Commentaire de Marché

Beat Kappeler : Des raisons de savourer l’année 2009

Mine de rien, nous avons de nombreuses raisons d’être reconnaissants face à l’année écoulée. L’économie remonte doucement la pente, et le système entier apprend de ses erreurs. C’est la vertu principale des crises

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Nous avons toutes les raisons d’être reconnaissants envers cette année écoulée. Non pas parce qu’elle était bonne, en termes économiques et sociaux, mais parce qu’elle n’était pas pire que l’année précédente. Certains diront que c’est une bien maigre consolation. S’ils sont chômeurs, s’ils ont perdu de l’argent, je les comprends. Mais venons-en aux faits.

A la fin 2008, le système financier et même le système du papier-monnaie étaient en ballottement. Le chef du grand fonds d’investissement Pimco a avoué après coup qu’il avait fait retirer par sa femme tout l’argent liquide au bancomat le matin qui a suivi la faillite de Lehman Brothers. Il croyait que toutes les banques allaient fermer dans les heures qui suivaient. Mais cet ultime accident ne s’est pas produit grâce à la marée monétaire déversée par les banques centrales.

Les banques allemandes, autrichiennes, grecques et irlandaises ne s’en sont pas encore remises. UBS, en revanche, a restitué l’argent du contribuable. Quant aux avoirs épongés par la Banque nationale, ils ne semblent pas lui causer trop de soucis, aux dires de son président qui s’est exprimé dans ce journal.

Toutefois, l’économie au sens large souffre de la forte réduction des exportations. Mais l’économie intérieure(Suisse) ne se porte pas trop mal. Les revenus des salariés ont augmenté en termes réels de plus de 2%. On verra moins d’augmentations l’année prochaine, mais le niveau atteint est respectable. Un nombre encore croissant de chômeurs encaisse le choc qui touche l’économie d’exportation, mais il reste bien en deçà des niveaux étrangers. Le choc est supporté aussi par bon nombre de petites et moyennes entreprises qui sont des sous-traitants.

Pour le moment, les propriétaires d’entreprises consomment les bénéfices accumulés pendant les bonnes années. Ils aplanissent aussi les vicissitudes du cycle économique grâce aux contributions de l’assurance chômage, en instaurant le chômage partiel. Encore une raison d’être reconnaissant.

Ajoutons à cela la situation enviable des finances publiques. En Suisse, la sphère politique a su garder ses nerfs et n’a pas commis d’excès dans son programme de relance. On reste loin des cures d’amaigrissement comme en Grèce, en Irlande, en Lituanie, en Grande-Bretagne – et plus tard aux Etats-Unis, quand les grands plans de relance verront leurs effets s’estomper.

Je souligne tout cela pour marquer un contraste avec le discours de crise qui secoue certains milieux. Comme j’en suis à ma sixième crise conjoncturelle de mon vivant, j’ai à chaque fois observé que beaucoup de gens et beaucoup de médias continuaient de parler de crise quand tout était rentré dans l’ordre. Il ne faut donc pas s’affoler: un système ouvert, où l’on laisse les gens agir, retombe toujours sur ses pieds grâce aux crises, il apprend par les crises, et il n’apprend que par les crises. Il n’y a pas de tribun pour le lui inculquer. «Le système» comprend bien sûr les privés et les politiciens. Tous apprennent. Par contre, un système fermé, autoritaire, dirigé, évite une, deux crises, mais il semble bien que la troisième lui sera fatale.

Des observateurs tiennent la Chine pour un tel système de ce type. Pourtant il semble plutôt bien naviguer pour l’instant. Mais il a accumulé d’abord des avoirs insensés de papier-dollar pour ses exportations; ensuite il a relancé son économie en multipliant ses capacités de production et d’infrastructure. Une fuite en avant continuelle? Des replâtrages risqués? On verra. On verra aussi si les dettes accumulées par les Etats occidentaux convergent vers un volontarisme identique et que l’on regrettera. En tout cas, les marchés financiers commencent à s’en douter et poussent les taux d’intérêt. C’est l’ironie du cycle économique: les financiers domestiquent les politiques qui eux-mêmes les ont domestiqués et (trop) aidés. Mais c’est aussi le propre d’un système ouvert – tout le monde contrôle tout le monde.

C’est l’année prochaine qui nous en dira plus. Pour l’instant, nous ne sommes pas retombés dans la crise des années 30. Soyons donc reconnaissants. Et participons, au-delà de notre situation particulière, individuelle, à ce grand puzzle social et économique qui se cherche, qui refait ses contours. Ce défi vaut bien un peu d’insécurité momentanée.

source le temps dec09

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