Behaviorisme et Finance Comportementale

L’hypermanipulation monétaire par Pierre Leconte

L’hypermanipulation monétaire par Pierre Leconte

Néométallisme. Comment les banques centrales occidentales sont-elles parvenues depuis 2011 à casser les prix de l’or et de l’argent-métal.

Depuis la répudiation de l’étalon-or au début de la Première Guerre Mondiale – et tout de suite après dans les années 1920 surtout- jusqu’à la cessation américaine de convertibilité entre banques centrales du dollar US en or d’août 1971 – et l’instauration progressive des taux de change flottants, les pouvoirs publics (Etats et banques centrales) en Occident n’ont pas eu de cesse d’exclure l’or – et préalablement l’argent-métal – du Système monétaire international (jusqu’à les confisquer aux USA et dans plusieurs pays totalitaires). Le but de tout cela étant de se donner les moyens de créer autant de monnaie fiduciaire de papier que possible et d’organiser un endettement public et privé maximum via le mécanisme des «réserves fractionnaires», dont ils attendaient une plus forte croissance économique que par le passé. Croissance qu’ils pensaient d’ailleurs – évidemment à tort – être en mesure de créer eux-mêmes, en toutes circonstances, au moyen de politiques monétaires discrétionnaires et de politiques budgétaires constructivistes, toutes les deux ultra laxistes.

Mais, évidemment, plus cet interventionnisme – préconisé par les fausses idées socialistes keynésiennes – s’est développé en Occident, plus les mécanismes monétaires et économiques ont été manipulés par les pouvoirs publics jusqu’à ce que l’augmentation de la création monétaire devienne hors de contrôle et que les dettes publiques et privées croissent pour atteindre des niveaux à partir desquels elles ne sont plus remboursables.

Pendant que la croissance économique s’est, en même temps, fortement ralentie au fur et à mesure que lesdits pouvoirs publics augmentaient les taxes et impôts sur les particuliers et les entreprises et que leurs politiques monétaires créaient une masse croissante d’investissements improductifs se détournant des économies réelles pour aller se placer dans la spéculation financière ou boursière qui a été constamment favorisée par les banques centrales, la formation de bulles donnant l’illusion de la richesse tout en faisant abusivement croire au bien fondé du laxisme monétaire. Bulles qui, évidemment, ne peuvent qu’exploser périodiquement puisque artificiellement entretenues par la fixation de taux d’intérêts les plus bas possibles ne reflétant pas les données réelles du marché et la création d’une masse croissante de liquidités sans valeur ne trouvant pas à s’investir dans les économies réelles faute de débouchés productifs (d’où d’ailleurs la «trappe à liquidités» actuelle, se traduisant par une modération des pressions inflationnistes en Occident et au Japon, consécutive à la chute de la vitesse de circulation de la monnaie).

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On rappellera à propos de la croissance économique qu’elle a été la plus forte au XXe siècle en Occident pendant les «Trente Glorieuses», c’est-à-dire à partir du rétablissement de la convertibilité entre banques centrales du dollar US en or au moment des accords de Bretton Woods de juillet 1944 jusqu’à sa cessation de convertibilité d’aout 1971, ce qui n’est évidemment par un hasard puisque c’est la stabilité monétaire apportée par le lien automatique fixe entre l’or et la monnaie qui apporte la confiance indispensable à la croissance. Alors que, à l’opposé, comme l’écrivait Ludwig von Mises, «Les crises économiques sont provoquées par les politiques expansionnistes des banques centrales».

Tout naturellement, à partir des années 2000 et au rythme des inévitables krachs financiers et boursiers successifs, les investisseurs privés raisonnables – et les banques centrales des pays émergents – se sont portés à l’achat de l’or et de l’argent-métal, en même temps que le dollar US perdait constamment de sa valeur contre les autres grandes monnaies fiduciaires de papier mais aussi de son pouvoir d’achat intrinsèque. Après dix ans de hausse, l’argent-métal puis l’or ayant atteint en 2011 des prix record (respectivement 49,50 et 1921 dollars US l’once) et le dollar US son plus bas contre le panier des principales autres monnaies fiduciaires de papier (le Dollar US Index), les banques centrales occidentales ont alors décidé d’agir pour organiser leur rechute puisqu’ils risquaient de s’imposer comme les «actifs de dernier ressort» incontournables à la place des obligations d’Etat, américaines principalement, qui constituent l’essentiel de leurs réserves de change. Ce qui aurait eu pour conséquences de mettre un terme au rôle dominant du dollar US comme monnaie mondiale, puis de marginaliser les autres monnaies de papier dans leurs zones d’influence respectives, autant dire le retour progressif à l’étalon-or et au bimétallisme tout en renforçant le poids des pays émergents.

Cette considération est importante puisque les USA, et accessoirement la zone euro, ayant déjà réussit à piéger les BRIC en leur faisant placer l’essentiel de leurs réserves croissantes de change – venant de leurs excédents commerciaux – en obligations d’Etat exprimées en dollars US, et accessoirement en euros, il importe de ne pas les laisser affirmer leur leadership via l’accaparement des métaux précieux dont la valeur s’apprécierait régulièrement à partir desquels ils pourraient faire pression pour un changement radical du Système monétaire international. Les préoccupations politiques et stratégiques ne sont jamais étrangères aux manipulations monétaires.

Pour parvenir à leurs fins, les banques centrales occidentales ont – sans qu’on puisse alors le savoir (et donc l’anticiper) puisqu’elles ne donnent que peu ou pas d’indications sur le montant exact de leurs réserves d’or ni sur l’emploi qu’elles en font – à partir de 2011 surtout, d’une part, loué ou cédé leur or – dont elles n’ont pas d’usage immédiat dans un Système de monnaies fiduciaires de papier – aux bullion banks privées qu’elles ont amplement financées et chargées de le vendre via les marchés à terme dans des quantités bien supérieures aux stocks physiques disponibles (du fait de l’effet de levier qui caractérise ces marchés), afin de créer une masse d’or et d’argent-métal papiers susceptible de saturer la demande des investisseurs privés et des banques centrales des pays émergents. Il y aurait actuellement une position record à la vente sur les marchés à terme de l’or et de l’argent-métal papiers correspondant à plus de 200 fois leur sous-jacent physique! Autrement dit, les techniques de Quantitative Easing employées en matière monétaire le sont aussi sur les marchés des métaux précieux. Les banques centrales occidentales ont, d’autre part, favorisé l’émergence des ETF qui ont, eux aussi, crée une masse importante de métaux précieux papiers dans la mesure où les actifs physiques qu’ils acquièrent (pour des montants généralement inférieurs aux titres qu’ils émettent) sont déposés auprès desdites bullion banks qui, aussitôt qu’elles les reçoivent, les vendent à terme. Les deux métaux précieux sont ainsi devenus eux aussi des quasi monnaies de papier et ont en grande partie perdu leur statut de rareté. Sans compter de nombreuses autres manipulations liées au fonctionnement des marchés à terme, au fixing des prix des métaux comme aux taux d’intérêt pris en compte pour les prêts d’or (Libor, Gofo), elles aussi organisées pour assurer la collusion opaque entre les pouvoirs publics et les bullion banks. Le processus de manipulation de l’or est remarquablement exposé dans trois articles présentés sur le site ci-dessous: http://www.sibileau.com/martin/ (…)

La question qui se pose maintenant est de savoir si les prix de l’or et de l’argent-métal vont se stabiliser, puisqu’ils sont actuellement semble-t-il empêchés de monter par les manipulateurs, ou bien vont chuter plus bas. Tout dépendra de la capacité des banques centrales et de leurs alliées les bullion banks à poursuivre leurs manoeuvres. Comme leurs moyens semblent importants étant donné que leur capacité de création monétaire ex nihilo (via les Quantitative Easing ou les LTRO par exemple) n’est pas encore tout à fait épuisée, il y a peu de chance pour les métaux précieux de remonter fortement à court terme. Sauf si le dollar US devait baisser nettement contre l’euro et le yen, ce qui ne semble pas d’actualité immédiate compte tenu de l’instabilité structurelle de la zone euro – qui n’est toujours pas viable sans union fiscale et sans mutualisation des dettes entre ses Etats-membres – et des actions délibérées des autorités japonaises, visant à détruire le yen pour promouvoir le plus d’inflation domestique possible. En revanche, ayant déjà beaucoup baissé (-21% pour l’or et -48% pour l’argent-métal), il se pourrait qu’ils se stabilisent pendant quelques semaines dans un trading range limité, sans casser à la baisse leurs supports récents vers 1.520 et 26 dollars US l’once. Mais, à moyen terme, deux raisons – au moins – militent pour une reprise fulgurante de la hausse de l’or et de l’argent-métal: 1. d’ici quelques années, la pénurie de ces deux métaux sera avérée puisque leurs ressources naturelles s’épuisent (www.terresacree.org/argent.htm) et que les sociétés minières en extraient de moins en moins à des coûts toujours plus prohibitifs (d’où la probabilité de faillites en chaine desdites sociétés dont les profits sont laminés), ce qui les immunisera des effets des fluctuations monétaires qui pèsent encore sur eux (en particulier de leur relation actuellement inverse avec le dollar US); 2. le Système monétaire international actuel étant en voie d’explosion, d’une part, parce que les banques centrales occidentales ne vont pas encore longtemps pouvoir continuer de créer autant de monnaie ex nihilo sans conséquences inflationnistes et, d’autre part, parce que ses déficiences structurelles et la masse énorme de dettes non remboursables (plus aucun grand pays occidental n’ayant de croissance suffisante pour payer les seuls intérêts de ses dettes) sur laquelle il repose conduisent à des actions de moins en moins coopératives entre ses différents acteurs.

La cassure du prix de l’or, étant le résultat des politiques de planification monétaire centrale – antilibérales de type soviétiques ou nazies ayant déjà échouées dans l’histoire – conduites par la Federal Reserve US et quelques autres banques centrales (Bank of England, BCE, Banque nationale suisse, Bank of Japan, etc.), avec la coopération de l’obscure BRI (la banque centrale des banques centrales installée à Bâle), engagées de leur propre chef, sans que les populations de ces pays le comprennent, dans la manipulation active des monnaies fiduciaires de papier qu’elles émettent, ne pourra donc pas se poursuivre longtemps puisque, par définition, les monnaies fiduciaires de papier sont en train de s’autodétruire.

Comme d’habitude en matière financière c’est le timing qui importe. Hélas, à ce sujet, personne n’est en mesure de prévoir quand la «voie royale» de la hausse de l’or et de l’argent-métal reprendra, ni même jusqu’où ils pourraient monter et tout ceux qui prétendent le contraire ne se livrent qu’à des extrapolations sans aucune base sérieuse. La seule chose qui est certaine c’est qu’aucune monnaie fiduciaire de papier, par définition gagée sur le néant et produite sans limitation, comme toutes celles que nous connaissons actuellement, ne pourra devenir «as good as gold» à moins d’être à nouveau librement convertible en or et créée en quantité strictement proportionnelle au stock d’or détenu par son émetteur. La meilleure stratégie pour profiter de la hausse future des deux métaux consiste donc à les acheter sous une forme la plus physique possible par petits paquets en échelle de baisse (en évidemment les déposant hors des USA et de l’Union européenne, en Suisse par exemple en toute légalité, pour les sécuriser au maximum et bénéficier d’un traitement fiscal favorable), tout en se mettant simultanément short sur les actions des sociétés minières et ainsi tenter d’éviter de nouvelles pertes financières surtout s’ils devaient casser temporairement à la baisse leurs supports précités de 1.520 et de 26 dollars US l’once. Etant donné que, dans ce cas de figure, les actions de ces sociétés s’effondreraient encore plus vite qu’elles ne l’ont déjà fait depuis 2011. Voire même d’acheter contre ses avoirs en métaux précieux que l’on conservera des options puts à terme de quelques mois (ou d’autres protections) s’ils ne tenaient pas lesdits supports. Enfin, nous déconseillons tout achat de platine et/ou de palladium, actuellement plus que correctement évalués, qui pourraient voir leurs cours s’effondrer du fait de l’aggravation de la récession internationale (pesant négativement sur l’industrie automobile qui les consomme massivement pour la fabrication des batteries) comme d’un krach boursier à venir ainsi qu’ils l’ont fait en 2008 et 2009.

Si l’on veut bien réfléchir un moment sans a priori en toute objectivité sur les politiques actuellement menées par les banquiers centraux occidentaux, on conviendra qu’elles sont devenues folles. Puisque consistant à détruire la valeur des monnaies fiduciaires de papier via les Quantitative Easing, les LTRO et les dévaluations compétitives à l’infini, comme l’épargne de la masse des citoyens via les taux d’intérêt zéro et la cassure systématique de tous les actifs réels leur permettant de se protéger (voire leur confiscation pure et simple comme à Chypre récemment par la «Troïka») au seul profit d’une minorité parasitaire d’oligarques-spéculateurs ou de banksters à la tête de banques illusoirement rendues «too big to fail». Depuis le début de la crise de 2007, près de neuf mille milliards de dollars ont été imprimés ou crées électroniquement dans le monde (soit en dollars US soit dans d’autres devises) mais les dettes des Etats et/ou des banques ont inexorablement continué de croître. Nous dansons sur un volcan toujours en fusion.

Pierre leconte/ Président du Forum monétaire de Genève www.forum-monetaire.com /Agefi Suisse

http://www.agefi.com/une/detail/archive/2013/april/artikel/neometallisme-comment-les-banques-centrales-occidentales-sont-elles-parvenues-depuis-2011-a-casser-les-prix-de-lor-et-de-largent-metal.html

1 réponse »

  1. Très intéressant. Un seul bémol pour ma part, l’auteur sous-évalue la puissance du système qui peut encore procéder à des QE pour un bon moment: en effet, avec la crise, il disparaît autant (voir plus?) d’argent qu’il n’en est créé; de plus l’argent créé ne circule malheureusement pas dans les tuyaux comme il a été dit. Ce n’est que le jour où la pompe s’amorcera (avec reprise éco) qu’il y aura peut-être inflation. Mais on en est loin et, si ce moment arrive le Système pourra pédaler à l’envers, ils ont du savoir-faire et c’est cela la grande nouveauté! Voilà la (ma) théorie; un grain de sable peut aussi enrayer la belle machine…. ce qui pourrait faire l’affaire de l’or!

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