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L’inéxorable déclin économique de la France : perspectives historiques

L’apogée de la puissance française prend fin avec la Guerre de Sept ans (1756-1763), laquelle permet à l’Angleterre de conquérir le premier empire colonial. Ce rappel place le déclin relatif de la France dans la longue durée. Un déclin qu’il convient d’intégrer dans toutes ses dimensions et toutes les nuances, à l’image du nouveau livre de Maffei et Amenc (1). 408 pages à lire absolument.

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L’apogée de la puissance française prend fin avec la Guerre de Sept ans (1756-1763), laquelle permet à l’Angleterre de conquérir le premier empire colonial. Ce rappel place le déclin relatif de la France dans la longue durée. Un déclin qu’il convient d’intégrer dans toutes ses dimensions et toutes les nuances, à l’image du livre de Maffei et Amenc*, professeurs à l’EDHEC. 408 pages à lire absolument.

La décélération est à l’image d’autres pays industrialisés: le taux de croissance est tombé de 5,6% (années 60), puis 3,4% (années 70), 2,6% (années 80), 2,0% (années 90) et 1,5% de 2000 à 2005 1,5%. Mais la notion de déclin n’est pas réductible au PIB.

La thèse de Maffei et d’Amenc consiste à mettre en lumière le rôle clé de «l’inefficience quasi permanente de l’intervention publique». Napoléon assigna à l’Etat un rôle de veille technologique: «Ne pas permettre qu’une seule idée lui échappe». Un échec programmé. Première nation scientifique autour de 1800, la France était surclassée un siècle plus tard. Le grand bénéficiaire de la première révolution industrielle (énergie, transport, métallurgie, textile) est le Royaume-Uni. Celui de la deuxième révolution industrielle (électricité, mécanique, chimie) sera l’Allemagne, laquelle dépasse la France à cette occasion.

Ce dernier quart de siècle, la France souffre de désindustrialisation, mais de facto elle n’a jamais vraiment connu la civilisation industrielle. L’échec des politiques de réindustrialisation et l’incapacité à susciter la création de nouvelles activités innovantes a «décrédibilisé la technostructure d’Etat et la notion même de politique», selon Maffei et Amenc. Pour le citoyen, «l’Etat n’est plus perçu comme un démiurge hégélien».

La politique industrielle n’a que retardé l’évolution inévitable des secteurs obsolètes. Elle a soutenu presque exclusivement les grandes entreprises et empêché la France d’avoir ce tissu de PMI qui constituent le fondement de la puissance économique allemande.

Car l’Etat ne peut anticiper les innovations. Par nature il n’est pas un entrepreneur. La France a tardé à le comprendre et le paie cher. La croissance ne se décrète pas. L’échec de la politique de nationalisation en 1981, huit ans avant la chute du Mur, montre ce décalage des élites avec la réalité.

Certes la croissance est solide après 1945. Mais les Trente Glorieuses ne résultent que d’un effet de rattrapage qui ne remet pas en cause les hiérarchies et une politique plus libérale. Depuis le sommet de 1975 (crise pétrolière), la France reprend son déclin. Elle est pénalisée tant par une tertiarisation accélérée et un chômage structurel élevé que par une forte adaptation de son appareil de production aux logiques de la mondialisation. Elle subit aussi le contrecoup des difficultés allemandes liées à la réunification, et n’avance que lentement vers la société de la connaissance. Puissance moyenne, elle occupe aujourd’hui le 21e rang mondial en termes de PIB.

«Le bonheur d’une nation n’est rien d’autre que la somme des malheurs auxquels elle a échappé», selon les auteurs. Or l’histoire française est tributaire des événements qui ont «surdéterminé sa trajectoire». Les responsabilités sont partagées: l’impuissance des politiques, les dysfonctionnements de l’Europe, la restructuration du système financier et la stratégie des grandes entreprises.

En France, les secteurs les plus compétitifs (aéronautique, armement, nucléaire, construction) sont souvent des excroissances du complexe étato-industriel. Mais ce modèle, celui des champions nationaux, réceptacles de l’essentiel des aides, est révolu à l’heure de la mondialisation.

Le grave problème d’endettement public est un autre frein au développement. Or s’il n’est initialement que la conséquence du ralentissement, il en devient la cause lorsque son montant est important, selon les auteurs. Or la protection sociale est en crise. Au-delà du découplage croissant entre les droits et la capacité contributive, c’est la traduction nationale de l’échec de l’idéal social-démocrate.

Le capitalisme français a suivi une trajectoire liée à la géopolitique. La forte concentration des patrimoines en 1900 résulte de presque un siècle de paix et d’accumulation de capital en franchise d’impôt. La Grande Dépression et deux guerres permettent à l’Etat de se substituer à l’initiative privée. En France, cet interventionnisme rappelle sa puissance au temps du colbertisme. Pourtant Colbert n’a satisfait que les désirs du roi et n’a pas amélioré les conditions de vie de la grande majorité.

Puissance moyenne, le rêve de grandeur se traduit par des dépenses publiques supérieures aux petits pays. Finalement, «le coût de la grandeur française est imputé sur le niveau de vie des populations».

La France a cru survivre à la perte de son empire en prenant la tête de deux ensembles géopolitiques, la francophonie et de l’Union européenne. Mais sans succès. L’avenir de la France sera-t-il européen? L’UE n’est ni la cause de son déclin ni la solution à ce destin funeste, selon les auteurs. L’Union européenne a achevé sa mission historique: enfermée dans des routines bureaucratiques, ses réformes ne sont qu’un «compendium de truismes et de poncifs vertueux».

La France doit faire le deuil de ses illusions. Sa taille moyenne ne lui permet ni de mener des stratégies de «free riders» à l’instar des petits pays, ni d’atteindre la taille critique.

Les auteurs, iconoclastes, recommandent à la France de se rapprocher du modèle industriel japonais pour se transformer progressivement en économie de la connaissance. Le modèle japonais est relativement économe en ressources sur un territoire exigu expliquent-ils. C’est un pari sur une croissance sobre et sur «le messianisme technologique».

*L’impuissance publique; le déclin économique français depuis Napoléon, Benoît Maffei et Noel Amenc, Economica, 408 p.

Emmanuel Garresus (le Temps)

  ET TOUJOURS D’ACTUALITE :

http://leblogalupus.com/2009/05/22/les-preuves-du-comportement-antisocial-immoral-et-irresponsable-des-etats-francais-et-allemands/

EN COMPLEMENT INDISPENSABLE LES 2 RECENTS BILLETS DE L’INESTIMABLE  JEAN PIERRE CHEVALLIER :

L’anticapitalisme des Français : http://www.jpchevallier.com/article-32634599.html

On coule discrètement et en douceur : http://www.jpchevallier.com/article-32557063.html

17 réponses »

  1. je vous conseille aussi l’excellent livre de Nicolas Baverez, « la France qui tombe », qui relie également nombre de nos problèmes actuels à la révolution.

    • Merci Yann, nous avons je vois les mèmes valeurs 🙂
      Jacobins contre Montagnards, Etat Centralisateur contre Fédération des régions…Démocratie représentative contre Démocratie locale….On en est toujours pas sorti…
      Et je me dis que sur beaucoup de points l’exemple de nos amis helvétiques devrait nous inspirer….au lieu de passer notre temps à chercher comment leur « piquer leur pognon »

    • bonjour, le déclin économique est important mais que dire du déclin d’aujourd’hui, idéologique, philo-sociologique de l’identité Française, Date -t-elle de la fin du moyen âge comme le suggère René Guénon, de la révolution comme le précise Joseph de Maistre, ou de Mai 68 pour être au plus près de nous, mais en ce 11 novembre, qui ressent encore la croyance, la force des hommes qui sortaient des tranchées et mourraient pour une idée de grandeur partagée de leur France?


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  2. On oublie l’aspect religieux.

    Par la révocation de l’édit de Nantes téléguidée par L’Eglise catholique et opérée par Louis XIV la France amorce sa descente aux enfers obscurantiste.

    Les persécutions qui l’accompagnent soulèvent l’indignation de l’opinion internationale. En Hollande, la perte de prestige de la France favorise l’arrivée au pouvoir de Guillaume d’Orange, qui, avec l’aide d’officiers huguenots, arrache ensuite le trône d’Angleterre au catholique Jacques II. Pour l’historien Philippe Joutard, “ il n’est pas douteux que la politique protestante de Louis XIV soit l’une des causes principales du renversement de Jacques II et de la formation de la ligue d’Augsbourg. Des événements qui marquent un tournant dans l’histoire européenne, préludant au remplacement de l’hégémonie française par l’hégémonie anglaise ”.

    L’historienne Élisabeth Labrousse rappelle que les émigrés huguenots étaient majoritairement des “ personnes jeunes, de sexe masculin, sujets entreprenants, énergiques et d’un exceptionnel aloi moral ”. Parvenue à l’apogée de sa puissance, la France perd ainsi des travailleurs qualifiés dans de nombreux métiers. “ Des biens, des fortunes et des techniques ” passent à l’étranger.

    • Merci pour cet indispensable complément très interessant…
      En écho à Max Weber qui popularisera en son temps le concept en l’introduisant dans le domaine économique..

      • Effectivement. Et à ce propos Alain Peyrefitte dans son livre « Le Mal Français » y fait allusion aux pages 144 et 147. Un livre que l’on devrait ressortir des tiroirs pour tenter d’élargir l’esprit de nos jeunes têtes blondes si tant est que l’on puisse encore reconstruire quelque chose dans ce pays.

  3. @ lupus et Yann
    à rapprocher aussi et à lire « les deux républiques françaises » de Philippe Nemo ,

    Merci à Lupus pour cet excellent billet,

    • Merci H2O ne connaissant pas cette ouvrage,je vais m’attelé à sa lecture. Il me semble juste qu’en son temps les médias avaient juste balayés le tout en créant un fourre tout bien arrengeant nommé « décliniste »….
      Préférant s’attader sur le pseudo déclin de l’empire US maintes fois annoncé jamais prouvé par Emmanuel Todd ou toujours dans le mème registre s’attarder sur les divagations sur l’empire romain de cet extrémiste de gauche ( ex leader du PSU) et nain intellectuel nommé Michel Rocard….

  4. Ce M. Todd est un rigolo proprement incompétent en économie (et pas que là d’ailleurs) qui laisse avant tout parler son dogmatisme marxiste! Rien à en attendre donc sinon le vide de la pensée qui se croit supérieure à toute autre…

    Dans un registre un peu différent mais d’une certaine façon complémentaire, je vous conseille le livre de Martin Malia sur la révolution (traduit de l’américain): passionnant!

    Pour ce qui est de la fuite des forces vives de notre pays, il est tout de même étonnant qu’aussi peu de gens se préoccupent de son actuel accroissement (depuis 10 ans au moins); j’ai lu des chiffres proprement inquiétants surtout quand on les met en parallèle avec ceux de l’immigration!

    • C’est peut ètre qu’au final et malgré la floraison de supports médiatiques de toute nature,l’information tout comme la monnaie ne circule pas en France aussi bien qu’elle le devrait pour libérer à la fois et l’économie, et les esprits…
      Merci de votre conseil de lecture je vais tacher de me procurer l’ouvrage en question….

  5. Trop d’informations nuit à l’information… on ne sait plus où regarder…

    Je suis bien heureux de pouvoir vous faire découvrir un petit quelque chose, à vous qui me permettez de découvrir tant sur des questions et domaines qui ne me sont de prime abord pas familiers, qui me permettez de sortir du cadre totalitaire de la pensée unique et réductrice dans lequel se complaisent un nombre si importants de gens…

  6. Pour nuancer tous ces propos, je vous conseille à tous l’ouvrage récente d’histoire économique de Jacques Marseille, L’Argent des Français. Il montre clairement comment en termes de revenus et en termes de patrimoine, les pahses de développement et celles de stagnation, voire parfois d’érosion se succèdents, et comment les inégalités sur longue période, ont plutôt tendance à se réduire. Nous sommes depuis 1995 dans une phase de stagnation, et depuis 2007 d’érosion, très favorable à la floraison de thèses déclinistes. MAis celles-ci ont un caractère conjoncturel. Mais si les gars… on va s’en sortir…
    Pour mémoire, la première thèse décliniste connue date du 5ème siècle avant JC à Athènes…Depuis, on a quand même bien progressé, au moins en termes d’espérance de vie et de condition féminine.

    • Même si j’aime bien Jacques Marseille et que son dernier ouvrage est en effet tout à fait recommandable…Il faudra cependant autre chose que de la bonne volonté et quelques réformettes de façade pour changer le cours de l’histoire…Enfin comme on dit aux doux rêveurs et aux innocent(e)s les poches vides…C’est d’ailleurs avec une impatience non feinte que j’attend les derniers développement du féminisme version burka….

  7. Vos élucubrations sur Emmanuel Todd sont hallucinantes.
    Pour ce qui est de son supposé marxisme, je vous renvoie à ses deux premiers ouvrages, La Chute Finale (1976) sur l’effondrement à venir de l’Union Soviétique, et Le Fou et le Prolétaire (1979), analyse psychiatrique du totalitarisme, et en particulier du marxisme. Bonne lecture.

    • Visiblement l’abus de substances illicites version Todd est dangereux pour la santé : développement d’hallucinations permanentes chez certaines patientes atteintes de condescendance toddéite aigue… 🙂

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