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L’État providence a-t-il un avenir? par Nicolas Baverez

L’État providence a-t-il un avenir? par Nicolas Baverez  

 « Pouvoirs publics et marchés doivent s’inscrire dans un jeu de contre-pouvoirs »

L’économiste et historien, Nicolas Baverez, dans un entretien avec L’Expansion.

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Propos recueillis par Béatrice Mathieu –  25/08/2010

La crise de la dette en Europe sonne-t-elle le glas de l’Etat providence?

La crise de la dette souveraine dresse effectivement l’acte de décès de l’Etat providence né en Europe après 1945, sans marquer pour autant la fin de la protection sociale.

Dans le monde émergent, le développement économique et la constitution d’une classe moyenne vont de pair avec la mise en place de systèmes de protection sociale. C’est le cas en Chine, avec la hausse du salaire minimal et l’apparition d’une couverture santé et retraite, en Inde, au Brésil… Mais ces prestations sont conçues de manière à rester soutenables en termes de croissance et d’évolution démographique.

Il en va tout autrement en Europe, où l’Etat providence n’a cessé de s’étendre jusque dans les années 2000, alors que les conditions qui avaient présidé à sa création – baby-boom, plein-emploi, économie fermée et administrée – ont disparu. D’où une triple crise de surendettement, de dépérissement de la croissance, de dissolution d’une citoyenneté réduite à l’accumulation de droits fictifs.

Les marchés n’ont-ils pas pris le contrôle des politiques publiques?

En aucune manière. Il n’est que de voir la loi Dodd-Frank sur la régulation financière votée aux Etats-Unis. Nous sortons d’une double illusion : celle de l’autorégulation des marchés, puis celle du retour en force des Etats.

 Pouvoirs publics et marchés doivent s’inscrire dans un jeu de contre-pouvoirs pour que le capitalisme fonctionne de manière efficace et fiable.

Les marchés ne sont pas à l’origine de la crise de l’Europe ; ils ne sont que le révélateur d’une situation insoutenable qui menace de tourner à la débâcle. Soit les dirigeants sont suffisamment lucides pour redresser la barre, ce qui ne relève pas de simples coups de rabot dans les dépenses, mais de réformes profondes pour rétablir la compétitivité. Soit s’enchaîneront la crise financière, la croissance molle et le chômage de masse, les tensions politiques et sociales.

Quels peuvent être les contours futurs de l’Etat providence?

Face à la mondialisation, au vieillissement et à la révolution technologique, l’Europe doit définir un nouveau contrat politique et social. Les systèmes de protection doivent cibler les nouveaux fléaux sociaux – exclusion, ghettoïsation, déscolarisation – et les populations les plus vulnérables, au lieu de chercher à redistribuer de façon opaque et inégalitaire une part sans cesse croissante de la richesse nationale.

 Il faut en finir avec l’accumulation et la superposition d’aides et de programmes comme avec la politique de services publics gratuits pour tous.

L’Etat providence devra être repensé en fonction de quatre impératifs : la capacité à générer de la croissance et de l’innovation ; la soutenabilité financière à long terme de la redistribution ; l’équité entre les cinq générations qui cohabiteront demain au sein d’une même société ; enfin, la portabilité des droits sociaux au sein du grand marché européen afin d’accélérer la mobilité du travail.

EN COMPLEMENT INDISPENSABLE : Innovons dans le domaine social pour réinventer l’Etat-providence par Nicolas Baverez

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