Behaviorisme et Finance Comportementale

Acheter au plus haut, c’est financer le krach par Myret Zaki

Acheter au plus haut, c’est financer le krach par Myret Zaki

 Entrer dans le marché quand il a atteint son record historique, et que les perspectives de croissance sont des plus faibles, c’est hautement spéculatif. Certains professionnels de la finance, résolument «bullish» (haussiers), vous jureront que la hausse n’en est qu’à ses débuts. Et un Prix Nobel comme Paul Krugman arrive à regarder en face le S&P 500 au tracé vertical surréaliste – si ce n’est madoffien -, et à nous assurer qu’il n’existe aucune bulle boursière, que c’est là une vue de l’esprit. Et pendant ce temps, des investisseurs sophistiqués n’attendent que vos ordres d’achat pour se débarrasser maintenant de leurs titres. A vos dépens.

En achetant, les crédules sauvent les initiés 

Il se pourrait qu’on revive l’année 2006, lorsque des investisseurs crédules, et même des banques, ont décidé au pire moment qu’il était temps de commencer à acheter des actifs subprimes. Cela a permis aux vendeurs initiés de Wall Street, qui savent sortir à temps d’un marché spéculatif, comme Goldman Sachs, de se délester de leurs actifs en passe de s’effondrer.

 Puis vint juillet 2007: fin de partie, les acheteurs de dernière minute ont encaissé toutes les pertes. Il faut bien que quelqu’un finance le krach. Comment cela se passera-t-il cette fois, avec des marchés d’actions et d’obligations à leur sommet, dans lesquels on conseille vivement à des investisseurs de sauter à pieds joints, en leur faisant croire à une poursuite de la chevauchée fantastique?

Voyons sur quoi reposent les arguments «bullish». On compare la période actuelle à l’année 1982, qui fut suivie de deux décennies de hausse, et on nous dit qu’il serait dommage de rater ces fabuleux profits. Comparaison hasardeuse, car à cette époque les banques centrales n’intervenaient pas dans la Bourse.

La hausse ne devait pas tout, comme aujourd’hui, à l’argent emprunté à 0% qui va s’investir sur les marchés. Les Bourses reflétaient des perspectives de croissance réelles, alors qu’aujourd’hui l’investisseur ne fait que chevaucher la bulle monétaire de la Fed, entièrement déconnectée de l’économie réelle et donc 100% spéculative. Les investisseurs sophistiqués, eux, sauront sauter du wagon quand la Fed aura épuisé ses cartouches. Mais les autres?

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En 1981, la dette des Etats-Unis était de 900 milliards de dollars, contre 17 000 milliards aujourd’hui. Le bilan de la Fed atteignait 200 milliards, ou 6% du PIB, contre plus de 3000 milliards aujourd’hui, ou 22% du PIB, conséquence de la prise en charge sans précédent des marchés.

Les taux d’intérêt américains évoluaient entre 12 et 20% pour combattre une inflation à deux chiffres; depuis, le Consumer Price Index (CPI) (modifié à deux reprises) est devenu une statistique inopérante, qui ne mesure plus la différence de pouvoir d’achat, au fil du temps, entre deux denrées identiques, ni la flambée des actifs immobiliers (l’erreur fatale commise par la Fed en 2003-2007), ni les bulles financières, ni l’inflation des matières premières. Et les taux d’intérêt américains, qui sont à 0,00-0,25% depuis 2009 et peut-être jusqu’en 2017, créent l’excès de liquidités qui fausse les valorisations.

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Comme à chaque bulle, on s’invente de nouveaux concepts pour croire à un rallye infini.

En 2000, la «Nouvelle économie» justifiait le miracle du Nasdaq; en 2006, c’était le «nouveau paradigme» de la titrisation du crédit; et depuis le rallie artificiel de 2009, on a la très en vogue «New Normal», qui signifie que des choses anormales sont devenues normales. Comme par exemple une «reprise économique» sans emploi et sans croissance.

Il fallait le faire.

Enfin, l’argument préféré des «bulls»: «Les actions sont toujours profitables à long terme.» La généralité est correcte, mais au plan des individus, cela ne veut rien dire. Les points d’entrée et de sortie restent déterminants. La psychologie de masse mène trop souvent à acheter au plus haut et à vendre au plus bas. Et surtout, qu’est-ce que le «long terme»? Auparavant, c’était 20-30 ans; aujourd’hui, c’est souvent 3-5 ans.

Source Bilan.ch Publié le 14 Mai 2013

http://www.bilan.ch/myret-zaki/redaction-bilan/acheter-au-plus-haut-cest-financer-le-krach

1 réponse »

  1. excellente analyse. Il faudrait faire un calcul du prix moyens des actions detenus par les trés gros investisseurs. A mon avis c’est trés trés en dessous des prix actuels. Se qui implique que les gros investisseurs peuvent revendre en masse a tout momment sans faire aucune pertes, par contre pour les petits et les naïfs ça va faire mal.

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