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La croissance et les poux sont de retour….(cherchez l’intrus) Par Charles Gave

La croissance et les poux sont de retour….(cherchez l’intrus) Par Charles Gave

Etant en ce moment en France, j’ai le grand plaisir d’écouter de temps en temps les « informations »  dispensées sur les chaines de radios  ou de télévisions Françaises. Récemment,  j’ai eu droit à toute une série d’interviews données par le Ministre des Finances Français, monsieur Moscovici je crois, sur le fait que la politique économique suivie par le gouvernement actuel portait ses fruits et que la croissance était « de retour », ce dont je ne saurai trop me réjouir.

Et pourtant, malgré les qualités éminentes de notre ministre des Finances actuels et en dépit de l’autorité que lui confèrent ses fonctions et de son extrême compétence, j’ai des doutes  et même des doutes fort sérieux sur ce retour de la croissance en France. Quand le ministre me dit « tous les indicateurs sont orientés dans la bonne direction », je ne peux m’empêcher de penser au « tous les feux sont au vert » de  Pierre Maurois, en 1982, alors Premier ministre, juste avant que tout ne s’écroule.

Essayons cependant de comprendre pourquoi notre ministre nous annonce un avenir radieux.Il tire sa confiance (apparemment) des « prévisions » du FMI qui annonce une reprise de l’activité et une hausse du PIB dans notre beau pays pour l’année en cours, à moins que ce ne soit pour l’année prochaine. On parle de 0.4 % ou de 0.8%, je ne sais plus très bien. ( pour rappel,Il faudrait 2 % pour que le chômage baisse).

Voila qui me parait intéressant.

En effet:

  • L’erreur d’estimation moyenne des modèles économétriques que fait tourner le FMI est très supérieure à  ce chiffre, ce qui montre à tout le moins que les économistes du FMI  ont le sens de l’humour puisque leurs prévisions vont parfois jusqu’à nous donner la deuxième décimale dans le  chiffre après la virgule…
  • Ensuite, plutôt que de citer ce chiffre avec contentement en s’appuyant sur la compétence et l’impartialité supposées des économistes du FMI, peut être serait-il bon de faire un petit retour en arrière et de vérifier la qualité des prévisions qu’ils ont faites depuis quelque temps concernant l’activité économique à venir des différents pays sur lesquels ces bons docteurs Diafoirus se penchent.. Je n’aurai pas la cruauté de rappeler les prédictions que le FMI a faite sur l’évolution à venir des économies Grecques ou Italiennes il y a quelques années et  je vais me contenter d’un exemple beaucoup plus simple et beaucoup plus récent. En Avril de cette année, monsieur Olivier Blanchard, économiste en chef de cette noble institution et grand Keynésien devant l’éternel a pris à partie publiquement le premier ministre Britannique pour expliquer que la politique de contraction des dépenses publiques  qu’il suivait était  absurde et allait amener la Grande Bretagne en dépression. Passons sur le fait qu’un fonctionnaire que personne n’a élu se permette de juger le Premier Ministre de la plus vieille Démocratie du monde où les fonctionnaires doivent démissionner de la fonction publique s’ils se présentent aux élections et venons en aux résultats.

     Moins de six mois après l’annonce de l’effondrement de l’économie Britannique par monsieur Blanchard, tous les observateurs  s’accordent pour dire que l’économie est en plein boom et que de tous les pays de l’OCDE c’est celui qui a le plus fort taux de croissance. Réaction de monsieur Blanchard à une erreur aussi invraisemblable puisque tout permettait d’annoncer dés Avril ou même avant  que la Grande Bretagne allait de mieux en mieux (voir le papier sur ce site écrit sur la perfide Albion à cette époque) ?

Un silence assourdissant, bien sur…

En pratique, si la croissance revenait en France , ce serait une grande première dans l’histoire de l’ humanité. Mais avant d’expliquer à nouveau ce qu’est la croissance et d’où elle vient, il me faut encore une fois rappeler ce qu’elle n’est pas.

Commençons par définir le mot. Si notre ministre sous entend par croissance le fait que le PIB monte, voila qui ne veut strictement rien dire. En effet comme chacun le sait, la part de l’Etat dans le PIB  Français atteint 57 %, ce qui veut dire que le secteur privé représente 43 % de la richesse produite.Or, le système étatique est en cas flow négatif perpétuel (déficit budgétaire depuis 1973).

Toute croissance du système étatique se finance donc soit par un accroissement des prélèvements fiscaux sur les 43 %  restant, soit par une augmentation de la dette qui n’est qu’un impôt différé. Imaginons que le PIB augmente de 0.8 % l’an prochain et que nous ayons  à la fois une augmentation d’un peu plus de 1% du PIB étatique et une stagnation voir une baisse de l’économie privée. Voila qui ressemblerait furieusement à une croissance du type Union Soviétique dont on sait qu’en général elles se terminent mal. La seule croissance qui compte, c’est celle du secteur privé et à  la rigueur du système Etatique s’il n’a pas recours à  la dette ni aux impôts pour croitre.

Un chiffre: L’an prochain le PIB devrait augmenter de 17 milliards d’Euro et la dette de 100 milliards. Parler de croissance dans ce cas la me parait quelque peu… farfelu.

Tout ce qui se sera passé, c’est que le gouvernement aura tiré une traite, une de plus sur le futur  et qu’il  aura rajouté cette traite à  la croissance actuelle. Du Madoff si en est.

Venons en maintenant aux conditions nécessaires pour qu’il y ait croissance économique. Elles sont au nombre de deux et de deux seulement.

  • Il faut que le cout du capital soit inferieur au rendement du capital. Cette phrase un peu obscure veut simplement dire que ceux qui prennent des risques doivent gagner plus d’argent que ceux qui n’en prennent pas, et donc que les taux d’intérêts doivent être inferieurs au taux de croissance des profits. Or, si l’on exclue les grandes valeurs du CAC 40 , dont la rentabilité ne dépend plus de l’économie Française, les autres entreprises opérant en France ont une marge brute d’autofinancement en chute libre, atteignant et enfonçant des plus bas historiques mois après mois. Cette marge brute d’autofinancement, que le gouvernement voulait taxer encore tout récemment est à peu prés la moitié de ce qu’elle est en Allemagne. Un grand patron d’une société Française me disait récemment que son groupe avait deux usines, l’une en Allemagne, l’autre en France et que la rentabilité de l’usine en Allemagne était le double de ce qu’elle était en France. La prochaine usine sera donc bâtie en Allemagne.Comme les taux d’intérêts sont supérieurs au taux de croissance des profits en France, il ne PEUT PAS y avoir d’investissements  dans ce pays et donc la productivité va continuer à s’écrouler et le chômage à monter. Il ne peut pas en être autrement, sauf à penser que les entrepreneurs Français sont idiots, ce qui n’est pas le cas. La survie de leurs affaires exige qu’ils investissent partout, sauf en France…ce qu’ils font, et heureusement. Immédiatement, à  ce point du raisonnement,  tout le monde les accuse de manquer de patriotisme, ce qui est une incommensurable ânerie. Il n’existe pas de patriotisme économique , il n’existe que le patriotisme qui  exige que le capital  que nous avons reçu de nos parent ne soit pas gaspillé, ce qui n’est pas le cas en France, et depuis longtemps. Ceux qui ne font preuve d’aucun patriotisme, ce sont les élites politiques et non pas les entrepreneurs, qui eux se battent pour transmettre un stock de capital supérieur à  celui qu’ils ont reçu.
  •   Les entrepreneurs sont de petits être sensibles qui vivent dans l’incertitude et la crainte, tant le monde dans lequel ils se battent est concurrentiel. Pout prendre leurs décisions, ils ont  d’abord besoin d’une grande stabilité fiscale et réglementaire, ce qui est loin d’être le cas a l’heure actuelle, mais surtout ils ont besoin que l’Etat ne fasse pas trop de bêtises structurelles.  Car en plus de faire des erreurs conjoncturelles les gouvernements peuvent aussi faire d’énormes boulettes structurelles, D’après Arthur Laffer (créateur de la courbe éponyme) cinq énormes erreurs  économiques  amènent presque toujours à  une dépression si elles sont commises par le gouvernement :
  1. Une guerre, ce qui fait baisser la rentabilité du capital investi.
  2. Une augmentation massive des réglementations (même résultat)
  3. Des législations protectionnistes (idem)
  4.   Une erreur flagrante de politique monétaire tels les taux de change fixes. L’euro est un merveilleux cas d’école. Le résultat de notre cher Frankenstein financier  étant bien sur l’effondrement des marges brutes d’autofinancement dans toute l’Europe du Sud, ce que chacun peut constater aujourd’hui.
  5.    Une augmentation des impôts (ce qui fait baisser bien sur la rentabilité des affaires).

Comme chacun peut le voir, à l’exception de la guerre (ie Give war a chance ?), il n’y a pas une seule erreur qui manque à  l’appel.

Si donc nous avions une période de croissance durable qui s’instaurait en France, il me faudrait manger mon chapeau et reconnaitre que j’ai eu tort et avant moi  Adam Smith, Jean Baptiste Say, Ricardo, Bastiat, Wicksell, Von Mises , Hayek, Schumpeter, Sauvy, Rueff …et que Marx et Keynes avaient raison, ce qui est cependant peu vraisemblable… Il me semble  en effet que nous disposons de suffisamment d’éléments de preuves qui nous ont été fournis tout au long du XX eme siècle pour que j’écarte cette dernière hypothèse.

Bref, ce que raconte aujourd’hui le gouvernement Français, Président de la République en tète me rappelle fâcheusement ce que disait Pierre Maurois en 1982. Et les résultats vont être les mêmes.Déjà les recettes fiscales s »effondrent, signe annonciateur des tempêtes à venir.

Einstein disait que la définition de la folie c’était de faire la même chose toujours et encore en espérant à chaque fois des résultats différents.

Nous y sommes .Nous sommes gouvernés non pas par des incompétents, mais par des fous.

Charles Gave Le 14/10/2013 

SOURCE ET REMERCIEMENTS: INSTITUT DES LIBERTES 

http://institutdeslibertes.org/la-croissance-et-les-poux-sont-de-retour-cherchez-lintrus/

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