Art de la guerre monétaire et économique

Jean Pierre Petit : L’économie de bulle finit toujours par triompher

Directeur de la recherche économique et de la stratégie d’ Exane-BNP Paribas jusque fin 2008, Il a été auparavant (1995-1999) adjoint au directeur des études économiques de la BNP, adjoint de direction à la Banque de France et consultant pour le Fonds monétaire international (1986-1994). Il est diplômé de Sciences Po Paris, détient une maîtrise en droit et est titulaire d’un DEA d’économie internationale. Jean Pierre Petit est l’auteur de plusieurs ouvrages dont, La finance, autrement (en collaboration, Dalloz, 2005).Aujourd’hui devenu stratégiste de marché indépendant il continue de collaborer  de manière régulière à divers revues et journaux économiques et financiers. Voici le 14ème billet d’une série qui lui est consacrée…

Les politiques ont été simultanément expansives comme jamais. Les liquidités créées se traduiront comme depuis 20 ans par une reflation des actifs.

PLUS DE DETAILS EN SUIVANT :

Certes, la titrisation de masse totalement dérégulée a peu d’avenir.  Certes, les subprimes ont peu de chances de revoir le jour à horizon rapproché. Certes, quelques réformes techniques (exigences plus fortes de fonds propres pour certaines activités de banques, «organisation » du marché des CDS, ….) et cosmétiques (hedge funds, bonus, …) seront probablement mises en oeuvre. Mais cela ne suffira pas à prévenir de nouvelles crises financières, loin s’en faut.

Il n’y a toujours pas de volonté claire de contrôle des prix d’actifs par les banques centrales et rien ou presque n’a été fait en matière de normes comptables à valeur de marché qui ont joué le rôle pro-cyclique que l’on sait

Plus généralement, le monde est toujours fondamentalement déséquilibré entre les pays archi-excédentaires (Chine, Allemagne, Japon, pays exportateurs de pétrole, ….) et les pays déficitaires (Etats-Unis, Europe occidentale hors Allemagne, Europe centrale, …). Ce déséquilibre est toujours (en l’absence d’ajustement du change) à l’origine de flux de liquidités internationales qui alimentent les bulles.

Depuis la faillite de Lehman et son impact systémique, c’est une capitulation des Etats devant l’économie de bulle à laquelle on a assisté. Les politiques économiques ont été simultanément expansives comme jamais et les liquidités créées se traduiront comme depuis 20 ans par une reflation des actifs.

Le paradoxe de la crise récente est que cela a donné naissance à des géants bancaires, rendant encore plus probable le «too big to fail» pour la prochaine crise.

 Il est aussi paradoxal de voir les gouvernements occidentaux vouloir reréguler les banques et en même temps passer leur temps à presser ces dernières de faire redémarrer le crédit.

Quant aux velléités de la rerégulation, elles sont illusoires. L’ingénieur financier a toujours une longueur d’avance sur le régulateur. Sa fonction consiste précisément depuis un quart de siècle à exploiter les «trous» et imperfections de la réglementation. La mondialisation rend l’efficacité de toute régulation, qu’elle soit micro ou macro-prudentielle, hors de portée. Celle-ci est  nécessairement laborieuse et incomplète, compte tenu de la multiplicité des acteurs et des objectifs, de la spécificité des systèmes financiers nationaux et du poids relatif des lobbies. La recherche d’une combinaison idéale de normes réglementaires, prudentielles et fiscales est un combat perdu d’avance.

Les Etats ne se régulent pas eux-mêmes alors qu’ils portent une grande responsabilité dans la crise et que la prochaine crise peut venir des Etats eux-mêmes (crise des finances publiques, opposition Allemagne/France dans la zone euro, guerre des changes) et ce d’autant que les taux bas n’incitent pas les Etats à faire preuve de discipline financière.

Il ne faut pas oublier enfin que le capitalisme patrimonial dans lequel nous évoluons depuis une vingtaine d’années appelle une recherche de rendements structurellement élevés. Cela n’est pas dû au fait que le monde soit ainsi devenu plus cupide qu’auparavant; cette recherche est avant tout due au vieillissement, à la concurrence pour l’allocation de l’épargne, au taux bas des actifs sans risque et à l’innovation financière.

Tout ceci a été perdu de vue, à Pittsburgh et ailleurs.

JEAN-PIERRE PETIT  Stratégiste et économiste de marché nov09

BILET PRECEDENT : Jean Pierre Petit :L’avenir incertain du modèle Mercantiliste Allemand : commerce extérieur fort sur fond de demande interne faible (cliquez sur le lien)

EN COMPLEMENT INDISPENSABLE : Les similitudes entre les bulles spéculatives d’il y a 100 ou 200 ans (cliquez sur le lien)

2 réponses »

Laisser un commentaire