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Jean Pierre Petit /Les stress tests en Europe (1/4)

Jean Pierre Petit /Les stress tests en Europe (1/4)

Jean-Pierre Petit    Les 91 établissements concernés couvrent 65% du bilan du système européen et au moins la moitié des actifs bancaires de chaque pays.

PLUS/MOINS DE STRESS EN SUIVANT :

Un stress test bancaire consiste à évaluer les pertes potentielles, les revenus et, surtout, les besoins en fonds propres des principales banques sous un scénario macroéconomique sensiblement plus pessimiste (scénario adverse) qu’anticipé (peu probable mais possible) par une méthode homogène, transparente et contrainte par l’autorité publique.

Il s’agit avant tout d’un exercice de communication. Dans la plupart des pays, les régulateurs connaissent la santé de leurs banques.

Il s’agit avant tout ici de rassurer les opérateurs (investisseurs, contreparties bancaires, stakeholders) sur l’état de santé des principales banques. Ici, 91 banques européennes sont concernées (sur 20 pays), couvrant 65% du bilan du système bancaire européen et au moins la moitié des actifs bancaires de chaque pays membre.

Dans le cas des 7 pays où les banques n’ont pas été stressées directement, les filiales et succursales des autres banques internationales ont été couvertes, ce qui permet de satisfaire au critère des 50% de couverture des actifs de chaque pays membre.

Le stress test s’est concentré sur le risque de crédit et de marché (incluant la dette souveraine), avec les conséquences sur le ratio de fonds propres. Le ratio Tier 1 de 6% a été retenu, notamment dans la mesure où il n’y a pas de définition harmonisée du ratio core tier 1.

Le risque de liquidité des banques n’a pas été testé (ratios règlementaires de liquidité), faisant l’hypothèse de la continuité du funding fourni en dernier ressort par la BCE. Seule la solvabilité des banques est testée.

Quelle sont les principales différences avec le stress test d’octobre 2009 en Europe ?

Lors de la publication des premiers résultats de stress tests européens, en octobre 2009, le résultat était agrégé pour l’ensemble de l’Union Européenne et ne concernait que 26 grands établissements européens. Le seul objet était purement informatif et ne s’inscrivait pas dans un plan de stabilisation d’ensemble du système financier.

Aujourd’hui, l’analyse est réalisée et publiée banque par banque et la nécessité d’absorber les chocs est évoquée, ce qui appelle des recapitalisations le cas échéant. Les éléments de méthodologie dévoilés vendredi sont finalement très détaillés, alors que le marché s’inquiétait de ne voir les régulateurs européens publier que quelques bribes des scénarios utilisés. En particulier, les implications pour chaque établissement (ainsi que leur exposition à la dette souveraine) sont mentionnées, avec séparation du portefeuille bancaire (centré sur les crédits au secteur privé) et du portefeuille de négociation (composé notamment par une partie des titres d’Etat).

Quelles sont les principales différences avec les stress tests des banques américaines de mai 2009?

Il y a beaucoup de similitudes: 2 scénarios macro, degré identique de couverture des banques soumises au test (couvrant 2/3 des actifs bancaires), horizon de deux ans, résultats banque par banque, objectif de stabilisation d’ensemble du système bancaire,…

Mais il y a aussi des différences notables:

– 91 établissements stressés dans le cas européen contre les 19 principales banques dans le cas américain,impliquant beaucoup plus d’autorités de supervision (27 contre 3),…

– le stress test européen inclut des pertes sur les expositions au risque souverain, ce que ne contenait pas le scénario de stress américain (centré sur les pertes sur les dérivés de crédit liés à l’immobilier).

– en plus du seuil de 6% pour le ratio de capital Tier One (incluant des capitaux hybrides,…) commun aux 2 stress tests, lestress test américain fixait également une limite de 4% sur le ratio de fonds propres durs («tangible common equity» ou Core Tier One).

– la position dans le cycle macro est différente, le stress test américain ayant été réalisé un an plus tôt. Entre-temps, les banques européennes ont déjà été recapitalisées depuis plus d’un an (émissions, moindres distributions, injections publiques de 236 milliards d’euros contre 160 pour les banques américaines début 2009). Sur les 91 banques couvertes, 38 bénéficient encore du soutien étatique. De plus, le niveau d’extériorisation des pertes est plus avancé, les banques européennesayant déjà extériorisé 850 milliards de dollars à fin 2009, contre 350 pour les banques américaines fin 2008.

Tout cela explique les plus faibles besoins en capital des banques européennes (3,5 milliards d’euros contre 75 milliards de dollars pour les banques américaines) ainsi que la différence des taux de pertes induits par le stress test sur 2 ans (3% en Europe contre 9% aux Etats-Unis).

Il y avait aussi un caractère un peu plus contraignant, le cas échéant, des résultats américains sur le capital, au printemps 2009.

Les banques «recalées» se voyaient imposer un calendrier pour lever du capital (un mois pour présenter un plan détaillé et6 mois pour lever le capital). Ici, il n’y a pas de mesure générale et obligatoire. Cela relève des autorités nationales.

 Surtout, le dispositif américain s’appuyait sur un dispositif de recapitalisation publique si nécessaire (110 milliards restaient dans la TARP).

Il y avait par ailleurs une structure de défaisance avec la PPIF et la PPIP qui permettaient de délester les banques de leurs actifs toxiques.

Ici, il n’y a pas de telles structures communes et c’est à chaque Etat de décider. On observera qu’il existe déjà de telles structures à l’échelle nationale (Soffin en Allemagne, FROB en Espagne).

La situation budgétaire européenne étant actuellement sous la pression des marchés, il peut être difficile d’envisager un soutien public supplémentaire crédible aux recapitalisations (à l’exception sans doute de l’Allemagne). Dans ce cas, un Etat peut se tourner, sous les conditions en vigueur, vers la facilité européenne de stabilisation financière ou le mécanisme européen de stabilisation financière, prévus dans le mécanisme de stabilisation de la zone euro annoncé début mai.

JEAN-PIERRE PETIT économiste et Stratégiste de marché JUIL10

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