L'Etat dans tous ses états, ses impots et Nous

Michael Boskin : La bombe de la dette publique

Michael J. Boskin,  fut à la tête du Bureau des conseillers économiques de la présidence américaine Bush, est professeur d’économie à l’université de Stanford et membre de l’Institut Hoover

 Alors que les économies mondiales semblent renouer avec la croissance après une des plus importante récession depuis une génération, les projecteurs sont désormais braqués sur les énormes déficits budgétaires et la sévère augmentation de la dette publique. On estime que le chiffre devrait atteindre cette année (en part de PIB) 13,5% pour les Etats-Unis, c’est-à-dire deux fois plus qu’aux pires moments de la terrible récession du début des années 80. Pour ce qui est des autres grandes nations, les chiffres sont : Grande Bretagne, 14,4% ; France, 8,2% ; Inde, 8,0% ; Japon, 7,4% ; Italie, 5,4% ; Allemagne, 4,7% ; Chine 4,2% ; et le Canada, 2,4% (chiffres non actualisés)

PLUS DE DETAILS EN SUIVANT :

En plus de la diminution des recettes de l’impôt sur le revenu et de l’augmentation des dépenses liées à la protection sociale automatiquement induites par la récession, de nombreux pays ont tenté de stimuler leur économie en augmentant les dépenses et/ou en diminuant les impôts. L’augmentation des déficits est donc la somme de ces ‘stabilisateurs automatiques’ et de programmes discrétionnaires. Cette réponse arbitraire a été la plus forte aux Etats-Unis, à un niveau cumulatif de 4,8% du PIB, et en Chine, de 4,4%, dans la période 2008-2010, alors qu’il a été plutôt modeste en Allemagne et au Canada, et minime en Grande Bretagne, en France et en Inde.

Cette augmentation automatique du déficit a aussi été forte aux Etats-Unis, raisonnable en Grande Bretagne et en Allemagne, et moins importante au Japon, en Inde, au Canada, en Chine, en France et en Italie. Ces effets automatiques devraient bientôt s’inverser au fur et à mesure que l’activité économique reprendra, mais il y a moult débats, y compris au sein du G8 et du G20, pour savoir s’il faut mettre un terme à la stimulation discrétionnaire, la poursuivre ou l’inverser.

Puisque chaque dollar, euro, yen, roupie, or yuan emprunté aujourd’hui exigera la même contrevaleur d’aujourd’hui pour le règlement des intérêts à terme, et donc des taxes à venir, il faut prendre en compte l’importance des coûts à long terme pour parvenir à équilibrer le bilan face aux bénéfices, de quelque nature qu’ils soient, que les déficits engendrent aujourd’hui ; il n’y a pas de gratuité budgétaire.

Certains hommes politiques, comme par exemple le président Barack Obama aux États-Unis, ont mis en avant leur programme de stimulation comme seule réponse efficace à la crise économique. Ils engagent leur responsabilité budgétaire à long terme et proposent pourtant des budgets avec d’importants déficits pour les années à venir et un rapport dette/PIB en hausse vertigineuse.

Les hommes politiques de l’opposition dénoncent les déficits et la dette comme un terrible héritage à laisser à nos enfants et un poids insurmontable pour l’économie. Dans les années 80 aux Etats-Unis, les démocrates ont condamné avec virulence les déficits laissés par le président Ronald Reagan ; les républicains font de même aujourd’hui avec le président Obama. Les déficits sont utiles pour les hommes politiques car ils permettent de masquer et de retarder le véritable coût fiscal des dépenses. Mais alors, quand les déficits sont-ils souhaitables, et quand sont-ils dangereux ?

L’impact de l’économie sur l’équilibre budgétaire est plus rapide, plus sûr, et plus important que l’impact de l’équilibre budgétaire sur l’économie. Tous les économistes s’accordent sur le fait que nous devrions laisser agir les stabilisateurs économiques. Les politiques budgétaires discrétionnaires ne sont pas toujours une réponse très efficace à la récession compte tenu des décalages administratifs et législatifs habituels, des politiques électoralistes et des intérêts privés qui parasitent les décisions de dépenses et de taxations. Les effets de l’actuel programme américain de relance ont été beaucoup plus lent que prévu à agir sur l’économie. La majeure partie de cet argent ne sera en fait dépensée qu’après la soit disant ‘fin’ de la récession ; la preuve en est que jusqu’à maintenant, ces injections n’ont eu que peu d’effet.

Il est juste de financer (partie) de l’investissement du capital public existant, puisque les bénéfices s’accumuleront pendant des années, et les futurs contribuables pourront équitablement en assumer une partie. C’est une pratique habituelle des gouvernements locaux et national américains. Il est aussi plus efficace de préserver une certaine stabilité des taux d’imposition sur le long terme et donc de financer avec la dette les besoins importants ponctuels de dépenses tels que les réserves d’armements pendant une guerre (ou en prévention d’une guerre), tout en inversant, ce faisant, la courbe de la dette.

L’emprunt du gouvernement fédéral américain a été supérieur aux recettes fiscales, et ce chaque année depuis la seconde guerre mondiale. Une telle situation est à la fois équitable et efficace. Ce qui n’est pas le cas des programmes de relance actuels

Le niveau, la composition et la croissance de la dépense et des impôts sont des indicateurs budgétaires fondamentaux. Même avec un budget équilibré, les questions d’efficacité et d’efficience de la dépense restent à l’ordre du jour, dans la mesure où le moindre dollar reçu par le gouvernement coute à l’économie 1,30 dollar, compte tenu des modifications induites par la fiscalité sur les décisions des ménages.

Les déficits importants influent sur la consommation des ménages d’aujourd’hui en transférant la facture sur les générations à venir ce qui pourrait saturer les investissements privés et ralentir la progression des niveaux de vie. Les déficits sont plus risqués si le niveau de la dette publique, soit l’accumulation de tous les déficits précédents, augmente fortement, ou rapidement, par rapport au PIB.

Le rapport dette-PIB varie considérablement d’un pays à l’autre. Celui des États-Unis va doubler si le président Obama n’inverse pas la tendance, comme le fit le président Bill Clinton lorsque lui et son congrès à majorité républicaine ont rééquilibré le budget.

Les déficits sont problématiques s’ils servent à financer la consommation, et non des investissements publics productifs sur les infrastructures. Le financement de la crise du composant infrastructure de la plupart des programmes de relance suggère que la majeure partie ne passerait pas le rigoureux test de la rentabilité. Certaines agences fédérales américaines sont en train d’essayer de dépenser 10 fois le montant de leurs précédents budgets, ce qui n’est une recette idéale ni pour l’efficacité ni pour la rapidité. Et les déficits peuvent créer de l’inflation si les banques centrales monétisent la dette publique : une des sérieuses inquiétudes des marchés financiers sur laquelle la Chine avait mise en garde l’Amérique.

Ces inquiétudes exigent que les stratégies de sortie soient planifiées, annoncées et mises en œuvre rapidement, avant que les programmes de relance ne s’installent définitivement, ne développent des groupes d’intérêts puissants, et n’augmentent le risque de la hausse des taux d’intérêts, de l’inflation et d’une fiscalité plus lourde. A ce titre, les citoyens du monde, de Boston à Berlin, de Bombay à Moscou ont raison d’être révoltés devant l’explosion de la dette publique.

 Project Syndicate, OCTOBRE 2009.

1 réponse »

Laisser un commentaire