Behaviorisme et Finance Comportementale

Idées courtes, idées fausses : ce n’est pas parce qu’on vous le dit ou qu’on l’écrit que cela est vrai…

La suite de ma  nouvelle rubrique destinée à tordre le cou à certaines idées politiquement correctes  car destinées à caresser la bête dans le bon sens du poil mais économiquement fausses….Alors au risque de déplaire, restons « contrarian »  et vive la contrariété !!!!

IDEES COURTES IDEES FAUSSES : ce n’est pas parce qu’on vous le dit  et/ou qu’on l’écrit que c’est vrai

En Bourse les Traders actifs sont gagnants : FAUX

SUITE DU QUIZZ :

 

[ 20/04/09  ] les Echos

Une étude de deux économistes sur les participants au concours de Zonebourse montre que la plupart des investisseurs actifs perdent de l’argent. Cette analyse chercher à illustrer les biais psychologiques des traders.  

On taxe souvent la Bourse d’être un jeu de casino. En tout cas, la probabilité de gagner est très faible. Moins de 10 % des investisseurs actifs individuels parviennent à générer une performance positive, nette des frais de transactions, sur une durée minimale de cinq mois. Ce chiffre est issu d’une étude réalisée par deux professeurs, Philippe Bernard, codirecteur du master d’ingénierie économique et financière de Dauphine, et Thami Kabbaj, universitaire et ancien trader (1), en partenariat avec Zonebourse. Les deux économistes ont analysé les performances de près de 600 inscrits au concours organisé par ce site Internet, sur les actions, entre mars 2007 et janvier 2009.

Sur les 505 traders en activité durant plus de cinq mois, seulement 39 enregistrent des performances positives (soit 7,72 %), sur la durée de leur participation à ce jeu, c’est-à-dire entre cinq à vingt mois.  » Il n’y a pas de différence marquée entre la proportion de gagnants en marché haussier et celle en marché baissier, souligne Thami Kabbaj. Ces résultats n’ont rien d’étonnant : d’autres études sur la population des particuliers « day-traders », aux Etats-Unis et en Asie, ont montré que seule une minorité réalise des gains sur plusieurs mois. «  Un travail de recherche sur le Day Trading à Taiwan, où la pratique est répandue, entre 1995 et 1999, a conclu que moins de 20 % des investisseurs actifs gagnaient de l’argent (profits nets des coûts de transactions) sur des périodes de six mois (2).

Plusieurs facteurs

Outre le faible nombre de  » vainqueurs « , les deux professeurs montrent que la performance cumulée des opérateurs est inférieure à celle du marché : les participants au concours affichent un repli de 60,17 %, en presque deux ans, alors que l’indice SBF 250a perdu 49,78 %.  » Cette lourde contre-performance peut s’expliquer en partie par le nombre important de traders qui se ruinent à plusieurs reprises « , note Thami Kabbaj. Presque la moitié (42 %) des personnes ont perdu au moins une fois leur capital initial au minimum de 1.000 euros.

Pour le spécialiste, ces résultats sont imputables à plusieurs facteurs. Les frais de courtage (8,97 euros pour une transaction jusqu’à 7.500 euros, chez Bourse Direct, le partenaire de ce concours, avec des tarifs dégressifs possibles) contribuent à greffer les performances globales : pour arriver à l’équilibre sur un achat-vente, il faut que le gain soit, au minimum, supérieur à quelque 18 euros. Ensuite et surtout, il existe  » des biais psychologiques « . La récompense élevée attribuée aux vainqueurs (le premier prix est de 10.000 euros) incite les participants à prendre davantage de risques. La plupart des opérateurs utilisent des effets de levier (au maximum de 3 pour l’ensemble de l’échantillon).  » Lorsque le gain potentiel est supérieur aux pertes subies, les opérateurs se mettent en danger plus facilement. « 

Cela illustre l’asymétrie des comportements : les recherches montrent qu’en situation de perte, le trader est prêt à perdre davantage pour revenir à l’équilibre, alors qu’en cas de gains, il souhaite, au contraire, sécuriser les sommes. Dans l’étude des deux économistes, le gain moyen est inférieur à la perte, avec un ratio de 0,85. En outre, il existe des biais cognitifs, qui font que les opérateurs ont tendance à croire que des tendances ponctuelles vont se poursuivre.  » Quand le marché est haussier, il est humain de penser que cela va continuer « , souligne Thami Kabbaj.  » 2008 a été rude pour les investisseurs qui ont eu du mal à se faire au changement de tendance, ajoute Fabien Vrignon, directeur marketing de Cortal Consors. Surtout que les particuliers sont réticents à se positionner à la vente sur les actions. «  Il a organisé pour ses clients des séminaires de gestion des émotions, avec un psychologue.

 » Au final, les investisseurs qui arrivent à réaliser de bonnes performances sont ceux qui réussissent à garder une certaine distance « , termine Thami Kabbaj. Analyse partagée par Jérôme Favier, responsable de Trading Places, qui regroupe des traders indépendants :  » Pour gagner en Bourse sur le long terme, il faut chercher à avoir des gains réguliers, plutôt que des gros coups. Rester discipliné, en maîtrisant son effet de levier. « 

EN COMPLEMENT INDISPENSABLE L’EXCELLENT ARTICLE SUR LA QUESTION  DU TRADING D’ANDRE GOSSELIN (brillant chercheur canadien) :

La tortue et le rebond

Avez-vous les qualités nécessaires pour être un bon trader ? Pouvez-vous vous imaginer en train d’acheter ou de vendre des titres sans jamais les détenir plus de quelques heures, quelques jours ou quelques semaines tout au plus ?

Deux des plus grands traders de matières premières aux États-Unis, Richard Dennis et William Eckhardt, se sont demandé si le trading était une question de gènes ou de formation.

Pour élucider la question, ils ont tenté une expérience qui fait encore parler d’elle à Wall Street 25 ans plus tard : sélectionner, au moyen d’une petite annonce dans le journal, une vingtaine de personnes sans expérience particulière en placement, leur enseigner durant deux semaines une mé-thode de trading, leur confier la gestion d’un compte d’un million de dollars et observer les résultats.

 » Nous allons les élever comme on élève des tortues à Singapour « , se disait Richard Dennis. Le rendement moyen de cette équipe de débutants, de ces turtle traders comme on les appelait, a été de 80 % par an au cours des quatre premières années de l’expérience. Conclusion des expérimentateurs : le trading, cela s’apprend.

Deux livres publiés en 2007 racontent cette histoire : Way of the Turtle: The secret methods that turned ordinary people into lengendary traders, de Curtis Faith (chez McGraw-Hill), et The Complete Turtle Trader: The legend, the lessons, the results, de Michael Covel (chez Collins).

Une méthode simple

L’auteur du premier livre, Curtis Faith, a vécu l’expérience de l’intérieur, à titre de  » tortue  » cobaye. Âgé de 19 ans à l’époque, il possédait une formation en informatique. Selon lui, l’art du trading, tel qu’il est enseigné par Richard Dennis, réside dans la discipline du trader à croire en son système et à l’appliquer rigoureusement. Le principe de Dennis est simple : investir en fonction des tendances du marché. Toutefois, il n’est pas aisé de les appliquer avec discipline et constance. Le bon trader doit comprendre qu’il n’est pas un investisseur. Il achète et vend un produit financier, pas une entreprise. Et il doit surtout comprendre que le mouvement des prix sur le marché est essentiellement fonction des sentiments des acheteurs et des vendeurs, et non des mérites d’une entreprise, d’une matière première, d’un pays ou d’une monnaie.

Les arbitragistes comme Richard Dennis et William Eckhardt ont fait de la finance comportementale avant l’heure (avant l’émergence de cette discipline dans le milieu universitaire au début des années 1990). Ils ont toujours cherché à exploiter les travers les plus profondément ancrés chez l’investisseur-type, telle la propension à réaliser ses gains beaucoup trop rapidement et à encaisser ses pertes beaucoup trop tardivement.

Quant au livre de Michael Covel, il nous en apprend beaucoup sur le système de trading utilisé par les  » tortues «  : un système d’une simplicité en apparence déconcertante, mais dont la réussite dépend de l’application au quotidien, avec la préoccupation constante de réduire rapidement les pertes quand la tendance ne semble plus au rendez-vous.

C’est l’obsession de la protection du capital qui assure la réussite de tout bon système de trading : quand une position n’est pas gagnante, on se retire le plus tôt possible. Et quand on détient des positions pour quelques jours ou quelques semaines tout au plus, il faut être conscient que les positions gagnantes ne sont pas tellement plus élevées (en nombre absolu) que les positions perdantes (un rapport de 55 % / 45 % est considéré comme très bon). Ce qui fait la différence, c’est le rapport entre le rendement réalisé avec les titres gagnants et le rendement abandonné avec les titres perdants.

Les échecs sont donc nombreux et même nécessaires, vous diront les traders avec une touche de philosophie inspirée du Dalaï-Lama : dans la vie, on apprend beaucoup plus de ses ennemis que de ses amis. Et comme les pertes vous guettent à chaque instant, vous n’avez pas d’autre choix que d’apprendre à composer avec l’ennemi.

Les pertes en trading, comme le dit Curtis Faith, doivent être perçues non pas comme une erreur ou un défaut de la méthode de trading, mais comme le coût de participation au système. C’est le prix à payer pour  » jouer le jeu « , en sachant très bien justement qu’il s’agit moins d’un jeu que d’une activité qui nécessite d’établir des probabilités à tout moment face aux événements qui peuvent perturber la partie. Comme le fait un assureur en mesurant le risque d’accident de ses clients à chaque étape de leur vie.

Probabilités et rebonds

Si vous êtes un investisseur familiarisé avec les réseaux télé d’information financière (CNBC et autres), vous avez sans doute remarqué l’énervement des animateurs, des journalistes et autres analystes quand les marchés boursiers font des gains (ou des pertes) appréciables durant quelques jours consécutifs.

Si, en l’occurrence, les marchés montent en flèche, tout ce beau monde se perd en conjectures pour vous dire à quel point les choses vont bien et pourquoi les prix des actions devraient continuer de monter. On donnera le micro aux experts qui avaient prévu la hausse, sans trop se rendre compte que ces spécialistes sont des  » haussiers  » convaincus (bullish) qui ne manqueront pas cette occasion de vous dire que le meilleur reste à venir.

À l’inverse, si les marchés subissent une correction substantielle durant trois ou quatre jours de suite, on vous dira qu’il y a une raison à tout. Et comme le hasard fait parfois bien les choses, on donnera la tribune aux experts qui avaient prévu la correction, lesquels ne manqueront pas cette occasion de vous expliquer pourquoi les choses vont mal, et surtout les raisons qui font que le pire s’en vient.

Pas besoin d’être très perspicace pour voir que ces gens sont souvent dans l’erreur : ils ne font que répéter ce que le marché sait déjà. Dans le cas des corrections à la baisse, les mauvaises nouvelles qu’annoncent les oiseaux de malheur sont pour l’essentiel déjà incorporées dans le prix des actions. Quant aux ajustements à la hausse qui durent depuis quelques jours, les bonnes nouvelles que nous promettent les prévisionnistes sont également prises en compte dans la valeur marchande des actions.

Voilà comment les marchés boursiers fonctionnent depuis des décennies, et comment ils devraient fonctionner pour les décennies à venir.

Les traders aguerris, qui connaissent la chanson, savent comment tirer profit des hausses et des baisses radicales du marché (5 % et plus), ou de titres en particulier, quand ces fluctuations se produisent en cinq jours ou moins. Ils achètent après une baisse marquée, et ils vendent (ou n’achètent pas) lors d’une hausse marquée. Les traders, qu’ils soient ou non des  » tortues « , ont tout intérêt à bien connaître cette loi de la volatilité à court terme des marchés.

Les statistiques dont nous disposons depuis 1989 sur les variations quotidiennes de l’indice S&P 500, par exemple, nous montrent de façon claire que les baisses du marché américain durant trois jours consécutifs sont suivies d’une hausse quatre fois plus élevée que la normale au cours des cinq jours suivants. Et quand l’indice S&P 500 connaît une hausse durant trois jours consécutifs, les gains sont nuls durant les cinq jours suivants. Les traders qui n’ont pas peur de faire de l’arbitrage sur cette anomalie du marché peuvent facilement encaisser des gains de plus de 50 % par an.

Toutefois, comme ce type de réaction du marché ne se produit pas tous les jours, les traders préfèrent appliquer leur médecine aux titres des sociétés qui présentent des signes similaires. Ainsi, une étude de la firme Trading Markets pour la période qui va de janvier 1995 à juillet 2006 a montré que les titres de la Bourse américaine qui connaissent cinq jours consécutifs de baisse ont un rendement (+ 0,63 %) plus de deux fois supérieur à celui du marché (0,25 %) durant les cinq jours suivants. À l’inverse, les titres qui clôturent à la hausse durant cinq jours consécutifs obtiennent un rendement négatif (- 0,11 %), inférieur donc au rendement moyen des titres américains sur cinq jours (0,25 %).

L’explication du phénomène est simple : les investisseurs réagissent trop souvent avec excès devant les nouvelles qui concernent les entreprises cotées en Bourse, les bonnes comme les mauvaises. Et une fois la tempête passée, il est normal que le marché se rajuste pour mieux refléter la valeur intrinsèque des entreprises. Ainsi, les titres qui subissent une baisse de plus de 10 % durant une séance (en raison d’une mauvaise nouvelle) sont sujets à un rebond qui leur permet d’obtenir un gain moyen de 2,01 % lors des cinq jours suivants. Faites le calcul (52 semaines fois 2 %) : le rendement espéré peut facilement dépasser les 100 % par an.

Dans la même veine, certains traders aiment bien également vendre à découvert les titres qui grimpent de plus de 10 % en une journée, car durant les cinq jours qui suivent, ces titres subissent une correction d’en moyenne – 1,14 %. En jouant sur les deux tableaux, l’arbitragiste est toujours neutre par rapport au marché, et il réduit pratiquement à zéro son exposition aux facteurs macro-économiques et géopolitiques qui peuvent perturber l’ensemble du marché des actions. Les rendements ne font pas des bonds aussi spectaculaires que pour la mé-thode d’achat seulement, mais ils sont plus constants. Comme les pas de la tortue.

André Gosselin
Source: Finance et Investissement

L’IDEE FAUSSE PRECEDENTE :

Les licenciements font  augmenter le cours des actions :

http://leblogalupus.com/2009/05/03/idees-courtes-idees-fausses-ce-nest-pas-parce-quon-vous-le-dit-ou-quon-lecrit-que-cest-vrai/

5 réponses »

  1. Merci pour cet excellente mise au point. Pour aller plus loin, je conseille le fameux livre d’Alexander Elder « Vivre du Trading ».
    Alexander Elder est trader réputé, psychologue de formation. Son livre décrit parfaitement la « maladie » ou « addiction » du trader. Ce livre est un must que tout investisseur ou trader devrait lire avant de se lancer.

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