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Géopolitique: A l’aube d’une guerre au Moyen-Orient ?

A l’aube d’une guerre au Moyen-Orient ?

Les djihadistes sont accusés de crimes de guerre en Irak

PAR Jean Pierre Perrin/ Le Temps 16/6/2014

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L’armée irakienne affirme avoir repris l’initiative face aux djihadistes qui menaçaient la capitale Bagdad. Ceux-ci auraient exécuté des dizaines, voire des centaines de prisonniers

Trois jours de guerre éclair les ont conduits à la périphérie de la capitale irakienne. Aujourd’hui, l’offensive des djihadistes sunnites contre Bagdad, freinée par des contre-attaques de l’armée irakienne, pourrait marquer le pas si elle ne se développait pas à présent le long de la frontière syrienne, ­notamment pour le contrôle de la ville de Tal Afar, à une soixantaine de kilomètres de Mossoul.

L’Etat islamique en Irak et au Levant, le Daech (son anagramme en arabe), comme les Irakiens l’appellent, et qui constitue le fer de lance de la rébellion sunnite, semble avoir entrepris des massacres de grande ampleur dans les régions qu’il contrôle, soit environ le tiers de l’Irak.

D’ores et déjà, ce sont des dizaines, peut-être des centaines, de membres des forces irakiennes faits prisonniers ces derniers jours qui ont, semble-t-il, été exécutés dans la province de Salaheddine. Certes, les photos publiées sur Internet, accompagnées de légendes rédigées par les djihadistes, n’ont pu être authentifiées. Mais elles sont dans la droite ligne des atro­cités dont Daech est coutumier en particulier en Syrie, où le groupe s’est reconstitué avant de repartir à la conquête des provinces sunnites de l’Irak.

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Des mares de sang

Sur un cliché mis en ligne, on peut voir des hommes forcés de s’allonger dans une fosse peu profonde sous le regard d’insurgés, dont l’un brandit le drapeau noir, frappé de la profession de foi musulmane, de Daech. On voit ensuite les djihadistes armés de fusils tirer dans la fosse. Sur une autre photographie, un insurgé pointe sa ka­lachnikov sur un fossé dans lequel se trouvent deux rangées d’hommes, les mains dans le dos. Sur le sol, se répandent des mares de sang et s’élève un nuage de poussière. Samedi, les corps brûlés de 12 policiers avaient déjà été découverts à Ishaqi, une localité à 60 kilomètres au nord de Bagdad, que les forces loyalistes venaient de reprendre.

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Ce qui se dessine, c’est une campagne de crimes de guerre, voire de crimes contre l’humanité, à caractère confessionnel, les troupes gouvernementales étant essentiellement composées de chiites.

Civils coincés à Tal Afar

A Tal Afar, une ville où cohabitent sunnites et chiites, les premiers, qui se plaignent d’avoir leurs quartiers sous le feu des mortiers de la police et de l’armée, ont appelé à l’aide les groupes de l’Etat islamique, qui sont aussitôt entrés en action. «La situation est désastreuse à Tal Afar. Les combats sont fous et les familles sont prisonnières dans leurs maisons sans pouvoir quitter la ville. Si cela continue, on peut s’attendre à des meurtres massifs parmi la population», indiquait dimanche un fonctionnaire de la ville, cité par Reuters.

Si la mobilisation sunnite bat son plein, Daech menant bataille avec d’anciens officiers de Saddam Hussein, des groupes armés issus des tribus et d’autres liés au puissant réseau de la Nashqabandiya, celle des chiites s’est également intensifiée, ce qui donne à la guerre actuelle une puissante dimension interconfessionnelle.

Vendredi, la plus haute autorité religieuse chiite d’Irak, l’ayatollah Ali al-Sistani, dont l’influence s’étend en Iran et dans le golfe Persique, a appelé la population à prendre les armes pour stopper l’avancée des djihadistes.

Cet appel, qui a entraîné des milliers d’Irakiens à se porter volontaires, est exceptionnel de la part de cet ayatollah, qui défend traditionnellement une ligne quiétiste. Il a suscité aussitôt une violente réaction des religieux sunnites, l’Union internationale des savants musulmans, basée à Doha, au Qatar, a critiqué samedi la fatwa du dignitaire chiite le plus influent d’Irak à prendre les armes contre les djihadistes, qui ont conquis cette semaine plusieurs régions du nord et l’est du pays.

L’Union internationale des savants musulmans est dirigée par le cheikh qatari d’origine égyptienne Youssef al-Qaradawi, un ­extrémiste lié aux Frères musulmans, qui, lui, a qualifié l’offensive des djihadistes en Irak de ­ ­«révolte sunnite». Selon l’organisation, ­celle-ci aurait été provoquée par «l’oppression et l’exclusion de personnes qui voulaient être libres». «La fatwa sectaire appelant nos frères chiites à prendre les armes» va mener à une «guerre confessionnelle dévastatrice».

Avec l’ambition des insurgés de créer un vaste califat sunnite à cheval sur l’Irak et la Syrie, comme ils l’ont montré en faisant intervenir symboliquement un bulldozer sur la frontière entre les deux pays, c’est une guerre sunnites versus chiites de grande ampleur qui menace l’Irak et, au-delà, toute la région.

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/3b8454e2-f4c0-11e3-a2d8-dc7d3196b5d7/Les_djihadistes_sont_accus%C3%A9s_de_crimes_de_guerre_en_Irak

La balkanisation du Moyen Orient

PAR Mohammad Farrokh/ Agefi Suisse 16/6/2014

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C’est peut-être parce que la production locale de pétrole n’est pas menacée dans l’immédiat que les Etats et marchés financiers ne réagissent guère aux événements en Irak. A moins qu’ils ne prennent absolument pas la mesure de ce qui se passe dans cette région du monde. En 1996, Kaboul tombait aux mains des Talibans. Il a fallu attendre 2001 pour que les conséquences apparaissent clairement. Les choses risquent d’aller beaucoup plus vite aujourd’hui.

En Syrie, les islamistes sunnites radicaux sont à quelques kilomètres de la Méditerranée. Les Occidentaux se demandaient encore il y a peu comment leur venir en aide contre un régime laïc soutenu par la Russie et l’Iran. Ne devrait-on pas, à Washington ou à Paris, revoir des automatismes politiques de toute évidence porteurs d’immenses désastres? Pour autant qu’il soit encore possible de faire quelque chose. 

En Irak, les islamistes contrôlent une région pétrolière qui, depuis quelque temps déjà, écoule son brut indépendamment du gouvernement. On a parlé de 22 milliards de dollars d’exportations sauvages ces derniers mois. Ils contrôlent des banques, disposent d’or et de devises. De quoi financer la guerre. Au Moyen-Orient en général, le risque n’est pas seulement sécuritaire au sens étroit, par la présence de ressortissants européens par exemple. Il s’agit d’une balkanisation en gestation, qui pourrait aussi avoir pour conséquence de pousser des millions de réfugiés vers l’Europe. Faut-il intervenir? A la suite de l’intervention en Libye, l’insécurité jette chaque jour deux à trois mille migrants sur les côtes italiennes.

Avec l’entrée des islamistes les plus radicaux à Mossoul, un demi-million de personnes ont pris la fuite ces derniers jours. Il reste la Turquie pour faire écran. Mais la Turquie se sent impuissante. Les télévisions diffusent en boucle des scènes catastrophiques se jouant à la frontière sud-est. Et cette Turquie commence à Edirne, ville frontalière avec la Grèce et la Bulgarie. La lire turque perd du terrain, mouvement reflétant l’inquiétude des investisseurs.  Il faut bien que la prise de conscience commence quelque part.

http://agefi.com/une/detail/artikel/la-balkanisation-du-moyen-orient.html?issueUID=609&pageUID=18213&cHash=fe2d1dc85540064fdaa92ab05b710229

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