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Marchés : La grande rotation réexaminée (Actualisée avec commentaire Bruno Bertez)

Marchés : La grande rotation réexaminée (Actualisée avec commentaire Bruno Bertez)

Allocation d’actifs. L’approche contrariante sur une thématique devenue très consensuelle depuis le rebond des marchés actions.

Un des thèmes actuellement populaires dans le monde financier (comme en témoigne un récent gros titre de Barron’s) est celui de la «grande rotation» des obligations américaines surévaluées vers les actions américaines comparativement bon marché. Néanmoins, nous ne souscrivons pas à cette simple théorie de rotation de grande ampleur. Pourquoi?

EN LIEN:  Humeurs de Loup du Samedi 9 Février 2013: D’une poche à l’autre, la grande rotation de la « money » par Bruno Bertez

Mister Market and Doctor Conjoncture du Jeudi 7 Février 2013: Bertez , le rabat-joie par Bruno Bertez

Avant toute chose, le terme même de «grande rotation» n’est pas adapté. En effet, à chaque instant, le marché est composé d’une quantité définie de liquidités, d’obligations et d’actions, dont les prix relatifs s’ajustent en fonction de l’équilibre s’établissant entre l’offre et la demande. Un individu peut certes effectuer «une rotation», mais pas le marché dans son ensemble, puisque la totalité du stock d’actifs en circulation doit être détenu par quelqu’un. Le fait que les investisseurs possèdent actuellement beaucoup d’obligations (par rapport aux actions) est ainsi très largement lié à l’ampleur de l’offre. En effet, la forte progression de l’endettement au cours de la dernière décennie a entraîné une augmentation simultanée de la taille du marché obligataire. Parallèlement, la capitalisation du marché des actions s’est réduite, les entreprises américaines utilisant les fonds levés par émission de dette pour racheter leurs propres actions, profitant de l’écart entre les (bas) taux de financement et le coût (plus élevé) du capital.

Se pourrait-il dès lors, compte-tenu de la pénurie d’offre relative, qu’une demande accrue d’actions pousse leurs cours à la hausse et inversement pour les obligations? Les interventions des banques centrales tout autour du globe visent de fait à provoquer de tels rééquilibrages de portefeuille. En pesant sur la rentabilité attendue des actifs à faible risque, les banquiers centraux tentent de pousser les investisseurs vers des actifs plus risqués (en d’autres termes, à acheter des actions), dans l’espoir qu’un effet de richesse opère et relance ainsi l’économie. Cependant, en accumulant d’énormes quantités d’obligations, ils deviennent également l’acheteur marginal sur ce marché – et cela indépendamment des niveaux de prix, puisque leur but n’est pas de dégager un rendement sur investissement, mais de soutenir le système financier de leur pays. Dans un contexte de faible croissance économique, cela imposera vraisemblablement un plancher aux cours des obligations gouvernementales – et un plafond aux rendements. Par conséquent, une remontée des taux sur les emprunts du Trésor américain à 10 ans aux alentours de 2,25% constituerait un point d’entrée intéressant.

S’agissant des flux enregistrés par les fonds de placement actions, la reprise observée durant les premières semaines de 2013 est habituelle après une période de bonne performance, les flux présentant un aspect «réactif». Néanmoins, ces flux ne se sont pas produits au détriment des fonds obligataires: tandis que les fonds en actions enregistraient – après dix mois consécutifs de sorties – des afflux à hauteur de 38 milliards de dollars en janvier, les fonds obligataires continuaient d’enregistrer des entrées d’argent à hauteur de 33 milliards, s’ajoutant à une moyenne mensuelle de 26 milliards sur les 12 derniers mois.

Enfin, l’observation d’importantes émissions de dette servant à financer des rachats d’actions appelle à la prudence, les deux derniers tels épisodes (2000 et 2007) ayant coïncidé avec des extrêmes du marché . Ceci vient s’ajouter à d’autres signaux d’alarme, surtout concernant les actions américaines, tels que la complaisance des investisseurs, le niveau élevé des valorisations et une diminution de l’efficacité de l’assouplissement quantitatif (ou pire: l’évocation par certains membres de la Réserve fédérale d’une sortie de l’assouplissement quantitatif).

Au final, loin d’envisager une envolée forte et durable des actions sur fond de «grande rotation», notre scénario le plus optimiste consisterait en une perte de vitesse de cette envolée, et le plus pessimiste en un fort repli du marché des actions. Le mot d’ordre : protéger les portefeuilles et se préparer à réduire les actions au profit des obligations gouvernementales lorsque les rendements se normaliseront. L’un des thèmes de 2013 pourrait bien être la rotation hors des actions vers les obligations!

Karen guinand stéphanie kretz Lombard Odier/ Agefi Suisse 15.03.2013

http://agefi.com/marches-produits/detail/artikel/allocation-dactifs-lapproche-contrariante-sur-une-thematique-devenue-tres-consensuelle-depuis-le-rebond-des-marches-actions.html?catUID=19&issueUID=283&pageUID=8444&cHash=1189065a8c62ca11469109cc4a50e47c

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A PROPOS PAR BRUNO BERTEZ

 Le marketing par la Grande Rotation

   Nous avons déjà réglé son compte à la fameuse grande rotation , thème lancé par les services marketing des brokers américains. C’est une idiotie intellectuelle. Pourquoi?

Parce qu’il n’y a jamais d’argent sur « les side line », comme le dit Bernanke tous les actifs financiers émis doivent être détenus. Par une personne ou une autre. Sous entendu pour lui, dans son cynisme, il faut que quelqu’un perde. Si quelqu’un sort des obligs, vend des obligs, il y a en face quelqu’un qui achète, tout est toujours détenu.

Tout ce qui peut modifier le cours, c’est le caractère bradé ou pressant de la vente ou de l’achat marginal qui fait le cours.

Donc exit la Grande Rotation!

  • Derrière cette idiotie il y a  trois  idées:

-1)Les obligations sont surévaluées, elles font bulle.

-2)L’inflation va accélérer.

-3)La fameuse reprise auto-entretenue est là..

1-Les obligations sont surévaluées, c’est une évidence puisque les taux courts sont de zéro et que les taux longs sont une succession de taux courts. Si les taux courts sont trop bas, les taux longs aussi. Par ailleurs le volume des émissions globales est hors de proportion avec les possibilités de remboursement et de service.

2-L’inflation va accélérer, c’est sur. Mais un peu maintenant, puisque la productivité chute, et que les couts par unité produite montent. Ceci n’est que temporaire, lié à l’embellie conjoncturelle en cours. Derrière, la déflation va reprendre ses droits.

3-La reprise auto-entretenue dont rêve Bernanke n’est pas là, elle va avorter faute de pouvoir d’achat réel gagné et comme les années précédentes, une fois la mini reprise trompeuse terminée, le poids des dettes va rejouer son rôle de frein, rien n’est résolu.

Mais c’est vrai que sur le court moyen terme, une reprise est toujours, toujours possible.

BRUNO BERTEZ Le Vendredi 15 Mars 2013

llustrations et mise en page by THE WOLF

EN BANDE SON:

2 réponses »

  1. Vendredi 15 Mars: le marketing par la Grande Rotation

    Nous avons déjà réglé son compte à la fameuse grande rotation , thème lancé par les services marketing des brokers américains. C’est une idiotie intellectuelle. Pourquoi? Parce qu’il n’y a jamais d’argent sur « les side line », comme le dit Bernanke tous les actifs financiers émis doivent être détenus. Par une personne ou une autre. Sous entendu pour lui, dans son cynisme, il faut que quelqu’un perde. Si quelqu’un sort des obligs, vend des obligs, il y a en face quelqu’un qui achète, tout est toujours détenu.

    Tout ce qui peut modifier le cours, c’est le caractère bradé ou pressant de la vente ou de l’achat marginal qui fait le cours.

    Donc exit la Grande Rotation:
    Derrière cette idiotie il y a trois idées:

    -Les obligations sont surévaluées, elles font bulle.
    -L’inflation va accélérer.
    -La fameuse reprise auto-entretenue est là.

    Les obligations sont surévaluées, c’est une évidence puisque les taux courts sont de zéro et que les taux longs sont une succession de taux courts. Si les taux courts sont trop bas, les taux longs aussi. Par ailleurs le volume des émissions globales est hors de proportion avec les possibilités de remboursement et de service.

    L’inflation va accélérer, c’est sur. Mais un peu maintenant, puisque la productivité chute, et que les couts par unité produite montent. Ceci n’est que temporaire, lié à l’embellie conjoncturelle en cours. Derrière, la déflation va reprendre ses droits.

    La reprise auto-entretenue dont rêve Bernanke n’est pas là, elle va avorter faute de pouvoir d’achat réel gagné et comme les années précédentes, une fois la mini reprise trompeuse terminée, le poids des dettes va rejouer son rôle de frein, rien n’est résolu.

    Mais c’est vrai que sur le court moyen terme, une reprise est toujours, toujours possible.

  2. Votre analyse me semble assez imparable. Elle illustre l’inanité du raisonnement qui est sans doute celui qui prévaut chez les grands décisionnaires qui considèrent les marchés financiers en bloc, avec des macro-catégories, actions, obligations, flux de liquidités, etc.
    Cette structuration macroscopique ne débouche guère sur des décisions efficaces, la preuve en est manifeste.
    Je suis toujours surpris que l’on mette dans le même panier les titres émanant d’organismes financiers, d’organismes étatiques et d’organismes de « l’économie réelle ». Les titres ne sont que des participations intéressées au fonctionnement d’organismes qui créent de la valeur ou qui sont réputés le faire. Ils n’ont eux-mêmes de valeur que dans la mesure où les organismes en arrière-plan sont à même de fonctionner.
    Les organismes financiers et les organismes étatiques, pour des raisons différentes mais qui se ramènent à faciliter la distribution de rentes, ont la hantise de l’inflation des prix des produits consommables. Les organismes de l’économie réelle, eux, ont intérêt à une certaine dose d’inflation qui facilite le financement des investissements productifs et qui permet des hausses salariales au bénéfice des producteurs performants. Depuis plusieurs décennies, pour juguler les tendances inflationnistes liées à l’abus du crédit à la consommation, les efforts conjoints des financiers et des gouvernances étatiques ont pompé, en proposant des rentes, les liquidités dégagées par l’économie réelle et ont limité les capacités de réaction de cette économie réelle face à l’évolution des besoins de consommation. L’économie réelle est au point mort et n’arrive plus à repartir.
    Pour repartir, elle a besoin d’inflation pendant une période suffisamment longue pour pouvoir relancer ses investissements et en tirer des bénéfices suffisants pour entretenir la dynamique.
    Disons que c’est une façon de voir les choses …

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