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Remise en question des pertes fiscales: Les 1000 milliards régulièrement avancés reposent sur une interprétation fantaisiste de l’économie souterraine européenne

Remise en question des pertes fiscales: Les 1000 milliards régulièrement avancés reposent sur une interprétation fantaisiste de l’économie souterraine européenne

Divers représentants de Gouvernements, de l’UE, d’ONG ou de la presse mentionnent souvent le chiffre de 1000 milliards d’euros de pertes fiscales par an, qui résulte selon eux des paradis fiscaux (dont évidemment la Suisse), au détriment des pays de l’UE. Nous sommes remontés à la source.

Ce montant est issu du Rapport «Closing the European Tax Gap», rédigé par l’activiste de Tax Research UK, M. Richard Murphy, sur commande de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement Européen – qui l’a publié le 29 février 2012. Il est basé sur les estimations des pertes fiscales résultant du «tax evasion gap» (860 milliards euros) et du «tax avoidance gap» (150 milliards euros), soit un total (pour la communication) de «1000 milliards d’euros»!

Calcul du tax evasion gap

Selon le Rapport, le montant du «tax evasion gap» découle de la perte fiscale résultant de l’économie souterraine au sein de l’UE. Le pourcentage d’économie souterraine découle des travaux du Prof. Schneider, de l’Université de Linz (cf. Shadow Economies All over the World, 2010).

Ce taux d’économie souterraine est rapporté au PIB du pays, définissant la valeur de l’économie souterraine. A ce montant est appliqué un taux d’impôt, en fonction de la charge fiscale globale du pays («tax burden»). Ce tax burden correspond au «total tax revenue» du pays concerné, exprimé en pourcentage de son PIB. Le tax burden est multiplié par la taille de l’économie souterraine pour produire l’estimation du tax evasion gap par pays. Pour les 27 pays de l’UE, le tax evasion gap s’élèverait ainsi à 860 milliards d’Euros par an.

Calcul du tax avoidance gap

Le Rapport ne définit pas la notion de tax avoidance gap, dont il prétend pourtant démontrer l’ampleur.

Il est affirmé que les problèmes de tax avoidance relate to business income […] and the hiding of wealth from tax authorities, et par ailleurs souligné que major corporations do undertake extensive tax planning with the intent of reducing their tax liabilities.

Concernant la soustraction fiscale commise par les grandes entreprises multinationales, l’auteur, comparant les estimations du Gouvernement du Royaume-Uni (10 %) aux siennes (35 %) et «simply averaging the two», conclut que cela «might suggest total EU tax avoidance amounting to a sum as high as 150 billion euros per annum». Ce chiffre est parachuté sans explication!

Conclusion

C’est sur ces prémisses méthodologiques contestables que M. Murphy s’appuie pour affirmer: «it is therefore likely that tax evasion and tax avoidance might cost the governments of the European Union member states €1 trillion a year.»

Ce chiffre est régulièrement et aveuglément (ou délibérément?) repris pour s’en prendre à la Suisse.

Or, dans toute cette étude, la Suisse n’est pas mentionnée (sauf dans une argumentation générale visant à démontrer la nécessité d’un «upgrade» de la Directive européenne sur la fiscalité de l’épargne).

Les estimations chiffrées du Rapport sont donc principalement basées sur l’économie souterraine au sein de l’UE. Rappelons que le taux d’économie au noir est indicateur du rapport de confiance existant entre la population d’un pays et ses gouvernants. La Suisse est-elle responsable de la taille (souvent importante) de l’économie au noir dans les pays de l’UE?

Steve bernard Genève Place Financière mercredi, 29.05.2013/ Agefi Suisse

http://agefi.com/europe-monde/detail/artikel/les-1000-milliards-regulierement-avances-reposent-sur-une-interpretation-fantaisiste-de-leconomie-souterraine-europeenne.html?catUID=16&issueUID=336&pageUID=10044&cHash=26fc48e45410ff43685ce419bc7d49c3

1 réponse »

  1. De toutes façons, une bonne partie de l’économie souterraine n’existerait pas si elle était officialisée et soumise à l’impôt, car elle n’en supporterait pas la charge.

    L’économie souterraine est en soi une bulle d’air dans l’enfer fiscal, permettant à des entrepreneurs de ne pas être exclu du marché, permettant à des personnes de s’intégrer dans le marché, permettant à des consommateurs d’augmenter leur pouvoir d’achat.

    Les édiles se rendent-ils comptent qu’ils scient la branche sur laquelle ils sont assis ?

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