Behaviorisme et Finance Comportementale

Barack Obama a sauvé sa présidence, mais à quel prix? par Beat Kappeler

Barack Obama a sauvé sa présidence, mais à quel prix? par Beat Kappeler

Beat Kappeler s’alarme du fait que les compromis passés par le président américain – prolonger les réductions d’impôts et les indemnités de chômage – coûteront un prix élevé. Il devient risqué de financer la dette américaine et la facture finale pèsera sur les épaules des prochaines générations…

 
PLUS DE DETTES EN SUIVANT :

Barack Obama a sauvé sa présidence, peut-être sa réélection, comme Bill Clinton l’avait fait après avoir perdu les élections intermédiaires du Congrès. C’est l’avis de beaucoup d’observateurs. Les moyens? Obama prolonge les grandes réductions d’impôts de son prédécesseur Bush de deux ans, en faveur des classes moyennes et supérieures, il satisfait ses propres partisans en prolongeant les allocations de chômage de millions de chômeurs, et il réduit les prélèvements sur les salaires de deux points de pour-cent.

« Moody’s Investors Service ne semble pas préoccupé à court terme de l’éventuelle extension des réductions d’impôts de l’administration Bush, qui pourraient être reconduites durant deux ans. Pourtant, l’analyste Steven Hess de Moody’s confie à l’agence Reuters son inquiétude de plus long terme, au-delà des deux ans, à l’expiration des cadeaux fiscaux. Le spécialiste de Moody’s, sans remettre en cause le triple A des États-Unis, nuance donc son propos en faisant état d’inquiétudes de long terme à propos de la note de crédit US, attendant les futurs développements dans les prochaines années. »

L’astuce politique est patente. Mais comme toutes ces astuces, elle est trop belle. Le compromis entre républicains, partisans des réductions d’impôts, et l’intérêt des chômeurs et des salariés se fait au détriment de tiers. Car la facture totale de ces coûts sera de mille milliards de dollars. Comme les Etats-Unis font déjà un déficit de 1300 milliards, on a simplement rehaussé le trou immense d’un cran notable. Les générations futures payeront.

Cette semaine encore, la commission pour la réduction de ce déficit n’a pas trouvé la majorité requise pour imposer un calendrier au Congrès. Les Etats-Unis seront le seul pays occidental à ne pas commencer son assainissement financier en 2011. Pire, les réductions d’impôts arriveront de nouveau à leur terme au moment de la campagne présidentielle de 2012. Un prolongement est pratiquement assuré, le déficit aussi.

« Le déficit budgétaire des États-Unis a augmenté pour dépasser $150 milliards. Le budget de l’État fédéral a affiché un déficit pour le vingt-sixième mois d’affilée, et celui-ci s’est établi à $150,39 milliards, soit 25% de plus qu’en novembre 2009. Les analystes attendaient une hausse moins forte du déficit, à $134 milliards, selon leur prévision médiane. Les recettes de l’État ont augmenté de 12%, pour atteindre $148,96 milliards, et les dépenses de 18%, pour se monter à $299,35 milliards. »

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source zerohedge dec10

Les réactions dans le pays réel ne se feront pas attendre. Les courtiers à Wall Street jubilent. Mais perspicaces comme ils sont, ils entrevoient des déficits tels que les taux d’intérêt monteront, et beaucoup. Cette semaine déjà, les acheteurs de titres de dette américaine ne se pressaient plus au portillon. Les taux pour les dettes sur dix ans montaient de 2,6% à 3,3%.

 

source CNN DEC10

Si l’on veut enrayer la tendance, la banque centrale, la Fed, devra redoubler ses rachats de titres d’Etat pour soutenir leur cours et abaisser la charge d’intérêt.

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source Zero hedge dec10 

Bientôt elle ne pourra plus faire autrement, car à rebours, en augmentant les taux, la valeur des obligations déjà achetées dans sa cave baisserait tellement que ses réserves seraient en difficulté. Les premiers experts osent maintenant ce pronostic d’une course devenue déjà irrémédiable.

L’autre élément du compromis, la réduction des contributions sociales des salariés, augmentera leur pouvoir d’achat en un tour de main de 2% – aux frais des futurs contribuables.

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source Zero hedge dec10 

Le soutien aux chômeurs pourrait lui aussi faire fausse route: au moment où l’économie semble procéder aux premières embauches, l’urgence de les accepter est réduite pour les chômeurs. Les chiffres du chômage risquent de rester élevés.

Ratio du nombre de chômeurs rapporté au nombre d’offres d’emploi

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source Big Picture dec10 

US Population vs. Employment, vs. Labor Force, vs. Continued Unemployed

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source Mish dec10 

Le compromis d’Obama avec les républicains est du classique. La théorie de la politique américaine tire des conclusions pessimistes de la combinaison entre démocratie parlementaire et gestion économique, sociale d’un pays. Car des groupes chaque fois minoritaires, comme maintenant les démocrates et les républicains, s’unissent pour se distribuer des avantages mutuels, mais en les additionnant sur les épaules de tiers, de l’Etat, des contribuables futurs. Ceux-ci ne ressentent encore rien, au contraire, tout le monde est content en tant que bénéficiaire.

« De la ploutocratie américaine

Lu dans cette chronique de Nicholas Kristof :

«Quelle sorte de pays aspirons-nous à être? Voudrions-nous vraiment une sorte de ploutocratie où le 1% des plus riches possèdent une valeur nette supérieure aux 90% situés au bas de l’échelle?

Oups! C’est déjà nous. Le 1% des plus riches Américains possèdent 34% de la richesse privée du pays, selon les données compilées par l’Economic Policy Institute de Washington. Les 90% situés au bas de l’échelle possèdent seulement 29%.»

Cet écart n’empêche pas le Congrès de continuer à défendre les taux d’imposition préférentiels dont jouissent les gestionnaires de fonds de placement privés, comme on peut le lire dans cette chronique de David Ignatus. »

Mais il y a une instance qui veille et qui observe, sournoisement: les «bond vigilantes». Les investisseurs en obligations du monde entier ont compris. Il sera hautement risqué de financer l’Etat américain dorénavant. Je pense que la limite a été franchie cette semaine. Les Chinois sont inquiets, les fonds d’investissement se retiennent, et je ne voudrais en aucun cas que ma caisse de pension achète des titres américains. Ou seulement quand les taux d’intérêt auront monté vers 12 ou 14%. C’était déjà le cas en 1981 quand le chef de la Fed, Paul Volcker, devait assainir la chienlit des présidences Ford et Carter.

Le mécanisme des marchés obligataires est simple et brutal à la fois – une montée des taux vers 12% réduirait la valeur des obligations émises de 1000 à moins de 400 dollars. Alors on n’achète pas aux taux actuels, on attend.

Par Beat Kappeler/Le Temps dec10

EN COMPLEMENT :  Selon David Stockman, ancien directeur du budget de Ronald Reagan qui avait quitté son poste il ya 25 ans revient à grand renfort de sirènes d’alarmes sur la scène politique en tant que sénateur du Michigan pour communiquer sa terreur (et celle des autres) d’une explosion massive des marchés.

Sur CNN et ailleurs David rappelle que les Etats-Unis ont 8.000 milliards de dette vis-à-vis du reste du monde et que la dette totale des Etats-Unis (intérieure et extérieure) est de 50.000 milliards de dollars. Selon lui le niveau de leverage de l’économie mondiale est supérieur à celui de la Grande Dépression de 1929. Ce qui est moyennement encourageant au moment de déposer ses souliers sous l’arbre.

En verve, Stockman et ses amis (nombreux et tout aussi joliment pessimistes) prédisent encore au moins 10 ans de crise économique dure avant une réelle reprise. L’économie US croît de 50 milliards de dollars par mois et la dette augmente de 100 milliards de dollars par mois… il suffit de faire le calcul… ou peut-être est-il préférable de ne pas faire la soustraction (source Olivier Chazoule dec10)

EN BANDE SON :

 

 

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