A Chaud!!!!!

France/ Belgique: La crainte du retour des djihadistes de Syrie

France/ Belgique: La crainte du retour des djihadistes de Syrie

Quelque 120 Français seraient actuellement sur les zones de combat. Les services des renseignements et de l’antiterrorisme redoutent d’en voir une partie basculer dans la violence à leur retour. Plus ils seront nombreux, plus ils seront difficiles à surveiller

Après la Bosnie, l’Irak ou la zone pakistano-afghane, la Syrie attire les jeunes djihadistes occidentaux, français et belges en particulier. Mais l’ampleur des départs vers ce théâtre d’opérations inquiète les autorités et augmente les risques à moyen terme, lorsque les combattants rentreront au pays: «Quand le conflit syrien n’existera plus, on aura affaire à pas mal de jeunes qui auront été entraînés, armés, pris en main par de vrais terroristes. Certains seront dangereux car ils voudront continuer le djihad chez eux», expliquait récemment le juge antiterroriste Marc Trévidic, au micro de France Info. «Et plus ils seront nombreux, plus il sera difficile de les surveiller», avertissait-il. L’enjeu: parvenir néanmoins à identifier ceux qui pourraient basculer vers l’action terroriste.

Selon le Ministère de l’intérieur, de 120 à 130 Français ou résidents dans l’Hexagone, souvent radicalisés, seraient actuellement en Syrie. Une centaine d’autres sont identifiés comme voulant s’y rendre, une cinquantaine seraient en route, une dizaine auraient été tués et une cinquantaine seraient déjà rentrés. «D’après les informations dont je dispose, les personnes venant de Belgique seraient encore plus nombreuses», complète le député UMP Alain Marsaud, ancien chef du Service central de lutte antiterroriste. Mais l’élu appelle aussi à la prudence avec les chiffres: «Il est très difficile de savoir ce qu’il en est vraiment du flux à l’aller.»

Quoi qu’il en soit, les informations sur les djihadistes en devenir ou confirmés ne cessent de tomber. En août, par exemple, les portraits de deux frères toulousains convertis à l’islam, issus de vidéos de propagande, ont fait le tour des médias, après le décès en Syrie du cadet, âgé de 23 ans. Surveillés par les services de renseignement, quatre hommes ont été arrêtés après le braquage d’un fast-food dans la région parisienne, début septembre: l’argent du casse devait servir à financer le voyage de l’un d’eux vers les zones de combat.

De ces affaires se dégagent plusieurs éléments. A l’image du Franco-Algérien Mohammed Merah, auteur de la tuerie à l’école Ozar Hatorah à Toulouse, les jeunes entraînés vers l’islamisme radical et risquant de basculer un jour dans la violence extrême suivent de plus en plus fréquemment un processus de radicalisation individuel, plus difficile à appréhender que les filières et groupes traditionnels surveillés par l’antiterrorisme. «Nous avons quitté le stéréotype de l’intégriste musulman pour nous confronter à un mélange improbable, un jeune délinquant de banlieue en pleine mutation idéologique», écrit Marc Trévidic dans son dernier ouvrage1. «A mon sens, nous sommes plus en présence de la désespérance d’une génération que face à de véritables conversions djihadistes», juge Alain Marsaud. L’échec scolaire et le désœuvrement font en effet souvent partie du tableau, même si ce n’est pas toujours le cas.

Le phénomène serait aussi en partie lié à «des problèmes identitaires, mêlés à des fantasmes et des pulsions de violence», estime Catherine Vitinger. Ancienne agente des services antiterroristes israéliens chargée notamment de surveiller, sous le nom de code de Nima Zamar, des personnes susceptibles de basculer, elle vient de publier un livre2 qui relate le parcours, entre Genève et Gaza, d’une jeune femme à la double appartenance suisse et palestinienne, qui évolue vers le terrorisme. Dans ce parcours, comme dans celui de djihadistes, «on retrouve souvent des problématiques de grande violence physique ou sexuelle durant l’enfance, que la personne ait assisté à des scènes de violence, en voyant sa mère se faire battre par exemple, ou qu’elle les ait subies elle-même», explique Catherine Vitinger.

L’écran et le Web jouent également un rôle important dans le processus de radicalisation. «L’émergence d’une communauté djihadiste virtuelle, qui attire un public de plus en plus large et de plus en plus jeune, vecteur de propagande, de radicalisation et de recrutement, à l’origine du basculement d’individus isolés dans le terrorisme, est au cœur des préoccupations en matière de lutte contre le terrorisme», écrit le procureur de la République François Molins, dans un communiqué annonçant l’arrestation d’un Normand de 26 ans administrateur d’un site «de référence pour la mouvance islamiste radicale». Le parquet a ouvert une information judiciaire pour «apologie d’actes de terrorisme» et «provocation à la commission d’actes de terrorisme».

Ce Français possède un élément de profil commun avec certains djihadistes: il n’est pas d’origine musulmane, mais converti. «C’est la grosse surprise. On s’attendait à avoir de nombreux Merah, on se retrouve avec des Dupont», complète Alain Marsaud.

Qui, parmi ceux qui vont rentrer, seront des personnalités à risque? Comment repérer ceux qui pourraient devenir des terroristes? Le député Alain Marsaud vient d’interpeller la garde des Sceaux: il se demande si la législation antiterroriste ou la pratique judiciaire ne devraient pas évoluer, afin que les djihadistes de retour de Syrie fassent davantage «l’objet d’enquêtes, d’investigations, et éventuellement de poursuites».

Plus généralement, Catherine Vitinger suggère d’agir en amont sur le terrain de la détection et de la prévention des profils à risque, en se tournant vers les «personnes de proximité», qu’il s’agisse de policiers municipaux, du personnel des services sociaux, du milieu scolaire et même des parents, qui parfois contactent les autorités. D’après elle, «il y a toujours des signaux d’alarme, clairs et visibles. Il s’agit de mieux les écouter

1. «Terroristes. Les sept piliers de la déraison», Marc Trévidic, JC Lattès, 2013.
2. «Les terroristes sont parmi nous», Nima Zamar, Albin Michel, 2013.

Catherine Dubouloz/ Le Temps 3/10/2013

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/034bf98c-2b9d-11e3-828c-2f59b6fdba97/La_crainte_du_retour_des_djihadistes_de_Syrie

Laisser un commentaire