Behaviorisme et Finance Comportementale

L’esprit de contradiction ne favorise guère la sérénité

L’esprit de contradiction ne favorise guère la sérénité par Jeannette Williner

Les investisseurs adorent l’uniformité. Même s’ils s’en défendent. Ce qui n’améliore pas l’ambiance.

Le monde financier souffre d’affirmations ne supportant pas les contradicteurs. Pourtant, il n’y a jamais eu de plus mauvaise période pour ne ressentir autre chose qu’un sentiment d’incertitude. Même le président de la Fed a souligné il y a quelques semaines l’«incertitude inhabituelle» quant à l’évolution économique. Et il a créé une nouvelle opposition: le groupe qui est d’accord avec ce constat et celui qui soutient le contraire.

PLUS DINCERTITUDE EN SUIVANT :

La volatilité des marchés est bien sûr le résultat de l’hésitation des investisseurs. Ces derniers adorent l’uniformité même s’ils le démentent: c’est une toute petite frange de la communauté financière qui fait pencher la balance et surtout change actuellement souvent (trop souvent et trop brutalement) le côté vers lequel elle s’incline.

A l’heure actuelle tantôt l’investisseur retrouve le goût du risque et accepte de s’intéresser aux actions, à des obligations émises par les pays émergents et aux devises de ces derniers, ou… au contraire ne désire plus que des actifs sûrs, emprunts d’Etat limités à l’Allemagne, aux titres du Royaume-Uni, aux Bons du Trésor américain et  à des devises comme le yen et le franc suisse. Les deux catégories d’investisseurs pourraient cohabiter sur le marché mais malheureusement la seule parution d’une statistique simplement décevante change rapidement les prix. Comme la façon d’interpréter les statistiques est fluctuante, comment oser imaginer avec certitude la future marche des affaires?

Si l’on se penche sur le rendement des actions, c’est une nouvelle fois des conclusions opposées suivant  l’ambiance du moment. Un dividende élevé peut vouloir dire que les actions concernées sont bon marché. Mais il peut aussi nous informer que les bénéfices sont très élevés et que l’évolution suivante ne peut-être que la baisse. On pourra encore renchérir sur l’argumentaire et insister sur le fait que le dividende n’est absolument pas assuré alors que l’obligation est dotée d’un rendement fixé pour sa durée de vie. La vigueur de la discussion interdit de conclure à une politique  d’achat suite à l’aberration du niveau des dividendes.

Dans le passé, lorsque les liquidités étaient abondantes sur le marché, c’était une bonne chose. Plus il y a d’échanges, plus on a de facilité à acheter et vendre et moins les frais de transactions sont coûteux. Malheureusement, aujourd’hui, les ordinateurs étant programmés de façon identique, les transactions fréquentes vont dans le même sens et le crash express peut succéder à l’euphorie et cela ne concerne qu’un pourcentage somme toute modeste des transactions totales. Dans le climat actuel, tout «flash crash» peut entrainer une vraie catastrophe.

Le concept de déflation s’oppose avec une belle systématique à celui d’inflation. Cela renforce la fragilité du marché à toute statistique. Le marché obligataire est enrhumé mais de quelles obligations parle-t-on? Des emprunts d’Etat ou des émissions de sociétés ne bénéficiant pas d’une notation parfaite? Ce n’est pas la principale question. Pour certains on est entré dans une période de taux bas punitive pour les épargnants ou les rentiers (on prend l’argent là où il est) durant laquelle la croissance sera faible et bien entendu plus proche de la déflation que d’autre chose. Face à eux bien sûr, de moins en moins nombreux au moment présent suite aux statistiques de l’emploi et de la croissance aux Etats-Unis, il y a les convaincus d’une inflation galopante dont le rôle principal sera de ronger les dettes. Leur postulat est simple: tout citoyen endetté y gagnera puisque ses dettes seront minimisées par la hausse des prix. Son niveau de vie peut malgré tout simultanément baisser en valeur relative mais l’illusion demeurera. Il y a pourtant une précision que l’on apporte rarement: à quelle genre de dépenses se rapportent les dettes en question? Il faut tout de même qu’elles se référent à des investissements.

Tout ce qui est matières premières et autres nécessités ne peuvent qu’exploser. Pourtant un ralentissement en Chine serait une douche glacée.

Une semblable dualité pourrait être intéressante pour les fonds spéculatifs orientés dans les paris sur l’évolution macroéconomique. Il n’en est rien. Même ces entités  ne se portent pas très bien car les fluctuations de tendances et les changements d’opinions ne permettent pas la construction de  schémas classiques et exploitables. Chaque retournement d’opinion entraine des pertes difficiles à rattraper même avec patience et savoir faire.

Les groupes d’investisseurs «historiens» n’apportent aucune sérénité à l’atmosphère ambiante. Peu importe les pays émergents et l’Europe: sans une reprise durable et solide de l’économie américaine on peut oublier le reste du monde. En tant que président  des Etats-Unis comment choisir entre l’assainissement des finances publiques ou la réinjection massive de fonds publics pour éviter une rechute? Vu les résultats des dernières aides, avec un marché immobilier toujours en pleine déprime, il semble que la fermeté serait préférable au relâchement. Malheureusement la proximité d’élections ne facilite guère la tâche.

Jeannette Williner Analyste indépendant aout10

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