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Main basse sur la Suisse!!! : Légitimation des épreuves de force par François Schaller

Main basse sur la Suisse!!! : Légitimation des épreuves de force par François Schaller

La revue des réactions sous le choc de l’annonce faite avant-hier à propos de l’offre américaine pour régler le passé des banques suisses soupçonnées d’avoir été actives dans l’évasion fiscale reflète l’impuissance face à un changement radical dans les relations internationales. Jusqu’en 2009, tout semblait pouvoir être négocié. Depuis la transmission par UBS, sous la contrainte, des données de 4500 comptes, avec mention de collaborateurs du groupe bancaire, puis l’«accord» Fatca, les marges de négociation paraissent s’être réduites à zéro. Il en est de même, dans des domaines différents, avec l’Union Européenne, qui a compris qu’il était parfois plus efficace pour elle d’imposer que de discuter.

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Le fonctionnement de «l’offre» américaine

Quatre catégories seront constituées selon le degré de culpabilité de quelque 90 banques suisses

Comment les établissements bancaires entreront-ils dans le programme de résolution du passé mis au point par le Département américain de la justice (DoJ)? Si d’importants détails, comme le montant total des amendes et le mode de calcul selon la gravité des erreurs commises, ne sont pas connus, le mécanisme, lui, est décrit par plusieurs sources américaines et suisses. 

Quatre catégories seront constituées, dans lesquelles quelque 90 banques devront entrer de manière «forcée de leur plein gré» afin d’échapper à des poursuites judiciaires impitoyables en cas de soupçon avéré d’aide directe à l’évasion fiscale de sociétés ou de clients privés américains. 

Le nombre de banques concernées, plus du quart des établissements présents en Suisse, semble important puisque peu d’entre ­elles sont présentes sur sol américain. Le risque pris de ne pas coopérer avec le DoJ pourrait donc paraître faible pour de telles banques. Mais les autorités américaines peuvent agir hors de leur territoire via les opérations en dollars. Or, priver une banque suisse du droit de faire du «clearing» dans cette monnaie peut avoir de graves conséquences sur l’activité d’établissements régionaux ou cantonaux. Le cadre légal extraordinaire annoncé mercredi par le Conseil fédéral permettra aux 14 banques déjà sous enquête judiciaire, comme Credit Suisse, Julius Baer ou la Banque cantonale de Zurich, de fournir les noms des établissements tiers où ont été transférés des fonds américains dès 2009. Du coup, ces banques, classées en catégorie 1, jusque-là jugées non coopératives, le deviendront et échapperont à de très lourdes sanctions. 

Audit obligatoire 

Grâce à ces données, la totalité des banques «refuges» pourront rapidement être démasquées et auront intérêt, pour échapper à des poursuites pouvant dans certains cas menacer leur existence, à se placer elles-mêmes en catégorie 2 (fortement coupables avec une amende pouvant aller jusqu’à 40% des fonds non fiscalisés). La catégorie 3 est réservée aux établissements qui s’estiment faiblement coupables. Ils seront soumis à un audit externe pour vérifier ce classement. La catégorie 4 concerne les banques qui possèdent très peu de clients américains. 

Les données récoltées par le DoJ via son «programme unilatéral» permettront ensuite au fisc américain d’effectuer auprès des autorités suisses des demandes groupées d’entraide administrative pour que soient dévoilés les noms des clients fraudeurs qui devront s’acquitter des amendes usuelles. Selon ce système, négocié par la Confédération, les banques suisses ne livreront donc pas directement et formellement leurs clients au fisc américain. Source Le Temps

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L’exaspération est tangible depuis longtemps dans l’opinion publique en Suisse. Elle semble avoir gagné progressivement l’ensemble des milieux politiques. La démission la semaine dernière du secrétaire d’Etat Michaël Ambühl, que l’on comprend tout à fait aujourd’hui, restera probablement comme un symbole de cette impuissance dans un monde régressant de plus en plus  vers les purs rapports de force. Il n’est pas certain que le personnel politique ou diplomatique, comme on l’entend beaucoup, ne soit plus à la hauteur. En d’autres termes, qu’il soit devenu incapable de dire non (comme s’il l’avait été avant).

 

Le problème, c’est qu’il ne s’agit pas d’une vraie guerre, et que personne, dans cette période de crise (ou de transition), ne semble au clair sur ce que les Suisses sont prêts à subir. Surtout pas les Suisses eux-mêmes. Sur les risques qu’ils sont disposés à prendre pour résister aux diktats des grandes puissances. D’où l’impossibilité politique de s’engager dans des épreuves de force. Quel Conseil fédéral, quel Parlement serait prêt à assumer que le système financier soit – ne fût-ce qu’éventuellement – privé d’accès au clearing mondial contrôlé par les Américains? Que les banques – même cantonales ou coopératives – ne puissent plus opérer aux (ou par) les Etats-Unis? Qu’un secteur tout entier de l’économie, technologique, exportateur, à haute valeur et grande sensibilité systémique, se réduise d’un tiers ou de moitié? Privant l’Etat de revenus fiscaux considérables? Les Suisses seraient-ils prêts à accepter cela? Il est peut-être temps d’orienter la discussion et les sondages sur ce genre de question.

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Bien sûr, les Etats-Unis n’attaquent pas la City de Londres. Mais la Grande-Bretagne, allié indéfectible, répond présent quand il faut envoyer des soldats en Irak. Bien sûr, Washington tolère que le Delaware reste une place financière parmi les plus opaques du monde!

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FRANCOIS SCHALLER Le Vendredi 31 Mai 2013

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