Art de la guerre monétaire et économique

Chinamerica : la Chine et les États-Unis, un vieux couple avec ses tensions

Les investisseurs ne devraient pas bouder la Chine, à en juger par ce qui s’écrit sur le potentiel de croissance encore extraordinaire de l’Empire du Milieu. À ceux qui se méfient des marchés émergents et des entreprises chinoises, il existe toujours l’opportunité d’investir dans les pays qui font affaires avec la Chine, comme le Japon ou les États-Unis!

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Fascinant dossier sur les relations entre la Chine et les États-Unis que publiait récemment The Economist, sous le titre « The odd couple » (cliquez sur le lien). Dès le premier texte de ce dossier de 14 pages, « A wary respect » (cliquez sur le lien), The Economist met la table : l’avenir de l’économie américaine, et celle du monde par ricochet, dépend plus que jamais de la relation entre la Chine et les États-Unis.

Citant une déclaration centenaire de Theodore Roosevelt allant dans ce sens, le magazine explore les intérêts présents et futurs des deux puissances qui dominent le monde. Et le portrait est parfois loin d’être rassurant. The Economist estime que les États-Unis se montrent souvent trop conciliants envers un pays qui méprise toujours les droits de l’homme et qui ne joue pas toujours selon les règles du jeu internationales. Mais l’Amérique est mal placée lorsqu’il s’agit de faire la leçon sur le plan politique. Vous avez dit Guantanamo?

Cela dit, selon toutes les mesures économiques à notre disposition, malgré le fait que les Chinois sont pratiquement devenus les banquiers des Américains, les États-Unis distancent la Chine encore de façon importante, pratiquement dans tous les domaines. Le PIB de la Chine, par exemple, fut de 4,4 trillions de dollars américains ($US) l’an dernier. Il est plus petit que celui du Japon.

 « Les deux pays ont plus que jamais besoin l’un de l’autre. Mais ils ont un long bout de chemin à faire avant de se faire confiance », affirme le magazine. Pour le moment, les Américains consomment encore massivement les produits Made in China. Les Chinois achètent encore des milliards de dollars américains, sous forme de billets verts ou de Bons du Trésor. C’est devenu une sorte de relation symbiotique. Mais « Chinamerica » est un mariage qui ne durera pas longtemps, affirme The Economist.

Le fait que le yuan ne soit pas encore convertible irrite les Américains. Mais les Chinois ont une peur bleue d’un possible retour de l’inflation aux États-Unis ou d’une éventuelle chute du dollar, liée au surendettement du gouvernement américain. Normal : ils possèdent pour 800 G$US de bons du Trésor. Alors que la Chine exporte moins vers une Amérique ravagée par la crise, les deux pays dénoncent les montées de protectionnisme constatées chez leur partenaire.

Autre terrain d’affrontement : l’industrie automobile. Les Chinois ne font pas de mystère de leur volonté de s’attaquer au plus vaste marché mondial : les États-Unis. Mais les Américains sont déjà implantés dans le marché qui croit le plus vite : celui de la Chine. Ce qui risque toutefois de se produire, dans un avenir rapproché, est plus prosaïque : ce sont les GM, Chrysler et Ford qui feront fabriquer certains modèles en Chine pour les revendre aux États-Unis!

On sent aussi certaines tensions sur le front environnemental. La Chine et les États-Unis sont les plus grands pollueurs de la planète, avec, ensemble, 40% des émissions de gaz à effet de serre. Évidemment, le style de vie de nos voisins du Sud est beaucoup plus dommageable sur le plan environnemental que celui des Chinois, qui commencent tout juste à découvrir les joies de la classe moyenne.

La Chine est, en fait, aux prises avec un dilemme : doit-on croître moins vite mais en respectant davantage l’environnement ou miser sur une croissance effrénée et faire le ménage plus tard? Certains Américains croient que la Chine et les États-Unis devraient faire le ménage ensemble. Ce ne sera pas facile. Tant en Chine qu’aux États-Unis, on se chauffe et on s’éclaire encore grâce aux plus importantes réserves de charbon du monde. Et les politiciens sont réfractaires à bouder cette source d’énergie peu dispendieuse. En Chine, on manque tout simplement d’argent et de technologie pour rendre l’économie plus verte. Aux États-Unis, l’affrontement des divers lobbies est légendaire. Les deux pays se regardent donc comme des chiens de faïence avant d’agir. Un petit jeu qui pourrait durer longtemps.

Même si elle veut maintenir des relations pacifiques avec ses principaux partenaires commerciaux, la Chine entend aussi affirmer son statut de superpuissance militaire. Elle n’a jamais empilé autant d’armes. Elle construit même un premier porte-avions. Elle multiplie les coûteux et parfois extravagants exercices militaires. La question de l’indépendance de Taiwan inquiète le monde, car les États-Unis se sont toujours engagés à défendre l’île contre toute « agression ». Dans son langage codé habituel, la Chine ne semble pas pressée d’envahir l’île, mais c’est une possibilité. La Chine dispose désormais de missiles nucléaires capables de frapper aux États-Unis et s’apprête à les installer dans des sous-marins. Un avantage que possède déjà les États-Unis. Mais un affrontement de ce genre ressemble davantage à de la politique-fiction.

Les Américains s’impatientent également au sujet de la Corée du Nord. Ce pays paria constitue une sérieuse source d’instabilité en Asie. Mauvais pour les affaires. La Chine, même si elle montre des signes d’impatience envers son « allié naturel » nord-coréen, ne semble pas pressée de faire pression sur le dictateur Kim Jong-il. Mais cela pourrait changer; des indices s’accumulent en ce sens.

La Chine investit partout dans le monde pour assouvir sa soif de ressources naturelles. Parfois dans des pays où les droits de la personne ne comptent pas, comme le Myanmar ou le Soudan. Mais l’Empire du Milieu ne fait plus la sourde oreille face aux critiques des gouvernements et des ONG occidentales. Le géant « apprend » lentement à exiger à son tour du changement dans ces pays.

Sur le plan technologique, la Chine a des décennies de retard sur les États-Unis. Un écart qui ne risque pas de se rétrécir de sitôt. Mais, étrangement, ce sont les Chinois qui risquent d’envoyer un homme sur la Lune, avant que les Américains n’y parviennent dans leur effort d’aller sur Mars. Cette rivalité illustre une course technologique nouvelle entre les deux pays.

La Chine peut montrer ses muscles à l’international, mais elle est aux prises avec ses propres démons. Les Chinois découvrent peu à peu des libertés à l’occidentale. L’autoritarisme craque de partout alors que l’Empire du Milieu est aux prises avec des protestations à grande échelle à la grandeur de son territoire. Mais le capitalisme n’amènera pas nécessairement la démocratie en Chine, affirme The Economist. Car les Chinois, et c’est décourageant, raffolent de la stabilité apportée par le Parti Communiste. Même si ça menace leurs droits individuels. En Asie, le bien commun l’emporte souvent sur l’individu; une notion depuis toujours difficile à comprendre pour les Occidentaux. Et, autre inquiétude, le nationalisme chinois ne s’est jamais porté aussi bien.

Ironiquement, les Américains craignent comme la peste une Chine qui traverserait une crise post-communiste comme celle qu’a connue la Russie. Une Chine qui se disloquerait ou qui serait marquée par l’instabilité pourrait enflammer le reste de l’Asie. L’économie planétaire en souffrirait….

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