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Grèce: Les calculs restent inflexibles Par Andréas Hofert

Grèce: Les calculs restent inflexibles Par Andréas Hofert

Grèce. Les investisseurs sont induits en erreur. Les objectifs de croissance pour rendre le pays attractif sont bien trop élevés pour être probants.

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La Grèce l’a fait le 9 avril et le Portugal deux semaines plus tard (après une première opération en janvier déjà). Ces deux pays, parmi les plus touchés par la crise de l’euro et le carcan de l’austérité imposée, ont donc fait leur retour sur les marchés pour émettre des emprunts d’Etat.

La Grèce a placé pour 3 milliards d’euros d’obligations à 5 ans émises en dessous du pair (99,13% de leur valeur nominale) et assorties d’un coupon de 4,75%, soit un rendement effectif de 4,96%. Quant au Portugal, il a levé 750 millions d’euros lors d’une adjudication à 10 ans assortie d’un coupon de 3,58%. Les médias ont salué ces événements, y voyant le signe que «la crise de l’euro est en passe d’être enfin résolue» et une forme de «retour à la normale» pour ces deux pays. Leurs habitants en difficulté ne seront peut-être pas du même avis, le taux de chômage avoisinant 30% en Grèce et 20% au Portugal. Tout de même, pourquoi bouder son plaisir après quatre années de crise? Beaucoup d’investisseurs intrépides et en quête de rendement étaient enthousiastes face à ces émissions qui ont été sursouscrites. D’ailleurs, le marché n’a-t-il pas toujours raison?

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À mon avis, une certaine prudence reste de mise. Penchons-nous sur le cas de la Grèce. Fin 2013, son taux d’endettement public approchait 177%, un chiffre plus élevé qu’en mars 2012 (170%), soit avant la décote de plus de 50% imposée à ses créanciers privés. Comment ce ratio va-t-il évoluer? Pour savoir cela, il faudra voir si la dette progresse plus vite ou plus lentement que le produit intérieur brut, ce qui dépend de deux facteurs.

Le premier est l’excédent (ou le déficit) budgétaire primaire (recettes de l’Etat moins dépenses hors service de la dette). La Grèce a effectivement réussi à dégager, dans la douleur, un excédent primaire de 1,5 milliard d’euros en 2013, soit 0,8% du PIB – même si certains doutent de l’intégrité de ce chiffre. Le deuxième facteur est le taux d’intérêt moyen dont l’Etat doit s’acquitter sur l’encours de sa dette.

En fin d’année passée, grâce à la restructuration de 2012, le taux d’intérêt net moyen payé par la Grèce était de 2,3%. À titre de comparaison, ce chiffre était de 2,6% pour l’Allemagne et de 3,9% pour l’Italie. S’il est actuellement très faible, ce taux devrait augmenter dans les années à venir, comme le montre le taux d’intérêt effectif auquel la Grèce vient d’emprunter.

Mais supposons – hypothèse très audacieuse – que, pour ces prochaines années, la Grèce puisse dégager un excédent primaire de 1% par an et que le taux moyen auquel elle rémunère ses créanciers reste inchangé. Alors, elle n’aurait besoin que d’une croissance nominale (croissance réelle du PIB plus inflation) de 1,8% pour stabiliser son endettement public au niveau actuel. Comme la Grèce est aujourd’hui en déflation (les prix sont en recul de 1,5% sur un an), il lui faudrait donc un taux de croissance réel supérieur à 3% si la déflation ne diminue pas.

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Malheureusement, en 2012, la Grèce ne s’est pas engagée auprès de la troïka (UE, BCE et FMI) à stabiliser son ratio dette publique/PIB, mais à le ramener à 120% à l’horizon 2020. Même dans notre scénario très ambitieux, il faudrait que la Grèce présente une croissance nominale moyenne de 7,5% sur les sept prochaines années pour atteindre cet objectif, ce qui semble très improbable.

Si les perspectives pour la dette du Portugal sont moins sombres, la prudence est là aussi de mise, d’autant que toutes les prévisions partent du principe que la reprise actuelle de l’économie mondiale se poursuivra pendant les cinq à dix prochaines années, ce qui est rarement le cas. Tout bien considéré, les emprunts d’Etat de la périphérie de l’Europe ne sont pas ce que nous préférons sur le marché obligataire. Nous recommandons d’autres placements tels que les obligations d’entreprises européennes et à haut rendement, dont le profil risque/rendement nous semble plus convaincant.

ANDREAS HÖFERT  Chef économiste, UBS Wealth Management/ AGEFI SUISSE  MARDI, 06.05.2014

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