A PROPOS

A Propos du Vendredi 21 Décembre 2012 : Hans Werner Sinn à lire et à relire par Bruno Bertez

A Propos du Vendredi 21 Décembre 2012  : Hans Werner Sinn à lire et à relire par Bruno Bertez 

Il est difficile de contester la compétence de Werner Sinn. On est loin des ronrons politiciens ou des phrases creuses des officiels. Président de l’IFO allemand de recherche économique, il a toutes les distinctions imaginables dans son pays. Chaire d’Economie et de Finances Publiques à l’Université de Munich, chercheur invité à la London Scholl of Econnmics, à Princeton, à Stanford etc…. 

Il vient de republier un entretien  dans le Handelsblatt. Comme on en parle peu, nous en profitons pour combler cette lacune et rappeler ses positions: Ce sont celles de quelqu’un qui a accès à toutes les informations, même celles que l’on cache, et qui ne pratique pas la langue de bois. Il est l’ennemi de la bien-pensance européenne. Vous ne lirez pas cela chez les économistes payés par les banques ou dans les médias.

 

   Si on lui demande est ce que la politique de la BCE est efficace, il répond: «Tout ce que Draghi a fait, c’est d’expliquer aux investisseurs, aux banques, aux hedge funds que les contribuables des pays encore sains allaient payer et faire en sorte que eux puissent faire leur plein sur leurs créances » 

Sur la fameuse  Banking Union scélerate : « Cela collectivise les dettes des banques. Ces dettes sont trois fois supérieures à celles des souverains. Ce sont normalement les créanciers qui devraient supporter les pertes, pas les contribuables, pas les retraités, pas les épargnants. Les banques devraient être autorisées à faire faillite. L’Union Bancaire ne sauvera ni l’Europe ni l’Euro. Elle ne va bénéficier qu’aux financiers de Wall Street, de la City et à quelques institutions financières allemandes. Les banques continuent à fonctionner sur le dos des citoyens sous couvert de la solidarité ». 

Nous ne pouvons qu’applaudir la  démystification de cette solidarité que l’on nous jette au visage! 

PLUS DE BERTEZ EN SUIVANT :

Sur l’Espagne: « la dette extérieure de l’Espagne est supérieure à toute la dette des pays en crise réunis , avec un chômage aussi gros que la Grèce. C’est une terrible combinaison. « 

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Cela fait plusieurs années que Sinn alerte sur  ce qu’il appelle le scandale des soldes Target 2 de la Bundesbank (le système Target 2 est le système de paiement interbancaire de la zone euro). Avant la crise, les échanges commerciaux ou de capitaux étaient principalement réglés sur le marché interbancaire. La hausse des soldes Target que dénonce Sinn est le symptôme de la profondeur de la crise dans laquelle se débat la zone euro. Ces soldes indiquent que les banques centrales de l’euro zone sont obligées de se substituer au marché interbancaire qui, 4 ans après 2008, n’est toujours pas en état de fonctionner normalement. Sans ça, les banques des pays en difficulté ne pourraient pas couvrir leurs besoins de refinancement. Les banques allemandes montrant une aversion croissante pour s’engager dans les pays en crise, la Bundesbank est contrainte d’augmenter le niveau de ses interventions. 

Pour Sinn, ce système de garanties de dettes imposées au réseau des banques centrales européennes – garanties qui atteignent désormais des centaines de milliards d’euros – pourrait constituer un coût effroyable pour les contribuables allemands en cas d’explosion de l’eurozone. 

 Fin février, Jens Weidmann, le président de la Bundesbank en personne, écrivait une lettre à Draghi pour l’alerter sur les risques posés par ce système de paiement interbancaire Target 2.

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Sur l’Italie: « les réformes de Monti ont été bloquées sitôt que Draghi a avancé son programme d’achat de bonds souverains. En suggérant la printing press, Draghi a  retiré la pression, bloqué les réformes. Les syndicats refusent tout maintenant. Hélas l’absence de compétitivité ne disparait pas avec la protection des obligataires ». 

Sinn pense que « plus on retarde les ajustements, ce que l’on fait maintenant, plus ils seront douloureux. Pendant ce temps, les investisseurs, les banques (les kleptos NDLR)  vendent leurs dettes toxiques sans décote aux fonds gouvernementaux de sauvetage sur le dos des retraités et contribuables des pays qui sont encore sains » 

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Dans son interview, Sinn ne prend pas de gants pour dresser un constat lugubre de la réalité de l’économie des pays du sud de l’eurozone. Puisqu’avec l’euro, les pays en crise ne peuvent plus dévaluer leurs monnaies pour redevenir compétitifs, ils n’ont plus d’autre solution que de procéder à de douloureuses dévaluations internes afin de produire des biens moins chers et capables de soutenir la concurrence des autres pays de l’eurozone.

Malheureusement, selon Sinn, à l’exception de l’Irlande, ces dévaluations internes n’ont pas encore porté leurs fruits et, pire, aussi douloureuses soient-elles, elles continueront à n’avoir aucun effet positif significatifs aussi longtemps que le robinet de l’argent des plans de sauvetage européens continuera à couler. Mais sauvetage européen ou pas, in fine, les pays qui ne veulent pas réduire leurs coûts de production n’auront pas d’autre choix que de sortir de l’euro.

Pour Sinn, il faudrait aider ces pays qui sortiraient de l’euro en mettant en place des annulations de dette et en injectant de l’argent dans leurs banques. Mais plus les mesures radicales seront retardées, plus les investisseurs privés pourront continuer à revendre sans perte leurs obligations toxiques aux fonds de sauvetage gouvernementaux. Et pour Sinn, ce sont donc les contribuables et les retraités des pays financièrement sains qui finiront par payer la note.

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Sur Merkel, c’est intéressant car cela permet de comprendre le faux calme actuel : « elle cherche à gagner du temps pour les élections fédérales, il ne se passera rien d’ici là.  Elle fait le jeu des banques et des investisseurs, elle espère désamorcer  les thèmes de l’opposition pour être réélue. Après on verra ».
 
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“Les investisseurs gagnent de l’argent et les retraités perdent du temps” affirme Sinn. Le fait que le gouvernement allemand parle de mettre en œuvre des mesures « pour gagner du temps » ne peut être interprété que d’une seule manière : Angela Merkel et ses ministres ont pris le parti des investisseurs privés. 

Mais comment a-t-on pu en arriver là ? Pour Sinn, « la puissance de feu de l’industrie de la finance » a permis d’obtenir d’excellents résultats dans sa stratégie d’influence de l’opinion publique. Et c’est pour cette raison que les responsables politiques européens ont fini par considérer que la solution à la crise consistait effectivement à ramener la confiance chez les créanciers des pays du sud grâce à l’argent des contribuables des pays du Nord.

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 D’une certaine façon nous croyons comprendre que la position conciliante actuelle de Merkel n’est pas garantie après l’élection.. Faut-il alors s’attendre à des réveils agités?

 Sinn, la compétence au service du décapage

BRUNO BERTEZ Le Vendredi 21 Décembre 2012

llustrations et mise en page by THE WOLF

10 réponses »

  1. Mais on sait très bien que personne ne veut supporter l’ardoise, c’est une sorte de mistigri que tous les agents économiques essayent de se refiler.
    Il est intéressant de noter que les banques se méfient tellement les unes des autres qu’elles refusent de se prêter de l’argent, ce que l’on savait déjà mais ce qui est confirmé.
    Maintenant c’est quoi les banques ? qu’entend-on par les banques ? la question n’est pas secondaire et si on cherche à y répondre on s’aperçoit que les choses sont plus complexes qu’il n’y parait à première vue. On peut ainsi soutenir qu’à compter du moment où une banque accepte d’emprunter à la BCE des fonds pour les prêter aux Etats souverrains dont elles « portent « la nationalité sans que les dirigeants n’aient le moindre choix, cela crée une telle confusion entre les banques et l’Etat que l’on peut juste dire que les banques et l’Etat, c’est la même chose. On complique le problème, on noit le poisson en faisant croire aux citoyens que la responsabilité des banques est à l’origine des difficultés. Ce n’est pas forcément exact.
    Maintenant si on regarde ce que la crise a rapporté à l’actionnaire de la banque, il n’est pas certain que l’on puisse conclure à la bonne affaire, mais si on défend l’idée que les dirigeants de banque devraient être des associés commandités (responsabilité solidaire et indéfinie) alors oui, certainement mais il faudrait aussi que les banques puissent faire faillite, étant entendu que dans ce cas la totalité du patrimoine des dirigeants est nettoyé.
    Il y aurait moins de candidat à ces postes exposés et il est certain que les titulaires auraient une autre approche des risques. Les politiques ne mettront jamais en oeuvre cette réforme pourtant simple, ils auraient bien trop peur des conséquences.

  2. Une fois de plus , au travers des prises de positions de quelqu’un comme Sinn , on ne peut que frappé par le grand écart entre d’une part l’économie dite réelle et le monde de la finance et d’autre part entre la lucidité du diagnostic et les mesures des politiques , qui sont pour étre gentil contre-productive .
    En lisant ce matin un article de N Baverez sur la crise des années Trente et les réactions des dirigeants à l’époque , il m’est revenu à l’idée que méme chez Keynes et Galbraith , dans les analyses on passe complétement à coté du contexte de l’époque : le formidable endettement des états Européens suite à 14/18 . A mon avis il existe quelque chose qui explique le déni . On formule en gros toujours le pb en termes de relance économique et du rapport Etat/Finance , jamais n’intervient cette ‘variable’ , d’ailleurs la plus mal connue de toute : le patrimoine , pas le capital , : le PATRIMOINE .
    Or en quoi consiste en gros et en moyenne ce patrimoine , pour 40% en immo ( résidentiel ) , 1/3 d’obligations ( dont la majeure partie d’état) , le capital représente presque le résidu .
    Pourquoi a t on tant de mal à résoudre les pb de dettes insolvables ? C’est clair on l’ampute ainsi le patrimoine . On a pas fini de désespérer de l’ineptie politique et financiére , si j’ai bon .

  3. Sinn est en retard d’un cran , aucune info sur la pieuvre : Goldmann Sachs . On est encore dans les trentes piteuses suite au trente Glorieues . Alors qu’on déjà entammé les trentes scandaleuses , un ouvrage que je recommande : les 4000 médicaments , pour les malades c’est une vérification concréte d’Ivan Illitch et un moyen de guérir , la medecine , plus exactement l’industrie pharmaceutique a passé le cap , elle est pathogéne , comme la finance . C’est intéressant parce qu’on a là le carrefour de l’éthique , de l’économique et du politique , bref un portrait de notre société . C’est pourri jusqu’à l’os , puisque l’agence des médicaments chargée par le pouvoir , de mettre de l’éthique dans le bazar des remboursements sécu est corrompue , intégralement par Servier , le génial promotteur du médiator ( interdit aux USA , suite à 15000 morts ) , récompensé par la légion d’honneur , et toujours pas condamné .
    Ouvrage écrit par les professeurs Debray et Even , un de droite et un de gauche pour faire bonne mesure .
    Ouvrage controversé , bien sur ! Mais falsifiable , comme j’ai pu le constater pour le flavix et le tahor .
    Falsifiable c’est pour m’amuser de Popper , selon lequel la hausse de c/v ne le serai pas , c’est quoi donc cette hausse des actifs , en regard de la baisse des effectifs ? Mais çà émarge , hein , ces escrocs ! avec notoriété !

  4. Si on ne saisit pas que les US n’ont plus , pour diverses raisons , leur centre d’intéret principal en Europe et à sa périphérie : le moyen orient , mais dans le Pacifique , on ne peut comprendre leurs manigances via Mario Draghi et la Gréce , entre autres , en définitive leurs pressions pour faire payer l’Allemagne ( donc la Baviére et ses banques ) . Sauf à se rendre autonome nous sommes out .
    Les us ne peuvent plus étre partout s’ils veulent se sauver en tant que nation , d’ailleurs bien changée .
    On a un silence radio sur le fiscal cliff et la réorientation extréme-orientale des préoccupations Américaines .
    Goldmann Sachs est à l’oeuvre pour nous faire avaler tout çà . Sinn , non seulement ne verra pas de rationalité , mais devra expliquer comment la Baviére et ses banques sont sollicitées à participer .

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