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Formation Financière : Le risque d’être un investisseur « valeur »

Les stratégies valeur offrent des rendements supérieurs aux stratégies croissance, à condition d’avoir un horizon de placement de 12 mois.

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Un investisseur réputé avait l’habitude de débuter ses conférences en exhibant à l’auditoire un vase transparent contenant quelques centaines de billes. Il demandait ensuite à chaque personne combien de billes, à vue d’œil, trouvait-on dans le vase. Après avoir compilé les réponses de chacun, il en faisait la moyenne. Or, cette moyenne était toujours étonnamment proche du nombre exact de billes dans le vase. En fait, cette moyenne constituait une meilleure évaluation que 80 % des estimations données par chacun des participants.

La leçon de ce petit jeu, pour les investisseurs, est bien simple, disait notre conférencier : le résultat agrégé ou collectif de certaines décisions individuelles est parfois meilleur que la grande majorité de ces décisions prises séparément.

Appliqué au marché boursier, ce principe signifie que le prix d’une action n’est rien d’autres que la moyenne d’un ensemble d’évaluations individuelles. Parmi ces évaluations, il y en a toujours qui sont exagérées, aussi bien vers le haut que vers le bas. Certains investisseurs accordent un prix beaucoup trop élevé à un titre, tandis que d’autres lui donnent un prix nettement trop bas.

Mais ce qui compte en bout de ligne, c’est la moyenne. C’est pourquoi, de ce point de vue, le marché boursier est très efficient. Le prix d’un titre s’établit non pas sur les évaluations extrêmes, mais bien sur les évaluations qui constituent une sorte de moyen terme ou d’équilibre entre les extrêmes.

Est-ce que la métaphore du vase de billes décrit bien le fonctionnement du marché boursier et le mécanisme de fixation du cours des actions ? Je dirais oui et non. Oui, parce que l’offre et la demande sont comme deux moyennes qui s’ajustent l’une à l’autre pour rendre les transactions possibles. C’est ce qui permet aux marchés financiers d’être relativement rationnels et efficients.

Est-ce à dire que les marchés boursiers sont à ce point efficients qu’il vaut mieux abandonner tout effort en vu de battre les indices, et se contenter d’investir dans les fonds indiciels ? N’y a-t-il pas des stratégies meilleures que d’autres pour surpasser le marché ?

Bien sûr qu’il y en a. Le meilleur exemple nous en est donné lorsqu’on compare les stratégies dites de valeur par rapport aux stratégies dites de croissance.

Supériorité de l’école valeur

On ne compte plus les études, depuis 20 ans, qui montrent que les titres ayant de faibles multiples boursiers (bas ratio cours/bénéfices, bas ratio cours/ventes, bas ratio cours/valeur comptable, etc.) performent beaucoup mieux que les titres ayant de forts multiples de valorisation boursière. Ainsi, les titres qui ont de bas multiples cours/bénéfices (le dernier décile quand on divise tous les titres en 10 catégories) ont battu le marché par une marge de rendement de 3 % à 5 % par année depuis 1920. À l’opposé, les titres qui possèdent de hauts multiples cours/bénéfices (le premier décile) ont réalisé des rendements annuels d’au moins 5 % inférieur à ceux du marché depuis 1920.

Une étude de Fama et French (1998) auprès d’une douzaine de grands marchés boursiers de la planète (Etats-Unis, Japon, Angleterre, France, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Belgique, Suisse, Australie, Hong Kong, Singapoure) et couvrant la période 1975-1995, a montré que les titres de valeur performent beaucoup mieux que les titres de croissance. Seul pays à faire exception : l’Italie.

Les théoriciens des marchés efficients comme Fama et French ont une réponse toute faite pour expliquer ce qui a l’apparence d’une anomalie, mais qui n’en est pas une : les titres de valeur donnent de meilleurs rendements que les titres de croissance parce qu’ils sont plus risqués. Ce sont des compagnies plus susceptibles de connaître des problèmes financiers que les compagnies en plus forte croissance. De ce point de vue, on a rien pour rien. Vous pouvez être un investisseur valeur si vous le voulez, mais à vos risques et périls. En d’autres termes, les rendements excédentaires que vous obtenez ne se font pas sans risques supplémentaires.

Pas besoin de vous dire que cette hypothèse à l’effet qu’il y a un risque plus grand à être un investisseur de type valeur ne fait pas l’unanimité dans la communauté scientifique.

Les professeurs Lakonishok, Shleifer et Vishny (1994) ont voulu en savoir plus long sur cette hypothèse, en testant le comportement des titres de valeur et des titres de croissance lorsque les marchés connaissent de très mauvaises périodes, ou encore lorsque le PIB est en faible croissance, voire en décroissance. Si on croit que les titres de valeur sont plus risqués que les titres de croissance, ils devraient donner de moins bons rendements que ces derniers lors des périodes économiques et boursières difficiles.

Or, ce n’est pas du tout le cas. Quand les marchés boursiers corrigent fortement et que l’économie roule au ralentie, les titres de valeur donnent toujours de meilleurs rendements que les titres de croissance.

La valeur, mais à court terme

Plusieurs investisseurs d’expérience pourraient vous dire que la chasse aux aubaines les plus extraordinaires du marché comporte des risques non négligeables. Et ces risques ont moins à voir avec l’état de l’économie ou la déprime des marchés boursiers, qu’avec l’horizon de placement qu’on adopte lorsqu’on décide d’être un investisseur de l’école valeur.

Dans son livre Investir à la bourse et s’enrichir, Bernard Mooney relate son expérience d’investisseur en disant qu’un chasseur d’aubaines à succès peut difficilement détenir ce genre de titres à long terme. Un chasseur d’aubaines « extrême » réussira à faire de l’argent s’il conserve ce genre de titres moins d’un an. « Je comprends aujourd’hui que ces placements qui m’ont rapporté, dit-il, étaient des investissements très médiocres. Dans la plupart des cas, j’ai fait de l’argent par pur hasard (…) Je n’ai fait que profiter de soubresauts boursiers à court terme. Comme j’achetais des titres déprimés, certains rebonds étaient inévitables. Même les pires dindes peuvent rebondir ! En fait, j’ai fait de l’argent parce que je n’étais pas un investisseur à long terme » (p. 49).

Spécialiste des compagnies de petite taille, Mooney raconte que la fin des années 1990 n’a pas été une période facile pour les investisseurs versés dans les petites capitalisations dont le titre est déprimé : « J’ai donc observé avec grand intérêt et avec des frissons le sort que le marché boursier a réservé à mes bons coups des deux années précédentes. Presque tous – avec peu d’exceptions – ont été massacrés; certains ne reviendront jamais, même plusieurs années plus tard » (p. 52).

La firme de gestion de portefeuilles Brandes de San Diego a mené il y a quelques années une étude sur les compagnies dont l’action a chuté d’au moins 60 % en moins de 12 mois (leur échantillon couvrait la période 1986-2002). Or, 13 % de ces compagnies ont fait faillite moins de 3 ans après avoir connu leur forte correction boursière.

Les économistes et universitaires de la finance devraient s’inspirer de l’expérience de Bernard Mooney et de certains autres investisseurs de l’école valeur afin de mieux comprendre les rendements anormaux que procurent les stratégies de type valeur. Ils découvriraient sans doute que ces titres sont effectivement plus risqués, surtout quand on les détient pour une période de plus d’un an. Si, en revanche, on ne dédaigne pas transiger et détenir des titres pour une courte période de moins de 12 mois, les stratégies valeur ne sont pas plus risquées que les stratégies croissance.

Les stratégies valeur offrent des rendements nettement supérieurs aux stratégies croissance, à condition d’avoir un horizon de placement d’environ 12 mois. Les meilleurs approches valeur sont incompatibles avec une philosophie de « buy and hold » (acheter pour conserver). Un Warren Buffett connaît du succès avec ses placements à long terme, parce qu’il n’hésite pas à payer un juste prix pour des compagnies extraordinaires. Il n’a jamais fait l’acquisition d’une compagnie exceptionnelle à un prix dérisoire.

Références : Louis K.C. Chan et Josef Lakonishok, “Value and growth investing : Review and update”, Financial Analysts Journal, janvier-février 2004.

Eugene Fama et Kenneth French, “Value versus growth: The international evidence”, Journal of Finance, décembre 1998.

Chronique d’André Gosselin, chercheur Canadien  parue dans F and I

EN COMPLEMENT INDISPENSABLE : Formation Financière : Value contre/avec Growth (cliquez sur le lien)

Du bon usage de la « Shareholder value » (cliquez sur le lien)

DE LA THEORIE A LA PRATIQUE : AVEC MES AMIS DES DAUBASSES  http://lesdaubasses.blogspot.com/ (cliquez sur le lien)

4 réponses »

  1. Je laisse une piste, comme quoi tout ne va pas bien à l’USA.

    Savez-vous ce qu’est FDIC.

    FDIC est lui même en phase de ‘faillite’ depuis que Colonial Bank est en faillite (CB n’est pas le problème).

    Ne cherchez pas l’info en France, mais aux USA et vous allez avoir les yeux tout drôles…

    Federal Deposit Insurance Corporation FDIC

    – Colonial Bank
    – Guaranty Bank
    – …

    Voila du concret…

    Cela vous n’en parlerais pas dans votre blog. Car ici se n’est pas de la destruction créatrice, mais que de la destruction tout court.

    Bonjour chez vous

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