Douce France

France : La folie des grandeurs dure depuis trente ans….

«Je suis à la tête d’un Etat en situation de faillite sur le plan financier, je suis à la tête d’un Etat qui est depuis quinze ans en déficit chronique. Ça ne peut pas durer.»

Chronique d’une décadence annoncée…

PLUS DE DETAILS EN SUIVANT:

Il y a tout juste deux ans, François Fillon, tenait ces propos, une «image» pour marquer les esprits. Or ce qui frappe, depuis, c’est que rien ne change. Bien sûr la crise économique a plombé les recettes publiques et accru ses dépenses, selon l’action connue des stabilisateurs automatiques. Cependant, il s’agit là de l’aspect conjoncturel.

Structurellement, la France est incapable de véritable choix budgétaire (dans l’armée? dans la santé?) pour assainir ses finances. Le dernier budget voté à l’équilibre remonte au temps de Raymond Barre, en 1980. Le dernier excédent date de 1974.

Cette incapacité à maîtriser ses dépenses fait de la France une exception européenne. Difficile, dans ces conditions, de souscrire au prochain emprunt Sarkozy, peut-être jusqu’à 100 milliards d’euros, censé faire émerger de «nouvelles sources de croissance». On ne peut qu’y lire le dernier acte d’une folie des grandeurs qui dure depuis bientôt 30 ans.

Déficit public record en France

Le gouvernement va présenter mercredi un budget 2010 révélant un trou de 140 milliards d’euros et de 115 milliards en 2010. Refusant d’augmenter les impôts ou de trancher dans les dépenses, il espère dans le retour de la croissance pour stabiliser ces déficits

Les promesses d’assainissement des finances publiques par le candidat Sarkozy lors de la campagne du printemps 2007 appartiennent à une autre ère. Celles des mois précédant les premiers craquements d’une crise financière – puis économique – planétaire.

Deux ans et demi plus tard, son gouvernement se trouve forcé d’annoncer un déficit record. Le projet de budget présenté mercredi en Conseil des ministres révélera une brèche de 140 milliards d’euros cette année, et d’au moins 115 milliards l’an prochain. En 2009, la moitié des dépenses de l’Etat français sera donc financée à crédit. L’impact catastrophique du ralentissement de l’activité et du chômage sur les recettes fiscales – auquel s’ajoutent la facture du plan de relance et le «trou» de la sécurité sociale – pousseront le déficit à 8,2% du produit intérieur brut (PIB). Du jamais vu, même durant la dernière récession en 1993.

Pas de marge de manœuvre

L’Hexagone est loin d’être le seul à afficher une telle dégradation de ses comptes publics. Le Royaume-Uni se débat avec un déficit atteignant 13% de son PIB, celui de l’Espagne devant atteindre 9,5% cette année.

Contrairement à Londres, Paris ne prévoit pas de coupes sombres dans ses dépenses, mesures impopulaires et risquant à ses yeux d’étouffer la reprise: en dépit du non-remplacement de 34 000 fonctionnaires, celles-ci resteront stables en 2010. Et à la différence du gouvernement socialiste espagnol, l’Elysée ne peut se résoudre à des hausses d’impôts qui viendraient balayer les promesses de son hôte. Ces difficultés budgétaires très concrètes, expliquent également la violence de la guerre déclarée aux fraudeurs disposant de comptes en Suisse dans laquelle s’est lancée son ministre du Budget, Eric Woerth.

Plus de 80% d’endettement

Interrogé par le Journal du Dimanche, le premier ministre François Fillon a indiqué qu’en 2010, le gouvernement ne pourra faire mieux que de «stabiliser les déficits». Analyste crédit au sein de Standard & Poor’s à Londres, Marko Mrsnik, estime «qu’il sera très difficile d’atteindre cet objectif, ne serait-ce qu’en raison de la lenteur du retour de la croissance ou de la poursuite de la hausse du chômage». Ce dernier salue cependant «certaines mesures pouvant contribuer à un assainissement des finances – si la croissance revient – comme la règle de ne plus augmenter les dépenses en volume».

Durant les années à venir, le déficit va continuer de souffler dans une dette déjà préoccupante. Celle-ci enflera à 78% du PIB cette année et dépassera les 80% en 2010. Ces difficultés ne sont pas non plus l’apanage de l’Hexagone. Mais une particularité marque cette spirale française. Contrairement à ses voisins d’Europe du Nord, le pays n’a pas connu de budget à l’équilibre depuis 1980. Le déficit atteignait 0,1% du PIB, la dette se limitant à 20% des richesses produites cette année-là. Une autre ère.

Source le temps sep09

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la glissade budgétaire se confirme AFP sep09

 Le déficit avait déjà dépassé en 2008 les limites fixées par les instances européennes (3%) en enflant à 3,4%, mais rien de comparable avec le constat 2009. En juin dernier, le Ministre du Budget Eric Woerth avait déjà évoqué la barre des 7 à 7,5% du PIB, du fait de l’augmentation de la dette publique, sous l’effet des mesures de relance, et de la faiblesse des recettes sociales et fiscales engendrées par la crise économique. Une économie finalement un peu plus solide que prévu, le gouvernement a tout récemment rehaussé ses projections, n’y fera rien.

Et 2010 ne sera guère plus favorable au budget, avec une « stabilisation » attendue dans cette zone des 8%, selon une source gouvernementale citée par le quotidien. Jusque-là, la stabilisation évoquée ressortait plutôt autour de 7,5%, tandis que Bercy visait en juin dernier une réduction dans la fourchette « 6,5 à 6% » en 2011 puis « 5,5 à 5% » en 2012, des objectifs qui seront sans doute très compliqués à atteindre. La France n’est pas isolée dans ce cas. En Europe, le bon élève allemand, qui était presque parvenu à équilibrer son budget ces deux dernières années, devrait également dépasser les limites communautaires en 2009 (un niveau de déficit de 4,1% est évoqué) et en 2010. Quant au Royaume-Uni, l’ampleur du déficit devrait largement dépasser celui de l’hexagone cette année (les économistes voient près de 13%).

La Commission Européenne a autorisé les Etats membres à prendre quelques largesses avec le Pacte de Stabilité, pour prendre en compte le contexte économique très difficile des derniers trimestres. Bruxelles a aussi prévenu que la dérogation serait temporaire et que les Etats devraient tout mettre en oeuvre pour renouer avec le cadre antérieur le plus tôt possible. Mais pour l’heure, l’austérité budgétaire n’est pas encore à l’ordre du jour. Les grandes économies mondiales vivent toujours sous perfusion et plusieurs nations ont fait comprendre qu’elles ne cesseraient pas leur soutien à l’économie de si tôt. Dans le camp des partisans d’un retour à la retenue budgétaire, la Chancelière allemande Angela Merkel et les institutions internationales sont bien isolées, même si le Premier Ministre britannique Gordon Brown a fait récemment volte-face devant la dérive budgétaire de son pays, en évoquant un éventuel changement de cap.

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Face à la dette, Nicolas Sarkozy cherche à gagner du temps

LE MONDE | 23.09.09

Un pays, endetté à hauteur de 1 500 milliards d’euros, et qui aura emprunté 700 millions d’euros par jour sur les marchés financiers en 2009, peut-il, sans dommage, s’endetter davantage ? A l’approche du débat budgétaire de l’automne et du lancement, début 2010, de l’opération présidentielle du grand emprunt, cette question taraude plus d’un parlementaire de la majorité.  

Selon les prévisions de la Commission européenne, l’endettement public français passerait de 63,8 % du produit intérieur brut (PIB) en 2007 à 81,5 % en 2010. Soit une hausse de près de 18 points. Il resterait pourtant inférieur à la moyenne de la zone euro. La France ferait mieux que l’Italie, la Belgique ou la Grèce, et un peu moins bien que l’Allemagne (78,1 %).

Est-ce rassurant pour autant ? Rien n’est moins sûr. Car, contrairement à ses voisins européens, la France s’est montrée incapable, depuis une trentaine d’années, de redresser ses comptes publics. Le budget de l’Etat y est déficitaire depuis 35 ans, et les finances sociales sont en pleine dérive.

Cette situation est d’autant plus préoccupante qu’elle s’accompagne d’un niveau de dépenses publiques qui fait de nous les champions européens dans ce domaine, devant les Suédois.

Chaque année, ces dépenses absorbent la moitié de la richesse produite par l’économie française. En 2010, le déficit cumulé de l’Etat, des collectivités locales et de la Sécurité sociale devrait être de l’ordre de 8 % du PIB. La crise et les 26 milliards d’euros – au bas mot – du plan de relance ne suffisent pas à expliquer pareille détérioration des comptes publics.

La France a un double problème : de dépenses et de recettes. Bien qu’elle ait supprimé, selon le président de la République, « 100 000 postes de fonctionnaires en deux ans et demi », elle ne parvient ni à réduire, ni même à maîtriser ses dépenses.

Le respect de la désormais fameuse « règle » du « un sur deux » – le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite – permet à l’Etat d’économiser quelque 500 millions d’euros par an. Cela représente, selon le rapporteur général du budget Gilles Carrez, 1 % du déficit structurel français. On est loin du compte. Pour stopper l’emballement de la dette et éviter qu’un jour elle ne représente 100 % du PIB français, il aurait fallu en 2008 limiter le déficit public à 1,9 % du PIB. Il a atteint 3,4 % cette année-là, avant même que la crise économique ne fasse pleinement ressentir ses effets.

Côté recettes, la situation est encore plus préoccupante. Des baisses d’impôts accordées depuis 2007, le chef de l’Etat espérait un surcroît de croissance. En pleine crise, elles ont surtout compliqué l’équation budgétaire. L’application en 2007 de la réforme de l’impôt sur le revenu décidée un an plus tôt, les baisses d’impôt accordées dans le cadre de la loi TEPA de l’été 2007 (bouclier fiscal, diminution massive des droits de succession etc.), le passage à une TVA à taux réduit dans la restauration et la réforme de la taxe professionnelle représentent un manque à gagner pour l’Etat de 15 milliards d’euros. Le tout a contribué à porter le déficit structurel de la France – celui qui n’est pas lié à la conjoncture – autour de 50 milliards d’euros. Pour y faire face, tout en finançant la partie conjoncturelle de son déficit, liée à la fonte des recettes fiscales, la France devra continuer en 2010 à emprunter sur les marchés financiers des sommes considérables, de l’ordre de 230 à 250 milliards d’euros.

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Gilles Carrez, député UMP du Val-de-Marne, rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale

« Le risque, c’est d’étouffer durablement notre potentiel de croissance »

LE MONDE | 23.09.09

Gilles Carrez est député UMP du Val-de-Marne, rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Il s’inquiète de l’accumulation des déficits depuis trente-cinq ans et presse la France de s’attaquer, dès la sortie de crise, à l’assainissement de ses comptes publics. Il rappelle que l’Allemagne vient d’interdire les déficits structurels supérieurs à un certain pourcentage du produit intérieur brut (PIB).  

La dette publique de la France s’emballe. Est-ce inquiétant ?

La France est plus endettée que jamais. Mais c’est moins le montant de sa dette publique, proche de 1 500 milliards d’euros, qui pose problème que sa part dans la richesse nationale : plus de 80 % du PIB en 2010, contre 20 % en 1980. Issue d’une succession de déficits accumulés – l’exception française, c’est aussi d’avoir un budget de l’Etat déficitaire depuis trente-cinq ans -, notre dette s’est accrue par brusques poussées. Quand il y a une crise, la dépense publique est protégée, voire augmentée ; les recettes baissent, et l’endettement s’accroît mécaniquement. Nous avons connu cet effet de cliquet au début des années 1980, puis avec la récession de 1992-1993. Nous le vivons à nouveau depuis 2008. La France ne sait pas ajuster ses dépenses publiques. Elle est devenue le pays le plus dépensier en Europe, devant la Suède.

Qu’y a-t-il dans cette dette ?

Les 1 500 milliards incluent la dette de l’Etat, celle de la Sécurité sociale et celle des collectivités territoriales. Le problème, ce sont les deux premières. Car sur une longue période, les collectivités territoriales ont des finances équilibrées. Par obligation juridique et comptable, leur dette ne peut financer que de l’investissement, alors que l’Etat et la Sécurité sociale empruntent pour financer à la fois leurs dépenses courantes et la charge de leur dette. En trente ans, nos dépenses publiques ont augmenté de dix points de PIB. Elles dépassent aujourd’hui les 50 %. Cette envolée a été consacrée exclusivement aux dépenses d’intervention (dépenses sociales telles que RMI, APA, RSA, etc.), aux rémunérations des fonctionnaires actifs et retraités et à la charge de la dette. En revanche, pendant toute cette période, la part de l’investissement, au sens de la formation brute de capital fixe (FBCF) qui correspond à la constitution d’actifs amortissables, est restée stable à 3 points de PIB.

Pour autant, la France investit-elle moins que ses voisins ?

Non. L’investissement public est en France supérieur en pourcentage du PIB à ce qu’il est en Allemagne ou en Italie. Mais la stabilité globale de l’investissement civil français masque des évolutions inquiétantes. Les collectivités locales, avec la décentralisation, ont pris le relais de l’Etat. Pour ce dernier, en revanche, la dépense de fonctionnement a petit à petit évincé la dépense d’investissement. C’est une des raisons pour lesquelles le grand emprunt peut se justifier, à condition qu’il finance des investissements rentables et porteurs de croissance.

Quel devrait être le montant du grand emprunt ? Et que doit-il financer ?

20 à 30 milliards d’euros représenteraient environ trois années d’investissement civil de l’Etat. Cela me paraît raisonnable, à condition de choisir avec le plus grand soin les dépenses à financer. Il ne s’agit pas de construire de nouveaux ronds-points ou des salles polyvalentes, mais de financer des investissements productifs. Dans les transports et les nouvelles technologies (nano, bio, etc.), ce devrait être possible. D’autres investissements me paraissent plus risqués, comme l’aide en fonds propre aux PME innovantes. Nous aurons sûrement aussi à faire un effort en faveur de l’enseignement supérieur et de la recherche.

La France emprunte 700 millions d’euros par jour. Peut-elle vraiment faire plus ?

Cette année, nous aurons emprunté 250 milliards d’euros sans aucune difficulté. Bien au contraire : grâce à l’euro, du fait de la faiblesse des taux d’intérêt, plus nous empruntons, moins notre dette nous coûte cher ! La France a une bonne image parmi les grands pays de la zone euro. Les prêteurs, qui, à 70 %, sont des non-résidents, lui offrent des conditions extraordinaires : 2,6 % à cinq ans, 3,5 % à dix ans. Les 100 milliards de capital de dette ancienne, parfois prêtés à 5-6 % qui viennent à échéance chaque année, sont remplacés par de la nouvelle dette moins coûteuse, voire par des bons du Trésor français (BTF) à moins d’un an qui ne coûtent aujourd’hui que 0,3 à 0,4 % d’intérêt annuel. Revers de la médaille, nous avions fin 2007 80 milliards d’endettement à court terme. Nous serons à plus de 200 milliards fin 2009, ce qui accroît notre vulnérabilité.

Pour quelle raison ?

Les taux vont repartir à la hausse, avec la reprise économique. Leur niveau est aussi fonction des capacités financières de l’emprunteur. Notre écart de taux avec les Allemands risque de s’accroître quand nos politiques budgétaires divergeront, peut-être dès 2010. Contrairement à nous, l’Allemagne et les pays du nord de l’Europe en général sont partisans d’un effort d’assainissement rigoureux de leurs comptes publics dès la sortie de crise. La France pourrait alors se présenter sous un jour moins favorable et se voir imposer des conditions d’emprunt plus dures. Or un point d’intérêt de plus, c’est, dès la première année, deux milliards d’euros supplémentaires.

Voyez-vous poindre une crise budgétaire avant 2012 ?

J’y crois peu, bien que notre déficit structurel soit passé, en trois ans, de 35 à environ 50 milliards. Les baisses d’impôt décidées depuis 2006 (impôt sur le revenu, allégements contenus dans la loi Tepa, TVA sur la restauration, taxe professionnelle…) représentent 15 milliards environ de moins-values ou charges nettes pour le budget de l’Etat. Le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux permet d’économiser 500 millions par an. Soit 1 % du déficit structurel. A l’occasion du grand emprunt, nous devrions prendre à bras-le-corps le problème de l’assainissement de nos comptes publics, car ce sera le défi majeur de la sortie de crise.

Pourquoi ne pas inscrire dans la Constitution, comme viennent de le faire les Allemands avec l’accord des principaux partis politiques, l’interdiction de déficits publics structurels supérieurs à un certain pourcentage du PIB (0,35 % à l’horizon 2016 dans le cas de l’Allemagne) ? Ce qui nous laisse le temps de traiter ce problème collectivement et de manière transpartisane.

La droite et la gauche, responsables de l’état de nos finances publiques, doivent tenir un discours de clarté à l’égard des Français : si les uns souhaitent baisser ou stabiliser les prélèvements obligatoires, ils doivent indiquer clairement quelles économies cela exige ; si les autres veulent augmenter les dépenses publiques, ils doivent annoncer quels impôts seront majorés.

A défaut, nous resterons confinés dans une politique budgétaire des déficits et de la dette, au risque, comme le Japon surendetté depuis quinze ans, d’étouffer durablement notre potentiel de croissance et de léguer un fardeau insupportable à nos enfants.

 

Jean-Marc Daniel, économiste, professeur à l’Ecole supérieure de commerce de Paris (ESCP)

« Des niveaux jamais observés en temps de paix »

LE MONDE | 23.09.09

jean-Marc Daniel, économiste, professeur à l’Ecole supérieure de commerce de Paris (ESCP) et chroniqueur au Monde, passe en revue les solutions qui, dans le passé, ont permis de réduire la dette.

Avec la crise, la dette publique s’est envolée. Est-ce inédit dans de telles proportions ?

De tels niveaux d’endettement publics n’avaient jamais été observés en temps de paix. En période de guerre, dans l’Angleterre de 1815, la dette représentait 300 % du produit intérieur brut (PIB). La Grande-Bretagne s’était à nouveau retrouvée à un niveau comparable à la fin de la seconde guerre mondiale.

La France, en 1871, avait un taux d’endettement de près de 90 %. A l’issue de la guerre de Sept Ans, qui provoquera la crise financière conduisant à la Révolution française, le ratio était proche de 70 %.

Comment s’en sortir ?

La première façon, c’est la répudiation : l’Etat ne paie plus ses dettes. Un exemple de répudiation réussie se produisit dans les années 1880, lorsque le ministre des finances de l’époque, Léon Say, convertit, de façon autoritaire, des rentes à 5 % en des rentes à 3 %. Mais il n’avait pu le faire que parce que le budget était à l’équilibre et que l’Etat n’avait plus besoin de faire appel aux marchés.

Le danger, quand vous annulez une partie de votre dette ou que baissez autoritairement le taux d’intérêt sur le stock de dette, c’est que les marchés vous réclament un taux supérieur pour vos emprunts à venir. Ce que l’Etat gagne sur la dette passée, il le perd sur la dette future. La répudiation n’a de sens que si le gouvernement est en situation de force politique pour l’imposer d’une part et d’autre part que l’Etat n’est pas en train de préparer une nouvelle vague d’endettement. Ce n’est pas notre situation.

De surcroît, dans des pays comme le Japon ou l’Italie, où la dette est portée par la population, des répudiations déguisées sont envisageables. Dans les pays où elle est détenue majoritairement par des étrangers, c’est bien plus difficile.

Laisser filer l’inflation n’est-il pas une autre solution ?

Historiquement, oui. C’est la voie que suivit le Royaume-Uni après la seconde guerre mondiale. Le keynésianisme fut adopté par le Parti travailliste britannique, qui avait compris qu’il générait de l’inflation et qu’il s’agissait par conséquent d’un bon moyen pour se débarrasser de la dette. Les travaillistes eurent une approche politique et morale consistant délibérément à ruiner, avec de l’inflation, le rentier, qui apparaissait soit comme le profiteur de guerre, soit comme un ancien propriétaire.

Vous croyez possible un retour de l’inflation en Europe ?

Un retour de l’inflation paraît difficilement envisageable en Europe. Ne serait-ce que parce qu’elle varierait d’un pays à un autre de la zone euro. Celle-ci deviendrait ingérable, compte tenu des distorsions de taux d’intérêt qui existent déjà. C’est la pérennité même de la monnaie unique qui serait engagée. On pourrait en revanche observer plus d’inflation aux Etats-Unis. Ce décalage d’inflation de part et d’autre de l’Atlantique provoquerait une appréciation de l’euro.

Le problème de l’inflation, c’est que, comme dans le cas d’une répudiation, c’est qu’elle se paie en termes de taux d’intérêt plus élevés pour ses nouveaux emprunts.

La croissance est un autre moyen ?

C’est effectivement la troisième grande solution pour sortir du piège de la dette, et elle a été plus fréquemment employée qu’on ne le pense. L’exemple régulièrement mis en avant est celui des Etats-Unis remboursant leur dette héritée de la guerre de Sécession grâce à la croissance. Si d’importantes réserves de croissance existent aux Etats-Unis, l’Europe est plus mal placée, n’ayant pas fait les efforts de productivité nécessaires.

L’Espagne, elle, vient d’annoncer des hausses d’impôts…

La quatrième façon, effectivement, c’est d’augmenter les impôts. Mais le risque est précisément de casser la croissance. En France, le bouclier fiscal, protégeant les personnes qui en bénéficient, rend difficile une hausse des impôts directs qui serait perçue comme injuste par la population.

Quant aux impôts indirects, ils présentent, compte tenu des mécanismes d’indexation, d’énormes risques de perturbation dans le fonctionnement de l’économie. La hausse des impôts suppose qu’on joue très finement.

EN COMPLEMENT INDISPENSABLE : Comment et Pourquoi les Etats Européens manipulent les taux longs : l’exemple de la Grèce (cliquez sur le lien)

Les Bonus des “Raiders fiscaux” vont être augmentés et incontrôlés…. (cliquez sur le lien)

3 réponses »

  1. Merci pour tous ces articles.
    Et bien on est mal barrés… !
    Cela dit, l’Etat gère ses finances aussi mal qu’une grande quantité de français incapables d’être dans le vert à la fin du mois !

    • Bonjour sylvain …..pour rebondir sur vos propos et faire du très mauvais humour noir : pas étonnant qu’il y ait autant de problèmes du coté des tutelles !!!!!
      Plus sérieusement j’ai du mal à imaginer comment l’on va se sortir de ce gigantesque ponzi à coté duquel Madoff est vraiment un amateur !!!!! a moins que la sortie se fasse par le bas au son déjà entendu d’un circulez il y a rien à voir !!!!

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