Douce France

L’adieu à la justice sociale….

Le bonus ne quitte pas la couverture des journaux. Quel est le montant du transfert d’Oswald Grübel à UBS? A quelles conditions Brady Dougan, le patron de Credit Suisse, dépasserait-il la barre des 40 millions en 2009? Est-ce qu’une pareille rémunération est encore juste? L’adieu à la justice, un ouvrage collectif, sous la direction de Katja Gentinetta, directrice adjointe d’Avenir Suisse, et de Karen Horn, directrice auprès de l’Institut der Deutschen Wirt­schaft, s’insère parfaitement dans l’actualité.

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Le salaire d’un manager n’est en rien une question de justice, selon Gerhard Schwarz, rédacteur en chef adjoint à la NZZ. C’est une affaire privée et elle ne s’adresse en rien à la société dans son ensemble. Il résulte d’un accord entre deux partenaires qui s’engagent librement par contrat. Personne n’est contraint de signer. Le résultat ne peut être injuste. C’est pourquoi le philosophe Anthony de Jasay, dans ses écrits, a toujours écrit le «social» de justice sociale entre guillemets (2).

Les écarts astronomiques entre les salaires sont sans doute malsains parce qu’ils affaiblissent les liens entre les citoyens. La solution à ce problème distributif existe, mais elle est fiscale et non pas législative.

L’ouvrage de Gentinetta et Horn ne se limite pas aux bonus des managers. Il part de faits et statistiques sur les inégalités et décrypte le concept de justice et son évolution. Les auteurs montrent que les écarts de revenus sont considérables d’un pays à l’autre et se sont accrus ces dernières années. Mais la Suisse est l’un des rares pays où la part du revenu du travail a tendance à s’accroître par rapport au revenu national . Le sentiment d’injustice est pourtant en augmentation. Il se nourrit sans doute de l’élargissement de l’écart non seulement entre les deux extrémités de l’échelle salariale, mais aussi entre le revenu moyen et le sommet de l’échelle. Toutefois, l’inégalité avant impôts (coefficient de Gini) est en baisse en Suisse depuis le tournant du siècle. Après impôts et transferts, les inégalités sont moindres en Suède qu’en Suisse, mais plus élevées en Allemagne et dans les pays anglo-saxons que dans notre pays.

Le sens apporté à la justice a beaucoup évolué. La réflexion a débuté avec Aristote. Pour le philosophe, la justice est le fruit d’une relation entre partenaires qui repose sur le droit existant. Il distingue entre deux principes («à chacun ce qui lui revient» et «à chacun la même chose»), qui se traduisent par deux formes d’égalité, celle devant la loi et l’égalité distributive.

Un autre grand penseur a fortement imprégné le débat. Dans sa Théorie de la justice, en 1971, John Rawls distingue entre les droits fondamentaux politiques et personnels de l’individu et l’égalité des chances (formation et travail). Le second principe s’est imposé pour devenir un objectif absolu. Pourtant, il ouvre la porte à bien des dérapages et crée de faux espoirs, selon l’historien Paul Nolte. La politique qui s’efforce d’éliminer l’effet des origines sociales et parentales mène par exemple à une impasse. Faut-il refuser que des parents cherchent à transmettre à leurs enfants leurs compétences linguistiques ou culturelles? Est-ce que la politique destinée à «mélanger les cartes» à chaque génération a encore un rapport avec la justice?

Autrefois, la justice et la liberté étaient des principes complémentaires. La justice n’a pas seulement devancé la liberté, mais elle s’en est complètement distanciée, selon les auteurs. Les libéraux ont malheureusement laissé le champ libre à leurs adversaires. Longtemps ils ont adopté l’approche de Friedrich Hayek et refusé l’entrée en matière. Le terme de «justice sociale» est une contradiction en soi, pour le penseur autrichien. Car seul un individu peut être juste et non pas un groupe: «La justice est une vertu, mais seul un individu peut être vertueux, jamais une collectivité.»

Les auteurs sont bien ancrés dans le mouvement libéral, mais ne refusent pas le débat et prennent ainsi leurs distances avec Hayek. Devant le sentiment d’une injustice croissante, ils réfléchissent au concept, citent les faits, questionnent les critères de mesure et approfondissent le sens des mots. L’économiste Viktor Vanberg distingue entre une justice qui touche l’individu dans sa sphère privée et celle qui le concerne en tant que citoyen. Une autre composante s’est récemment invitée dans le débat, la globalisation. Elle empêche de réfléchir selon le schéma d’une économie fermée. Le citoyen dont les intérêts ne sont pas garantis peut déménager et changer de juridiction. Ce choix conduit à séparer entre les impôts et réglementations qui concernent le citoyen dans sa propre communauté et ceux qui l’affectent en tant que bénéficiaires, ou clients, d’un cadre économique et politique.

Profitant des événements, la justice sociale s’est hissée au rang de valeur centrale de notre société. Paul Nolte rappelle que le programme socialiste allemand de 1959 défendait trois valeurs, la liberté, la solidarité et la justice. Aujourd’hui, la justice a absorbé la solidarité et rejeté la liberté en seconde position. La tendance est inquiétante. «Non seulement les valeurs ont changé de place sur l’échelle, mais chacun de nous s’est déplacé sur cette échelle», écrit Paul Nolte. La crise économique a incité les gouvernements à forcer le trait. Le président français a largement quitté son profil conservateur pour adopter la rhétorique socialiste. Ses déclarations rappellent la phrase de l’économiste Joseph Schumpeter: «Le capitalisme se bat au tribunal face à des juges qui ont déjà la condamnation à mort dans la poche.»

La crise a produit un effet plus surprenant. Il a jeté une lumière crue sur les limites de l’Etat social. Comment expliquer que, durant la plus forte récession des 80 dernières années, l’Allemagne, symbole du capitalisme social, tourne le dos au SPD? Le plus bel Etat social du monde ne peut donner que ce qu’il a. Son efficacité est médiocre et son financement incertain. La hausse des impôts et de la dette a mené à une impasse. Les élections allemandes montrent que le citoyen reconnaît les vertus du mérite et de la responsabilité individuelle. Le capitalisme redevient l’instrument capable d’apporter la réponse au désir de bien-être accru. L’adieu à la justice de Gentinetta et Horn ne peut mieux tomber.

(1) «Abschied von der Gerech­tich­keit», Katja Gentinetta, Karen Horn, Avenir Suisse, Verlag NZZ, Frankfurter Allgemeine Buch,

144 pages, 2009.

(2) «Justice and Its Surroundings», Anthony de Jasay, Liberty Fund, 2002.

Emmanuel Garessus Le Temps

Part du Revenu du travail rapport au Revenu global : http://www.letemps.ch/Page/Uuid/f080fdee-ad37-11de-bcd2-477c1047d7d9/  (cliquez sur le lien)

EN COMPLEMENT INDISPENSABLE :

Les preuves du comportement antisocial , immoral et irresponsable des Etats Français et Allemands (cliquez sur le lien)

SARKOphage (le fossoyeur de la France) : RAILLÉ SUR SON PIB SOCIAL (cliquez sur le lien)

RAPPEL SUR LE COEFFICIENT DE GINI :

Réduction des inégalités

Le coefficient de Gini, qui mesure l’inégalité au sein d’une société, a fortement diminué jusque dans les années 1970 avant d’augmenter jusqu’en 2006. Ainsi le pour-cent de contribuables les plus riches était responsable de 25,4% des recettes fiscales américaines en 1986. Leur part du gâteau a grimpé à 38,4% en 2005. Mais les dernières statistiques indiquent un changement de tendance, selon le dossier de The Economist. L’évolution du marché des actions joue un rôle majeur à cet égard, notamment aux Etats-Unis. Seuls 32% des Américains détiennent plus de 10 000 dollars en actions. Les 10% les plus riches possèdent 85% de toutes les actions. Comme la performance boursière est négative de 4,1% ces dix dernières années, les inégalités devraient se réduire. Mais c’est généralement le cas lors d’une récession. La baisse des prix de l’immobilier, les suppressions d’emplois dans la banque d’investissement et les hedge funds vont dans le même sens. Ajay Kapur, l’expert qui a inventé le terme de «plutonomie» pour qualifier l’économie des riches, décrit un environnement de plus en plus hostile à leur égard. «La règle de l’homme remplace la règle de la loi», déclare-t-il. Il est de plus en plus difficile de connaître les règles du jeu car elles changent constamment

http://fr.wikipedia.org/wiki/Coefficient_de_Gini (cliquez sur le lien)

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