La suite et 3éme billet de ma rubrique destinée à tordre le cou à certaines idées politiquement correctes, car destinées à caresser la bête dans le bon sens du poil, mais économiquement fausses….Alors au risque de déplaire, restons « contrarian » et vive la contrariété !!!!
IDEES COURTES IDEES FAUSSES : ce n’est pas parce qu’on vous le dit et/ou qu’on l’écrit que c’est vrai
Dictature des Actionnaires, Dictature des Profits : FAUX
Les réponses d’André Gosselin le brillant chercheur et analyste financier canadien au travers de 2 articles parus respectivement en 2007 et 2009
PLUS DE DETAILS EN SUIVANT :
01.05.2007 – Gosselin, André
Le mal français
Ces derniers se targuent de connaître le capitalisme “de l’intérieur.” On ne peut toutefois pas affirmer que leurs observations reposent sur une analyse approfondie du capitalisme mondial
Le dénominateur commun de tous ces “insiders”, c’est le ressentiment éprouvé face au capitalisme anglo-saxon, qui serait obsédé par les seuls intérêts des actionnaires et beaucoup trop axé sur les mécanismes de la Bourse et sur la logique des fonds communs de placement.
La prospérité économique, la justice sociale et la paix mondiale seraient menacées par la “financiarisation de l’économie”, un concept typiquement français sans équivalent dans aucune autre langue.
Claude Bébéar, président de la multinationale de l’assurance Axa, a donné le ton en 2003 avec son ouvrage Ils vont tuer le capitalisme (Plon). Jean-Luc Gréau, conseiller auprès du Medef, sorte de Conseil du patronat français, a aussi fait mouche avec deux livres : Le capitalisme malade de sa finance (Gallimard, 1998) et L’avenir du capitalisme (Gallimard, 2005). Plus récemment, Jean Peyrelevade, tour à tour dirigeant des sociétés Suez, UAP et Crédit lyonnais, publiait un pamphlet fort apprécié par l’ancien premier ministre Michel Rocard (“On y voit enfin la vraie face de la rapacité du capitalisme actionnarial”, disait-ce dernier). Son titre : Le capitalisme total (Seuil, 2005). De son côté, Patrick Artus, directeur de recherche à la banque d’investissement Natixis, semblait annoncer la fin du capitalisme (et de son emploi dans une banque d’affaires !) dans son livre Le capitalisme est en train de s’autodétruire (La Découverte, 2005).
Animés du même esprit critique face à la menace que représenterait la financiarisation de l’économie avec, au banc des accusés, les fonds communs de placement et les professionnels de l’investissement, certains économistes comme Elie Cohen (Le Nouvel Âge du capitalisme, Fayard, 2005) ou Antoine Rebérioux et Michel Aglietta (Dérives du capitalisme financier, Albin Michel, 2004) en ont rajouté.
Les formules chocs peuvent varier d’un ouvrage à l’autre, mais tous ces auteurs s’entendent pour dire que depuis plus de 20 ans et sous l’influence des États-Unis et de la Grande-Bretagne, nous subissons la “dictature des actionnaires”. Le pouvoir grandissant des détenteurs d’actions et de leurs mandataires, les fonds communs de placement, contribuerait à accélérer la mondialisation de l’économie, les délocalisations d’entreprises, la baisse des salaires et le rétrécissement du pouvoir des États, pour ne nommer que ces quelques effets secondaires.
Heureusement, on trouve encore en France quelques rares patrons qui ont la plume assez alerte et une capacité d’analyse assez grande pour mettre les pendules à l’heure et relativiser la “pensée unique” gauchisante qui caractérise le monde de l’édition économique française. C’est le cas d’Antoine Jeancourt-Galignani, président de la société d’investissement Gécina (9,5 milliards d’euros sous gestion), qui signe une excellente critique de cette pensée unique dans le numéro du printemps 2007 de la revue Commentaire (“Un rêve français : le capitalisme sans actionnaires”).
Selon ce gestionnaire, les actionnaires sont loin d’avoir tous les pouvoirs qu’on leur prête. En France, notamment, depuis au moins un quart de siècle, leurs pouvoirs ont été réduits et encadrés soit par les lois du travail, soit par l’État, soit par la jurisprudence. Aucun projet de fusion ou d’acquisition, par exemple, ne peut être mis en branle sans une consultation préalable des représentants élus par le personnel ou des syndicats, et sans l’accord de l’État. Dans la plupart des pays où les actionnaires font enfin entendre leur voix, ce n’est pas parce que leurs pouvoirs se sont accrus, mais plutôt parce qu’ils ont enfin décidé d’exercer ceux que la loi leur accorde depuis toujours.
Dans tous ces livres d’économie-fiction dont la France a le secret et qui combattent les épouvantails de la financiarisation du capitalisme, on soutient que les actionnaires, au moyen des fonds communs de placement, ont érigé en objectif absolu un rendement annuel de 15% sur leur investissement. Et tout se passe comme si les patrons des entreprises cotées en Bourse avaient le couteau sous la gorge pour réaliser un tel rendement. Comme si les gestionnaires de fonds communs ou de caisses de retraite allaient menacer de retirer leurs billes, de congédier la haute direction, de démanteler l’entreprise, de la déménager à l’étranger ou encore de l’engager dans un projet de fusion si jamais cet objectif n’était pas atteint.
Or, si c’était vraiment le cas, comment se fait-il que si peu de patrons d’entreprises anglo-saxonnes sonnent l’alarme pour nous mettre en garde contre les pouvoirs exorbitants des investisseurs institutionnels? Se pourrait-il que les gestionnaires de fonds communs ou de caisses de retraite ne souhaitent qu’une bonne gouvernance de la part des entreprises, sans vouloir s’immiscer dans la gestion à court ou à long terme, la planification stratégique et les projets d’investissement ? Le seul vrai pouvoir de l’investisseur, ne réside pas dans l’influence qu’il peut exercer sur les décisions des membres de la haute direction des entreprises, mais dans sa capacité à vendre ses actions quand il n’est pas d’accord et à acheter les actions d’une autre entreprise qui correspond mieux à sa philosophie de placement.
En matière de financiarisation de l’économie, la réalité, c’est qu’il y a toutes sortes d’actionnaires, comme il y a toutes sortes de travailleurs, de consommateurs ou de citoyens. Certains actionnaires n’investissent qu’avec un horizon à court ou moyen terme (et n’ont donc aucune intention ou prétention d’agir sur les décisions des patrons d’entreprise); d’autres investissent avec un horizon à plus long terme, en choisissant tout simplement les entreprises qui ont un plan de développement (à long terme).
Il y a plus de 50 000 entreprises publiques dans le monde, dont 10000 aux États-Unis. Les investisseurs qui veulent placer leurs capitaux dans une même entreprise avec un horizon de cinq, 10 ou 15 ans peuvent donc trouver des milliers de sociétés qui ont une vision à long terme à leur offrir. Ce n’est pas le choix qui manque, et c’est beaucoup plus simple de retirer ses billes quand cela ne fait plus son affaire que de rester là à jouer une “game politique” en espérant faire élire son équipe de direction ou changer la mentalité de celle qui est en place.
Je ne sais pas si l’économie se “financiarise”, mais je sais par contre que l’on prête aux investisseurs institutionnels des pouvoirs et des intentions qu’ils n’ont pas, ou si peu.
Quelle dictature du profit? Les sociétés qui réalisent des mégaprofits ne jouissent pas très longtemps de ce privilège
2009-05-26 André Gosselin
Les profits des entreprises, partout dans le monde, sont soumis à deux réalités implacables : les cycles de l’économie et la loi du retour à la moyenne.
Quand vous possédez quelques notions de science économique et que vous maîtrisez certains rudiments de finance boursière, les hauts cris des alter-socialistes ne vous impressionnent pas beaucoup. Plus ils crient fort, plus ils font penser à ces gourous des sectes religieuses qui annoncent la fin du monde ou qui prétendent être en contact direct avec des extraterrestres. Votre expérience de la vie suffit à les tourner en ridicule. Il en va de même lorsque des écrivains anti-libéraux parlent de la dictature des profits, de quête toujours plus assoiffée de profits, de profits scandaleux, sans donner aucune preuve de ce qu’ils avancent.
Un exemple parmi tant d’autres est le livre de Viviane Forrester, Une étrange dictature (La dictature du profit, en format de poche). Avant même de vous rendre à la page 45, vous aurez lu, sous sa plume acerbe mais combien poétique, tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les profits, sans jamais oser le demander. Je cite: «La dictature du profit, qui mène à d’autres formes de dictature, s’installe avec une déconcertante facilité» ; «Le profit, partout sous-jacent, est cependant partout inexprimé, partout ignoré, mais partout infiltré, opérationnel au c?ur de toutes choses» ; «Sous couvert de concurrence, il s’agit encore une fois d’encourager une course à des gains sans limite» ; «[?] ce goût d’accumuler, cette névrose du lucre, cet appât du profit, du gain à l’état pur, prêt à tous les ravages [?]» ; «Ce qui oblige à fusionner, et par là à licencier, c’est exclusivement la nécessité de faire davantage de profit» ; «[?] obtenir pour l’économie privée des mégaprofits, et cela à tout prix» ; «Une économie virtuelle qui n’a d’autre fonction que de faire le lit de la spéculation, de ses profits issus de ?produits dérivés’, immatériels, où l’on négocie ce qui n’existe pas» ; «Ainsi, la clandestinité du profit, son autorité, son bien-fondé n’ont plus à être établis.» Voilà comment l’intellectuelle la plus écoutée de France en matière d’économie nous explique la logique du profit, sans jamais s’empêtrer dans les statistiques, les études comparatives, les observations sur le terrain ou les documents historiques.
J’épargnerai à madame Forrester et à ses admirateurs un cours, même rapide, sur des notions comme profit, bénéfices bruts, bénéfices d’exploitation, bénéfices nets, bénéfices par action, rendements sur l’avoir des actionnaires, dividende ou rendement sur l’actif: autant de concepts financiers qui évoquent un aspect particulier des profits des entreprises. Je me contenterai de quelques considérations sur ce qu’elle appelle cette course à des gains sans limite, ou cette obsession vers davantage de mégaprofits. Comme je l’ai montré au chapitre 4 en prenant l’exemple des compagnies vedettes du magazine Business Week, les sociétés qui réalisent des mégaprofits ne jouissent pas très longtemps de ce privilège. Profits, chiffres d’affaires, marges bénéficiaires et rentabilité dégringolent à des niveaux nettement inférieurs à la moyenne, après seulement quelques années en tête de lice des entreprises les plus profitables. La croissance annuelle des profits de ce groupe d’élite bascule d’une moyenne de 76 % à 3 % durant les 3 ans qui suivent la sortie du palmarès de Business Week.
Les profits des entreprises, partout dans le monde, sont soumis à deux réalités implacables (j’oserais presque dire deux dictatures, pour plaire à Viviane Forrester): les cycles de l’économie et la loi du retour à la moyenne. Certaines années ça va bien, et d’autres années ça va moins bien, voire très mal. Si les chefs d’entreprise étaient obsédés à ce point par les profits, ils se suicideraient après quelques années seulement à la tête de la direction de leur société. Si les actionnaires étaient assoiffés de rendement à tout prix, ils n’y auraient pas assez d’hôpitaux psychiatriques pour les accueillir tous.
Prenons la plus grande puissance économique de la planète et l’une des deux ou trois plus libérales que l’on connaisse : les États-Unis. La croissance net des profits des entreprises entre 1872 et 2002 y a été de 3,3 %, soit la même croissance, à quelques décimales près, que celle de l’économie (mesurée en PIB). Est-ce que les profits des entreprises américaines ont explosé depuis la prise du pouvoir par Ronald Reagan en 1980 et le retour en force du soi-disant ultra-libéralisme économique? Est-ce que les bénéfices des sociétés américaines ont grimpé à une vitesse supérieure, confirmant ainsi la dictature du profit (et de l’Amérique) à l’échelle de la planète? Réponse: pas du tout. La croissance des profits des entreprises entre 1979 et 2002, nette d’inflation, a été d’un mirobolant 3,4 %. Certes, le rendement net des actions des sociétés cotées en Bourse a été de 13 % par année durant la même période, mais ce n’était qu’un rattrapage normal par rapport à la période creuse qui a duré du milieu des années 60 jusqu’au début des années 80, avec à la clé un rendement annuel moyen des actions de 0 %, ce qui pour les investisseurs et les capitalistes de tout acabit est un véritable hiver nucléaire.
L’essentiel du plaidoyer de Viviane Forrester consiste à dire que plus les profits grimpent, plus le chômage et les mises à pied sévissent. Si elle prenait la peine de regarder ailleurs qu’en France (où l’État est peut-être le problème), elle observerait qu’au Canada, aux États-Unis et dans la très grande majorité des démocraties libérales, c’est exactement le contraire qu’on observe. Au Canada en 2000, pendant que les profits des entreprises atteignaient un niveau record, l’économie canadienne créait 310 000 nouveaux emplois, compensant amplement pour les emplois supprimés. Aux États-Unis, le lien de cause à effet entre croissance des profits et baisse du chômage était plus fort encore.
Remontez aussi loin que vous le voulez depuis que l’on tient des statistiques sur le sujet dans les pays de l’OCDE, et vous vous apercevrez qu’il y a une corrélation étroite entre les profits des entreprises et la bonne santé du marché du travail: plus les profits montent, plus le chômage baisse; et plus les profits baissent, plus le chômage monte. Les spécialistes du marché du travail ont beau chercheur un troisième facteur qui interviendrait dans cette corrélation, ils n’en trouvent pas. Quant aux chefs d’entreprise, il n’y a pour eux aucun mystère là-dedans: lorsque les affaires vont bien et que les profits grimpent, ils ont besoin de main-d’?uvre additionnelle pour répondre à la demande des consommateurs. Question de simple bon sens.
La démagogie qu’on ne se lasse jamais de faire sur le dos du concept de profit n’a rien de bien nouveau. Elle est trop tentante et percutante pour la laisser tomber. Comment se passer d’un tel instrument de propagande quand un large public cultive encore le préjugé à l’effet que le profit est le résultat de l’exploitation des travailleurs et des consommateurs? Personne ne voit de connotation positive dans le mot «profiteur». Connaissez-vous un «profiteur» qui soit sympathique et que vous aimeriez avoir comme ami?
Pour sortir de tout ce folklore d’idées fausses et simplistes, il faut s’initier aux travaux des économistes qui ont formé ce qu’on appelle l’école autrichienne en science économique. De brillants esprits tels Ludwig von Mises et le prix Nobel Friedrich Hayek nous ont montré que le marché, les prix, la concurrence et le profit sont autant de mécanismes permettant la création, la diffusion et la combinaison d’un vaste réservoir d’informations et de connaissances, dispersées parmi des milliers, voire des millions d’acteurs économiques. Le marché, par exemple, n’est pas seulement un lieu anonyme où s’échangent des biens et des services. C’est d’abord et avant tout un système générateur de messages qui assure la coordination la plus optimale possible des décisions et projets individuels. La fonction essentielle des prix est moins de mesurer la valeur des choses que de faire circuler des signaux nécessaires et suffisants sur les besoins en présence (la demande), et les ressources disponibles pour la production des biens et services pouvant les combler. Le concept de concurrence a moins à voir avec le nombre de producteurs sur un marché qu’avec ce que Hayek appelle un «processus de découverte». Lorsqu’il y a concurrence, c’est-à-dire liberté d’entrer sur un marché, chaque producteur est incité à être moins ignorant que les autres, mieux pourvu en savoir-faire et en informations sur les besoins du marché afin de faire mieux que les autres, prendre sa place et vendre aux acheteurs des produits moins chers ou plus aptes à les satisfaire.
Le profit, quant à lui, n’est ni un dictateur ni une maladie mentale. Il a aussi son rôle à jouer dans une société libre et ouverte. Il agit comme une sorte de signal qui dit aux producteurs quoi faire et quand le faire pour satisfaire une demande particulière des consommateurs. Quel est le message que nous envoie une compagnie qui réalise des profits spectaculaires? Tout simplement que la production n’arrive pas à satisfaire la demande. S’il n’y a qu’un seul producteur présent sur le marché, il se servira de ces profits exceptionnels pour investir dans de la machinerie, embaucher des travailleurs, commander des marchandises à ses fournisseurs, etc. Le profit est un relais d’information tellement puissant qu’il poussera d’autres firmes aux marges plus modestes à modifier leur production pour s’accaparer une part de ce qui semble être un marché lucratif. Tant et si bien que pour la quasi-totalité des entreprises dan un marché libre, des profits extraordinaires sont l’exception plutôt que la règle.
Ces considérations vous semblent peut-être bien théoriques. En réalité, elles sont loin de l’être. Rappelez-vous la démonstration du chapitre 4: les compagnies extraordinaires du point de vue de la croissance de leurs profits ne figurent pas très longtemps dans les palmarès des magazines financiers. Le profit n’est pas un dictateur. Le profit n’est qu’un modeste messager, parmi plusieurs autres en économie de marché (les prix, la concurrence, etc.), permettant à des acteurs sociaux anonymes de coordonner leurs actions, leurs connaissances et leur savoir-faire, sans même être obligés de se parler, de se rencontrer, de débattre ou de se concerter. Staline, Mao, Castro et Kim Jong-il sont (ou ont été) des dictateurs. Le profit n’a jamais eu de telles ambitions.
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