne pour obtenir des prêts. Les deux autres pays des «PIIGS» ont des chances de suivre et de provoquer à nouveau de fortes réactions sur les marchés. Les taux de leurs dettes souveraines l’anticipent déjà. Avec l’accent mis sur l’Irlande toutefois, dont le taux de l’emprunt à 10 ans a même bondi de 4,6% à 5,2% en huit jours

Les PIIGS principales cibles des agences de notation

Les abaissements de ratings tiennent à des faiblesses structurelles et à un manque de confiance dans l’Europe du Sud.

Les critiques pleuvent à nouveau sur les agences de notation. Au point que le ministre des finances luxembourgeois Jean-Claude Juncker a appelé à la création d’une agence chapeautée par la Banque centrale européenne chargée uniquement d’évaluer les dettes souveraines.

 Mais personne ne semble vraiment contester la place des trois principales agences existantes (Standard & Poor’s,Moody’s et Fitch) en tant que référence pour évaluer les risques de défaut d’un débiteur.

Leur influence va même au-delà, à l’exemple des investissements en titres de dette grecs des banques françaises ou allemandes, dont les actions ont souffert ces derniers jours.

Les banques françaises et européennes restent dans la tourmente grecque (cliquez sur le lien)

Le renchérissement des emprunts provoqué par une baisse de notation peut également inciter les pouvoirs politiques à accélérer les programmes de soutien pour les pays confrontés à ces difficultés. Comme cela semble notamment être le cas de l’Allemagne pour participer au sauvetage de la Grèce. Un effet que les analystes du marché du crédit jugent tout à fait souhaitable.

Ce qui n’empêche pas Philipp Bärtschi de Sarasin de voir la notation abaissée de l’Espagne d’un oeil critique:

«Il apparaît une fois de plus que les agences de notation courent derrière les événements et rendent la situation encore pire en créant de la volatilité à court terme.»

La BCZ semble toutefois donner raison à S&P en relevant notamment que les revenus fiscaux du pays risquent de rester faibles, car «plus de 50% de leur croissance entre 1995 et 2007 est à mettre sur le compte du secteur immobilier, qui a connu entre- temps des corrections de prix massives.»

Elle est même allée plus loin que les agences, en intégrant également l’Irlande et l’Italie dans les pays dont les obligations ne sont pas recommandées à l’achat et en frappant le Portugal de la même sanction que la Grèce: l’exclusion de l’univers de placement de la banque!

«Le Portugal (A- selon S&P), qui doit procéder à des refinancements de dette à hauteur de 18% de son PIB, se trouvera très bientôt dans la zone BBB», prédit un analyste de la BCZ, qui observe lui aussi que «les notations restent trop élevées pendant trop longtemps, comme l’a montré l’abaissement du rating de la Grèce de trois crans d’un coup».

Il ne faut toutefois pas accuser les agences de sanctionner les pays de l’Europe du Sud de manière injustifiée. Cela tient plutôt à leurs faiblesses structurelles: «Ces downgrades sont la somme de plusieurs facteurs défavorables. Ces pays ont une balance courante très négative, et les marchés de capitaux notamment de la Grèce et du Portugal restent petits.

Martin Feldstein : Pourquoi la Grèce fera défaut sur sa dette (cliquez sur le lien)

Les pays de l’Europe de l’Est mettent déjà en oeuvre d’importants programmes d’économies.

Pour ceux du Sud, le marché manque de confiance dans leur capacité de réaliser des plans similaires.

Grèce : La faillite d’un système clientéliste (cliquez sur le lien)

» Les analystes reconnaissent toutefois que le Royaume-Uni ne mérite plus la notation «AAA», sa situation financière étant nettement moins bonne que celle de la moyenne des pays de la zone euro. La période post-électorale, où le nouveau gouvernement devra présenter un plan d’assainissement, s’annonce très délicate.

New Normal/Pimco : Bill Gross réitère sa mise en garde sur les obligations britanniques (cliquez sur le lien)

Standard & Poor’s, qui a placé le pays sous surveillance négative, risque ainsi d’abaisser le rating en cas de programme jugé insuffisant. En termes de volume de nouvelles émissions de dettes souveraines, il arrive en troisième position (6%) d’un classement largement emmené par les Etats-Unis (45%) suivis par le Japon (11%).

Les agences de notation déconnectées des marchés (cliquez sur le lien)

Il est loin d’être certain qu’un volume d’émission de 4500 milliards de dollars, représentant le triple du volume annuel moyen des cinq dernières années des pays développés, trouvera facilement preneur.

D’autant moins que certains estiment les besoins de refinancement du secteur privé américain à 1000 milliards rien qu’en 2010. Un risque que les agences de notation ne semblent pas (encore) prendre en compte.

Si la réputation des agences a fortement souffert en ce qui concerne tous les crédits structurés qui ont vu leur rating amélioré grâce à l’appui des rehausseurs de crédit, cela n’est pas du tout le cas pour les notations de dettes souveraines.

Agences de Notation : Le Sénat américain accuse Moody’s et S&P de négocier leurs notations (cliquez sur le lien)

L’élimination d’un pays de la zone non-spéculative reste ainsi lourde de conséquences. Car celle-ci provoque la sortie rapide de bon nombre d’investisseurs institutionnels dont les directives excluent les placements dans des obligations spéculatives. Seules les anticipations du marché peuvent en atténuer les effets. L’évolution récente des taux des pays PIIGS le montre bien. En hausse soutenue depuis mi-avril, les downgrades de S&P ont simplement accentué la tendance. La journée d’hier, exempte d’intervention d’une agence, a permis aux taux de se détendre un peu. Ce qui met en évidence qu’une bonne partie du downgrade a déjà été incluse dans les cours. Une partie des fortes fluctuations ainsi créées n’est donc qu’un effet à court terme…_

Christian Affolter agefi avril10

4 réponses »

  1. Moody’s abaisse les notes de neuf banques grecques.

    L’agence de notation financière Moody’s a annoncé vendredi qu’elle abaissait la note de solidité financière (BFSR) et de crédit de neuf banques grecques, maintenant une perspective négative, en raison des pressions sur le secteur bancaire dans le contexte économique grec.

    Moody’s pourrait encore dégrader les notes des dépôts et de crédit de ces banques lorsqu’elle réévaluera la note de dette à long terme de la Grèce.

    Les neuf établissements en question sont NBG (Banque nationale de Grèce), Eurobank, Alpha, la Banque du Pirée, Emporiki (filiale du Crédit Agricole), Agricultural Bank of Greece, General Bank of Greece (filiale de la Société Générale), Marfin Egnatia Bank et Attica, détaille Moody’s dans un communiqué.

    Moody’s avait déjà dégradé la note de BNG, Alpha, Eurobank, la Banque du Pirée et Emporiki le 31 mars.

    L’agence de notation estime que le contexte économique grec a des répercussions sur la solidité du secteur financier local, qui a de plus en plus de mal à avoir accès au marchés interbancaire et obligataire et s’appuie donc sur le financement de la Banque Centrale Européenne (BCE).

    « La BCE va rester une source de financement pour les banques jusqu’à ce que la confiance revienne sur les marchés. Cela dit, le soutien de la BCE n’est pas illimité, rappelle Moody’s.

    Autre difficulté pour le secteur bancaire : la mise en place de mesures pour redresser les finances est positive pour la solvabilité du pays, mais peut avoir un coût sur la croissance à court ou moyen terme, souligne l’agence de notation, citant pêle-mêle un risque de hausse du chômage, une baisse des revenus et une moindre rentabilité pour les entreprises.

    http://www.romandie.com/infos/news/201004301537040AWP.asp

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