Douce France

Sauvée à coup de milliards pendant la crise de 2008, la banque franco-belge Dexia est de nouveau dans la tourmente, laminée cette fois-ci par la crise de la dette.

Sauvée à coup de milliards pendant la crise de 2008, la banque franco-belge Dexia est de nouveau dans la tourmente, laminée cette fois-ci par la crise de la dette.

source Wall Street Journal

 Dexia : les racines du mal

En 2008, la Belgique, la France et le Luxembourg apportaient 6,4 milliards d’euros à Dexia pour sauver la banque de la faillite. Deux ans après cette nationalisation partielle, «la banque des communes» est en pleine tourmente. Explications.

source Financial Times

Un bilan miné par les dettes souveraines

Contrairement à ce qui a parfois été écrit, la banque, en convalescence depuis 2008, n’est pas tant pénalisée par ses actifs toxiques liés aux subprimes que par son exposition aux dettes souveraines. En effet, Dexia s’est délestée de la plupart de ses actifs toxiques en revendant en juillet 2009 sa filiale américaine FSA, très exposée aux crédits subprimes. Récemment, la banque a également décidé d’accélérer la restructuration financière du groupe en provisionnant 3,6 milliards d’euros pour la vente d’actifs à risque (ce qui a fortement pénalisé les résultats du deuxième semestre, en perte de plus de 4 milliards d’euros).

Concrètement, la banque, qui s’était engagée auprès de Bruxelles à réduire sa taille de bilan de 35 % d’ici à 2014, a donc tenu ses promesses : elle a vendu 73 milliards d’euros d’actifs depuis 2008. C’était compter sans la crise de la dette… La banque des collectivités détient en effet un portefeuille obligataire de quelque 120 milliards d’euros dans lequel figurent surtout des dettes souveraines de pays en difficulté.

Dexia apparaît depuis des mois fragilisée par la crise de la dette en Grèce. Fin juin, les moins-values latentes encourues sur les pays européens en difficulté – ainsi que l’Italie – étaient de 8,3 milliards d’euros, un peu moins de la moitié des fonds propres du groupe. Au printemps, la banque a en outre accusé des pertes de 4 milliards, surtout sur des titres toxiques hérités de la crise des «subprime». Il lui reste «encore 3,8 milliards d’euros de prêts à l’Etat grec – et 4,8 milliards de crédit au système public du pays – dont un montant substantiel devrait être amorti au troisième trimestre», précise Loïc Bhend, analyste au sein de la banque Bordier.

Ce ne serait pas si dramatique si, parallèlement à cela, Dexia ne souffrait pas d’un problème de refinancement à court terme. En effet, la banque, qui ne peut compter en France sur un réseau de banques de détail, a toujours eu des difficultés à se refinancer à court terme sur les marchés. C’est d’ailleurs cette crise de liquidités qui avait rendu nécessaire son sauvetage. Aujourd’hui, Dexia a beau avoir réduit son besoin d’argent frais, cela reste son talon d’Achille.

Tout autant que ces menaces sur sa solvabilité, c’est bien l’assèchement, au cours de l’été, des liquidités accessibles par les banques européennes qui a fragilisé Dexia. Selon les analystes de Morgan Stanley, la cession des activités de prêts aux collectivités locales réduirait de 15% les besoins de financement à court terme du groupe.

Pour éviter le cauchemar de 2008, elle n’a d’autre choix que d’accélérer la cession de son portefeuille. Récemment, le quotidien Les Echos faisait état d’un projet de cession de 20 milliards d’euros, susceptible d’entraîner un manque à gagner de 10 %. Sans confirmer le montant, le groupe a admis sa volonté d’accélérer la cession de son portefeuille obligataire. Mais la crise boursière actuelle rend la chose difficile. Trouver des investisseurs sans être obligée de brader ses actifs relève quasiment de l’impossible.

Paradoxalement, Dexia n’a pas été la première banque visée par les craintes des marchés. La possibilité de pertes non seulement sur les emprunts publics grecs mais aussi sur ceux de pays du cœur de la zone euro, comme l’Italie, a d’abord touché les banques françaises. «Les marchés se sont ensuite intéressés à Dexia, dont l’exposition au Portugal, à l’Espagne, à l’Irlande, à l’Italie et à la Grèce était encore bien plus importante au regard de sa taille», souligne Christophe Nijdam. Un constat qui conduit Paris et Bruxelles à envisager un démantèlement. Après trois ans d’efforts pour éviter le naufrage.

PLUS DE DEXIA EN SUIVANT :

Des procès en cascade

Autre épine dans le pied de la banque : depuis la fin de 2009, Dexia est régulièrement attaquée en justice pour son rôle dans la distribution de produits structurés aux collectivités. Récemment, Libération révélait que 5.500 collectivités et établissements publics avaient souscrits des prêts toxiques auprès de la banque, leur occasionnant une perte de 3 ,9 milliards d’euros.

Dexia conteste ces données «erronées». Mais les sommes en jeu risquent tout de même d’être importantes. Sur les 10 milliards à 15 milliards de prêts toxiques accordés aux collectivités, ces dernières pourraient réclamer en justice jusqu’à 15 % des montants empruntés, estiment les analystes.

Ce lundi, pour la première fois, une collectivité locale, en l’occurrence Rosny-Sur-Seine, a décidé de porter plainte contre la banque au pénal pour escroquerie en bande organisée et tromperie. Rien que pour cette affaire, l’avocat de la commune estime à 400.000 euros le préjudice subi.

Un modèle économique en échec

Sur le fond, c’est tout le modèle économique de la banque qui est remis en question. Depuis 2008, la banque des collectivités territoriales a vu son fonds de commerce abîmé par le scandale des prêts toxiques et par la crise. Les collectivités n’ont en effet plus les moyens dont elles disposaient, et semblent aussi moins promptes à se financer auprès de la banque qui les a plombées.

Résultat : si Dexia détient toujours 40 % des encours des crédits aux collectivités (environ 70 milliards d’euros), elle ne réalise que 15 % des affaires nouvelles, selon La Tribune. D’où une volonté apparente de diversifier son activité et de se recentrer en partie sur la banque de détail.

Vers un adossement à la Banque Postale ?

Les scénarios de sauvetage se sont multipliés ces derniers jours. Récemment, Le Figaro évoquait la constitution d’un pôle de financement des collectivités associant Dexia, Banque Postale et la Caisse des Dépôts et Consignations (le bras armé financier de l’Etat français). Le Journal du Dimanche et Trends ont quant à eux parlé d’une séparation entre l’activité de financement aux collectivités et la banque de détail en Belgique. Hypothèse qui a été de nouveau démentie ce mardi par le conseil d’administration.

Si la proposition française visant à créer une nouvelle banque finançant les collectivités locales semble tenir le haut du pavé, le clan belge, lui, n’est guère enthousiasmé par le projet. Il estime en effet que cela résoudrait certes le problème des collectivités locales françaises, mais pas celui du déséquilibre du groupe, qui dispose d’un côté d’un pôle belge riche en liquidités, grâce à sa banque de détail (Dexia Banque Belgique), et de l’autre un pôle français (Dexia Credit Local) avidement à la recherche de financement.

La Banque Postale freine elle aussi le projet. De l’avis des analystes, cet adossement présenterait pourtant de nombreux avantages : «Dexia profiterait de la liquidité et de l’image de proximité de la Banque Postale, tandis que cette dernière bénéficierait de l’expertise de Dexia pour se positionner sur le marché des prêts aux collectivités», estime Christophe Nijdam, analyste chez AlphaValue.

Pour l’heure, Jean-Luc Dehaene, président de Dexia, qualifie ces bruits de rumeur mais confirme qu’il existe un projet pour aider au financement des collectivités locales en France.

Julie de la Brosse, L’Expansion.com oct11 + Le Temps

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C’est quoi Dexia?

Dexia avait déjà été frappée de plein fouet par la crise de 2008. Pour lui éviter la faillite, la Belgique, la France et le Luxembourg l’avaient renflouée à hauteur de 6,4 milliards d’euros et lui avaient apporté des garanties publiques. Mais aujourd’hui, en 2011, que représente Dexia?

La banque franco-belge Dexia, qui semble s’acheminer vers un démantèlement, est spécialisée dans les prêts aux collectivités locales. Présente également en banque de détail, elle concentre ses clients particuliers en Belgique et en Turquie. Elle n’est pas présente dans ce secteur en France.

  • HISTOIRE – Dexia est en partie issue de la Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales (CAECL), établissement public administratif géré par la Caisse des dépôts. La CAECL devient le Crédit Local de France en 1987. Puis en 1996, le Crédit Local de France fusionne avec le Crédit Communal de Belgique, banque détenue par les communes belges et chargée de leur octroyer des crédits. Cette fusion donne naissance à Dexia.
  • ACTIVITES – Services financiers aux collectivités locales, notamment des prêts, financements d’infrastructures, banque de détail, gestion d’actifs, banque privée.
  • EFFECTIFS – Plus de 35.000 employés, dont 29.250 en Belgique, France, Luxembourg et Turquie.
  • CLIENTS – Dexia compte 8 millions de clients particuliers. La banque dispose d’environ 850 agences en Belgique et 500 en Turquie, ses deux plus importants marchés de banque de particuliers. Elle compte également 40 agences au Luxembourg.
  • ACTIONNAIRES – Depuis la mise en place du plan de sauvetage, en septembre 2008, les actionnaires publics ou para-publics contrôlent environ 52% du capital. Le premier actionnaire est la Caisse des dépôts (17,6%), suivi par le Holding communal (14,1%), qui représentent les collectivités locales belges.

→ Les Etats français et belge détiennent chacun en direct, 5,73% des actions.

  • DIRIGEANTS – Dexia est dirigé par un tandem reflétant le délicat équilibre entre les deux Etats actionnaires, France et Belgique, venus à sa rescousse à l’automne 2008.

Président du conseil d’administration, Jean-Luc Dehaene, ancien Premier ministre (1992-1999). Ses deux mandats à la tête du Royaume, dont il a conduit la fédéralisation, ont valu à ce chrétien-démocrate âgé de 70 ans le double surnom de « bulldozer » et de « démineur ».

Aux manettes opérationnelles, Pierre Mariani est un ancien patron des services financiers et des activités de banque de détail à l’international de BNP Paribas, proche de Nicolas Sarkozy dont il fut le directeur de cabinet lorsque l’actuel chef de l’Etat français était ministre du Budget (1993-1995).

  • RESULTATS FINANCIERS – Après une année noire en 2008, marquée par une perte colossale de 3,3 milliards d’euros, la banque a renoué avec les bénéfices en 2009 (1,01 milliard) et 2010 (723 millions).

Elle aurait pu terminer également 2011 dans le vert si elle n’avait pas pris la décision d’accélérer son programme de cessions d’actifs, ce qui l’a forcée à passer une provision de 3,5 milliards au deuxième trimestre.

  • COURS – Le cours a abandonné jusqu’à 37% mardi en séance. Après avoir brièvement franchi à la baisse le seuil symbolique d’un euro l’action en mars 2009, il a de nouveau brisé ce plancher mardi, pour atteindre 81 centimes, un record.

source Belga oct11

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Georges Ugeux: le moment n’est pas idéal pour une cession

Le président de Galileo Global Advisors et ancien vice-président de la Bourse de New York estime qu’il n’y a aucune raison de retirer ses dépôts. Interview.

Comment réagissez-vous au démantèlement annoncé de Dexia?

Georges Ugeux: En dehors de l’aspect franco-belge, qui avait déjà coûté son poste à Axel Miller à cause du président Sarkozy, sur le plan du business, il y a une logique: après la crise financière, nous savons désormais que les banques, qui sont dans le métier de Dexia et qui n’ont pas de base de dépôt, ne peuvent pas survivre. C’est le cas de Dexia France. Dexia Belgique est, elle, viable: la banque a une base de dépôt et peut continuer ses activités et se développer. Mais la banque tire des boulets. Il y a d’abord eu la filiale américaine FSA qui a finalement dû être revendue. Et puis, l’autre boulet, c’est le financement des activités françaises. D’un point de vue belge, ce vers quoi on semble se diriger – la scission- est plutôt une libération. Pour Dexia France, des questions se posent. La banque devra sans doute s’adosser à un partenaire bancaire qui dispose d’une base de dépôts, comme le Crédit Agricole par exemple. 

On évoque une mise en vente de la branche belge de Dexia.Le timing n’est pourtant pas très bon pour la vente d’activités bancaires.

La question est de savoir si Dexia Belgique dispose de la taille critique au niveau européen. Si la réponse est non, Dexia devra alors se placer dans un ensemble plus vaste. Mais il est indispensable que son nouveau partenaire dispose lui aussi d’une base de dépôts. La reprise n’est toutefois pas urgente à mes yeux. Le moment n’est pas idéal pour une cession. Si les actionnaires acceptent de donner le temps suffisant à Dexia pour se restructurer en Belgique, ils obtiendront un meilleur prix d’ici un an ou deux. Aujourd’hui, les acheteurs ne se bousculent pas au portillon. Même le Crédit Agricole, dont je parlais pour la France, n’est pas dans une situation très confortable pour faire une acquisition. 

Peut-on envisager le retour du Crédit Communal de Belgique via une nationalisation complète pour créer une grande banque publique?

Non, je n’y crois pas. Cela n’a pas de sens aujourd’hui. Même si, quand les activités seront scindées, l’actionnaire public sera prédominant. 

Dans son communiqué de lundi, Dexia a parlé de « problèmes structurels », mais sans apporter de solutions, ce qui a déçu les marchés. N’y a-t-il pas un danger de voir les gros dépôts quitter la banque?

Non, car ce n’est pas un problème de capitalisation mais bien un problème de liquidité. Il n’y a aucune raison de retirer ses dépôts. Même s’il y a toujours un aspect psychologique. Et, dans le climat actuel, il est parfois important. 

En 2008, la première grande banque européenne qui a trébuché, c’était Fortis.En 2011, c’est Dexia. Une malédiction belge?

Rassurez-vous, les grandes banques européennes ont perdu 40 à 60 % de leur capitalisation boursière. La Belgique n’est certainement pas un cas isolé.

Propos recueillis par Marc Lambrechts/l’echo oct11

2 réponses »

  1. et les prets toxiques aux collectivités locales françaises?on sait que beaucoup de collectivités ne pourront rembourser meme en utilisant l’arme de l’impot,des taxes de parking d’enseigne etc..c’est donc un trou bien plus important.ces actifs de dexia n’ont probablement pas été décotés au bilan

  2. Le patron de Dexia s’appelle Pierre Mariani : c’est un proche de Nicolas Sarkozy.

    En 2010, Pierre Mariani a gagné 1 809 411 euros.

    http://www.lesechos.fr/diaporamas/voir_diaporama.php?id_diap=DIAP290411932_114660

    A propos de Pierre Mariani, voici un extrait de Wikipedia :

    Le successeur d’Axel Miller, Pierre Mariani, un proche de Nicolas Sarkozy, s’est octroyé un salaire fixe en hausse de 30 % par rapport à Axel Miller.

    Le conseil d’administration de Dexia a accepté «à l’unanimité» le 13 novembre 2008 de porter à un million d’euros le salaire annuel du directeur général et de fixer à 2,25 millions d’euros son bonus maximum. Axel Miller ne touchait «que» 825 000 euros de fixe, et son bonus était plafonné à 1,8 million d’euros.

    C’est le comité des rémunérations, composé notamment de Denis Kessler, ex-numéro 2 du Medef, et d’Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des dépôts, qui a fait ses propositions.

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Dexia#Salaire_de_Pierre_Mariani

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