Echo

le « Flash Crash » du 6 mai à Wall Street pourrait se reproduire n’importe quand

 le « Flash Crash » du 6 mai à Wall Street  pourrait se reproduire n’importe quand

Le 6 mai dernier, l’indice industriel Dow Jones a réalisé sa plus grande perte de l’histoire. Durant 45 minutes, on s’est cru en 1929 et ce fut le « Flash Crash ». Et ça pourrait se reproduire, explique le Wall Street Journal.

PLUS DALGOTRADING EN FOLIE :

D’autant plus que les autorités réglementaires n’ont pas encore déchiffré ce qui s’est passé ce jour-là, écrit le journal dans un article intitulé : « Legacy of the Flash Crash Enduring Worries of Repeat ».(cliquez sur le lien)

Le journal interroge plusieurs financiers, dont des dirigeants de sociétés de fonds communs, dont le comportement ressemblait à celui des chiens qui grognent avant un tremblement terre. Plusieurs fonds se sont comporté de façon bizarre, quelques jours ou quelques heures avant le crash. Le grand patron des fonds Vanguard (cliquez sur le lien) a désigné un coupable : la technologie.

Les Bourses évoluent désormais à la vitesse de la lumière et des millions d’échanges sont effectués à la seconde. Les dirigeants des Bourses ont instauré des mécanismes pare-feu, mais le 6 mai dernier, ils n’ont pas livré la marchandise.

Ainsi, pendant quelques minutes, certains babillards électroniques n’ont pas pu afficher les transactions. Ça allait trop vite! Des sociétés ont vu le cours de leurs actions plonger ou monter à des niveaux ahurissants. Celles d’Apple Computer, par exemple, ont atteint un sommet de 100 000$.

La machine s’emballe

Devant ces mouvements erratiques, les systèmes informatisés des grands investisseurs ont multiplié les ordres de vente. Ce qui a accentué le problème. D’autant plus que, depuis quelques jours, les fonds de couverture réduisaient massivement leurs positions dans le marché, ce que les spécialistes désignent comme étant de « l’arbitrage statistique ».

Alors que les maisons de courtage réduisaient l’exposition au risque de leurs clients en vendant certaines positions, les traders ont vendu à découvert (« short ») les contrats à terme (« futures ») sur l’indice S&P 500, pariant une baisse importante dans les prochaines heures. En réaction, des courtiers ont vendu des actions de l’indice pour protéger leurs arrières. Ce matin-là, un des dirigeants de Crédit Suisse s’est fait dire par ses traders que peu d’acheteurs et de vendeurs s’étaient manifestés pour ces titres. Un signe de troubles à venir.

Vers 14h, les manifestations s’intensifient autour de la dette grecque à Athènes. Elles deviennent carrément violentes. Les traders réagissent en vendant l’Euro pour acheter des Yen. Il y a un effet domino immédiat sur les marchés d’actions : un vent de panique s’installe. Le tout Wall Street repère immédiatement l’odeur du sang et se met à vendre à découvert les futures sur l’indice S&P 500. Plusieurs se souviennent d’avoir entendus les patrons des salles de trading crier qu’il se passe quelque chose.

Personne pour acheter

Vendre ses positions s’est soudainement avéré impossible. D’autant plus que les ordinateurs de la Bourse se sont mis à ralentir devant l’avalanche d’ordres de vente. Car les systèmes informatiques, à cause de la réglementation, doivent autoriser les transactions au meilleur prix possible, dans un contexte de réseaux à ultra-haute vitesse.

À cause du ralentissement du système (quelques fractions de seconde), les traders ne pouvaient plus obtenir leurs précieuses informations dans des délais raisonnables. De son côté, le marché était frappé par une volatilité extrême.

Certains titres, échangés sur plusieurs Bourses, se sont effondrés. Comme celui d’Apple, qui a perdu 16% de sa valeur en six minutes. Une chute qui a contribué à l’effondrement boursier général.

À 14h36 et 59 secondes, le NASDAQ a coupé l’alimentation en transactions vers la plate-forme électronique Arca, dont l’affichage électronique était littéralement « engourdi ». La Bourse de Chicago a fait de même. Mais pas la Bourse de New York. Plusieurs « dark pools », ces Bourses électroniques privées, ont suspendu leurs opérations, incapables d’obtenir des données en temps réel.

Le Wall Street Journal explique que les firmes effectuant des transactions à haute fréquence, plusieurs ordres d’achat et de vente en quelques millisecondes (ou un millionième de seconde), mobilisent les deux tiers des transactions sur les Bourses américaines. La chute des marchés a littéralement bousillé les systèmes informatiques de ces firmes. Plusieurs se sont tout simplement retirées du marché.

À 14h40, le Dow avait chuté de 415 points. Aux Bourses de New York et Chicago, on suspend plusieurs fois les transactions durant quelques secondes à quelques minutes, le temps que systèmes informatiques de négociation des futures s’ajustent. Il s’agit d’une mesure de « nettoyage », ou un pare-feu, qui permet aux traders de s’interposer pour ramener le marché « dans la bonne direction ».

Le problème, c’est que les écarts entre les offres d’achat et de vente sur les marchés d’actions étaient tellement grands qu’ils ont précipité la déconfiture des marchés. Entre 14h44 et 14h46, le titre d’Apple a perdu 23$, soit 10%. Les offres d’achat de Proctor et Gamble, qui cotait à 61,50$ le matin même, jouaient entre 39,89$ et 44,24$ dans le milieu de l’après-midi. Le titre d’Accenture est passé, en quelques secondes, de 40$ à quelques cents.

La faute aux fantômes

Que s’est-il passé avec ces titres? Le Wall Street Journal explique que les firmes qui maintiennent le marché (market-making firms), qui transigent régulièrement certains titres, doivent maintenir en tout temps une cote pour certains titres. En l’absence de transaction, elles affichent une cote fantôme (dummy quote), sachant que les titres ne s’échangeront jamais à ce prix.

Une rumeur de mauvaise exécution de transaction par un trader de Citigroup (quelqu’un qui aurait ajouté des zéros, faisant passer l’ordre de millions à milliards) aurait fait s’emballer le marché. Des vérifications ultérieures ont révélé qu’une telle erreur n’a jamais eu lieu.

Cela dit, la rumeur a rapidement stabilisé les choses. Car si le crash était dû à une erreur humaine, cela voulait dire qu’il y avait des aubaines à saisir sur le marché. À 14h47, le Dow avait atteint le fond du baril : 998,50 points. Les acheteurs se sont donc précipités. En une minute, il avait rebondi de 300 points.

La crise n’était pas encore terminée, car environ 30% des fonds négociés en bourse (FNB) sont échangés sur la plate-forme Arca dont les transactions étaient suspendues. Les plus grandes firmes de FNB essaient justement de profiter des différences entre les indices qu’ils calquent et le cours des actions qui composent ces indices.

Lorsque leurs gestionnaires se sont mis à douter de l’information qu’ils avaient sur leurs écrans, ils ont stoppé net leurs transactions. Les premiers à en souffrir furent les petits investisseurs individuels, dont les systèmes comportent des ordres de vente automatique, question de protéger leurs positions et minimiser leurs pertes. Quand leurs ordres ont atteint les marchés, les acheteurs avaient disparu.

À 15h01, le NASDAQ a relancé le flot de transactions vers Arca. Au même moment, plusieurs dirigeants de différentes Bourses étaient réunis en appel téléphonique. Après un débat animé, ils se sont entendus pour annuler toute transaction d’actions ou de FNB ayant chuté ou affiché un gain de 60% ou plus.

Durant la dernière heure où les marchés étaient ouverts, la volatilité était à son comble. Le titre d’Apple a flotté pendant quelques minutes à 100 000$ sur Arca, après qu’un ordre d’achat de 5000 actions fut donné et que 4105 actions étaient disponibles. Lorsque les ordinateurs ont constaté qu’aucune autre action n’était offerte, ils ont assigné une cote de 99,999$ aux 895 actions manquantes. Ces transactions ont été annulées plus tard.

Depuis le 6 mai, les régulateurs ont imposé de nouveaux pare-feu. On prévoit notamment un arrêt des transactions de cinq minutes pour les titres composant l’indice S&P 500, lorsqu’elles varient de 10% pendant moins de cinq minutes. Mais les régulateurs sont impuissants face à certaines réalités, comme l’arbitrage statistique et les transactions à haut volume.

Le Wall Street Journal conclut que les marchés financiers sont désormais vulnérables aux crashs à haute vitesse.

EN COMPLEMENT INDISPENSABLE : Trading Algorythmique/A hautes fréquences :Vie et mort d’un algo trader (cliquez sur le lien)

EN COMPLEMENT :  Entre le bien et le mal

Non, le trading à haute fréquence n’est pas la racine du Mal. C’est du moins l’avis de John Bates, un informaticien spécialisé dans ce genre de programme. 

Le trading algorithmique aurait joué un rôle dans le krach éclair du Dow Jones le 6 mai. La Securities and Exchange Commission analyse toujours les causes de cet incident.

Mais il joue également un rôle positif pour les marchés d’actions, selon plusieurs spécialistes.

  • Il réagrège la liquidité. Ceci explique pourquoi, malgré la fragmentation des marchés d’actions, les spreads (entre cours d’achat et de vente) ont diminué.
  • Il profite à tous les investisseurs. La concurrence à la technologie chez certains courtiers a entraîné une baisse des coûts pour les transactions. Du moins, c’est le cas chez certaines banques américaines. Morgan Stanley et Bank of America le confirment.

Toutefois, le trading à haute fréquence a aussi ses détracteurs. Un article (cliquez sur le lien et voir plus haut) du WSJ est revenu sur les évènements du 6 mai. Et il relève que plusieurs vétérans des marchés s’attendent à un nouveau krach éclair « parce que le marché actuel, dominé par les ordinateurs, est devenu beaucoup plus fragile que les gens ne le pensent« .

L’article pointe aussi, comme le Financial Times, la crainte des investisseurs suite au krach éclair. Ceci explique pourquoi les volumes de transactions ont baissé depuis mai sur les marchés d’actions.

Lorsque j’ai été rencontrer récemment divers acteurs du trading à New York, l’un d’entre eux m’a confié une autre inquiétude.

Depuis quelques temps, certains fournisseurs de liquidité sur les marchés ont développé des systèmes pour internaliser les ordres des brokers. Ils n’exécutent toutefois qu’à peine 3% des volumes d’ordres devant normalement atteindre une Bourse. Tout ceci se fait dans la totale obscurité.

L’avènement du trading à haute fréquence, caractérisé par des ordres de petite taille, a aussi conduit à d’autres phénomènes sur les marchés, tels que la croissance des transactions de gré à gré. La taille des transactions a diminué depuis dix ans, et ceci peut affecter la profondeur des marchés d’actions, c’est-à-dire leur capacité à absorber un ordre de taille importante.

D’où le développement du gré à gré, où les transactions ne sont pas standardisées

Jennifer Nille

source Fair Trade/Echo aout10

8 réponses »

Laisser un commentaire