Marché Obligataire

Jean Pierre Petit :Tensions pétrolières et investissement

Directeur de la recherche économique et de la stratégie d’ Exane-BNP Paribas jusque fin 2008, Il a été auparavant (1995-1999) adjoint au directeur des études économiques de la BNP, adjoint de direction à la Banque de France et consultant pour le Fonds monétaire international (1986-1994). Il est diplômé de Sciences Po Paris, détient une maîtrise en droit et est titulaire d’un DEA d’économie internationale. Jean Pierre Petit est l’auteur de plusieurs ouvrages dont, La finance, autrement (en collaboration, Dalloz, 2005).Aujourd’hui devenu stratégiste de marché indépendant il continue de collaborer  de manière régulière à divers revues et journaux économiques et financiers. Voici le 3ème billet d’une série qui lui est consacrée

Tensions pétrolières et investissement

PLUS DE DETAILS EN SUIVANT :

 

JEAN-PIERRE PETIT*

Certes, les tensions pétrolières récentes peuvent constituer un vecteur légitime de consolidation du marché actions après le fort rally que nous avons connu depuis 3 mois. Mais le pétrole plus cher (aux cours actuels) n’est pas nécessairement négatif à moyen terme, même après prise en compte de l’impact (modérément) restrictif sur le redressement économique mondial et de la (possible) hausse de la prime de risque. Le redressement des perspectives bénéficiaires, le bas niveau des taux et le poids élevé du secteur énergétique (ainsi que des utilities) dans les indices contrebalancent l’effet négatif.

Sur le S&P500, le poids des secteurs «gagnants» (énergie et utilities) prédomine largement celui des secteurs perdants (construction, transport, automobile, chimie). Si l’on isole 5 phases de fortes tensions pétrolières depuis 10 ans (début 1999-septembre 2000, décembre 2001-mars 2003, avril 2003-octobre 2004, janvier 2005- août 2006, janvier 2007 à juillet 2008, février à juin 2009), on observe que la performance relative actions/obligations est positive quatre fois sur six.

Les variables-clé à chaque étape semblent pour nous le niveau d’aversion au risque, la valorisation absolue des actions et l’écart du taux long par rapport au taux long d’équilibre. L’arbitrage devrait donc être favorable aux actions, si, tant est que la hausse des prix pétroliers reste graduelle.

L’impact sectoriel sur le marché actions est à nuancer en fonction des couvertures, du dollar et des autres variables déterminantes sectorielles (momentum des BPA, valorisation, …). Les secteurs négativement affectés sont a priori les transports, la construction, la chimie, l’automobile et les équipementiers automobiles. Les secteurs positivement favorisés sont l’énergie et les utilities (et plus encore les services pétroliers).

Mais l’expérience des fortes tensions  pétrolières montre qu’une stratégie Long-short secteur pétrolier contre construction et chimie est efficace.

Sur le plan géographique, le pétrole cher est plutôt un vecteur de surperformance (en monnaie locale) du marché actions américain vis-à-vis du marché européen.

Pourquoi?

Le choc pétrolier est d’abord a priori un facteur plutôt baissier pour le dollar (creusement du déficit extérieur américain, diversification des pétrodollars vers les actifs européens, politique monétaire durablement plus expansionniste aux États-Unis face au choc pétrolier, …). Ajoutons que le poids des «secteurs perdants» est plus important en Europe qu’aux États-Unis. Au sein du marché européen, le choc est a priori plus favorable au Footsie (poids important du secteur énergétique) qu’à l’Eurostoxx.

Au sein des marchés émergents, on peut s’appuyer sur les marchés émergents à forte pondération énergétique (la Russie étant le candidat naturel) à l’encontre des marchés à faible pondération (marchés asiatiques).

Quant au marché obligataire, la hausse du prix du baril peut dans un premier temps constituer un facteur de correction après une période exceptionnelle marquée par une forte aversion au risque.

Mais, aussi paradoxal que cela puisse paraître, la poursuite des tensions pétrolières devrait constituer au-delà un facteur a priori plutôt favorable pour les obligations en raison des anticipations à la baisse en termes de croissance et de politique monétaire aux États-Unis, sachant que l’impact proprement inflationniste du choc est structurellement limité. N’oublions pas que la Fed s’appuie plus sur l’inflation sous-jacente américaine que sur l’inflation headline. Surtout, la dynamique des flux des pays exportateurs permet aussi aux taux longs nominaux de rester à un bas niveau (sachant que la structure par actif des banques centrales et des fonds souverains pétroliers privilégie encore les obligations publiques au détriment des actifs risqués).

Enfin, le pétrole cher est créateur de performance quant à la stratégie devises. On peut ici jouer les parités bien corrélées au prix du baril (couronne norvégienne contre dollar et euro, dollar australien contre dollar et euro, dollar canadien contre dollar américain) à l’encontre du panier de devises représentatif de la valeur multilatérale du dollar et de l’euro. N’oublions pas que le change est un vecteur riche d’allocation d’actifs (marché des changes liquide et diversifié, décorrélation relative par rapport aux autres marchés d’actifs,….).

* Stratégiste de marché

BILLET PRECEDENT CONSACRE A JEAN PIERRE PETIT :

http://leblogalupus.com/2009/05/23/jean-pierre-petit-europe-decadente-et-quantitating-easing-a-leuropeenne/

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