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Banques et collectivités locales : Actifs toxiques / il n’y a pas que les produits titrisés de crédit…

Quand ils sablent le champagne ce sont les contribuables qui trinquent !!!!

Le surnom d’actifs toxiques a été donné aux instruments de titrisation de crédit suite à leur spectaculaire perte de valeur dès 2007. Mais depuis, d’autres produits se sont avérés “toxiques” pour différents types institutions. C’est ainsi que depuis les années 2000, beaucoup d’emprunteurs – singulièrement des collectivités locales – ont emprunté selon des formules peu orthodoxes, dont les effets néfastes commencent à peser lourd sur leur trésorerie.

PLUS DE TOXICITE EN SUIVANT :

La presse française s’est faite l’écho des graves problèmes rencontrés par des collectivités locales françaises (départements, villes, hôpitaux, etc), avec des emprunts dits “structurés”, dont le taux d’intérêt est lié à une ou plusieurs variables financières, selon une formule privilégiant un taux d’intérêt anormalement bas – voire nul – en début de période d’emprunt, mais avec un risque de forte hausse de taux ultérieurement. Dans son rapport public annuel de février 2009 (accessible sur Internet) la Cour des Comptes en France a établi un rapport accablant sur la question: “Les risques pris par les collectivités territoriales et les établissements publics locaux en matière d’emprunt”. Il y a tout lieu de croire que le problème ne se limite pas à la France. Comment en est-on arrivé là? 

Comme souvent, au départ il y a une démarche raisonnable, en l’occurrence ici, la recherche d’une structure d’endettement susceptible d’en réduire le coût. Par exemple, si l’on considère, vraisemblablement à juste titre, que les banques centrales ayant appris, depuis le lointain deuxième choc pétrolier, à maîtriser l’inflation et donc à éviter les niveaux de taux d’intérêt à 2 chiffres, voire à plus de 20% que nous avons connu dans les années 80, on peut légitimement préférer une dette à taux variable à une dette à taux fixe. 

La prudence consistera à limiter néanmoins le risque de hausse de ces taux variables par l’achat d’un “cap”. De là à récupérer une partie du coût de cette couverture par le “sacrifice” de l’impact d’une baisse de taux en dessous d’un certain plancher (vente d’un “floor”), il n’y a qu’un pas, qui reste raisonnable. Le produit structuré de taux est donc né. Là où se produit le dérapage, c’est quand la vente de caps ou d’autres d’options – et donc le profit qui en résulte – est délibérément recherché pour réduire en apparence le coût de l’emprunt, en tout cas au cours des premières années, sans préjuger de l’impact dramatique sur ce coût, en cas d’exercice de ces options vendues. Et ce, d’autant plus dans le cas d’un emprunt à maturité lointaine (10 ans et plus).

A titre d’exemple, le rapport de la Cour des Comptes française présente une structure par laquelle l’emprunteur se voit offrir, en 2007, un prêt en euros à 15 ans à taux fixe de 2.96% “conditionné à l’évolution du Libor USD 12 mois”.

Au passage, on s’étonnera déjà qu’un emprunteur public français s’engage dans une formule d’emprunt lié à un taux monétaire américain. Cela étant, pour fixer les idées, le taux euro à 15 ans en 2007 a évolué autour de 4.50%. La structure, dont la lisibilité n’est pas évidente pour un non professionnel, prévoit que le taux fixe de 2.96% est d’application tant que le $ Libor 12 mois est inférieur ou égal à 6.25%, sinon le taux de cet emprunt passe à 2.96% + 5 fois l’excédent du $ Libor au-dessus de 6.25% … Cette structure est donc basée sur la vente d’un cap (à 6.25%, sur taux US), instrument normalement destiné à être acheté pour couvrir un risque de hausse de taux. Sa vente constitue donc une démarche purement spéculative. 

L’imagination en matière de prêts structurés n’a pas de limites. La presse française a commenté le cas de la dette d’une ville française dont le taux, actuellement de 4,3% va passer à 24% en avril prochain… de par les effets d’une structure liée au cours de l’euro contre la livre sterling.

 De son côté, la Cour des Comptes française cite le cas d’une structure liée à la différence entre le cours de l’euro contre franc suisse et le cours de l’euro contre dollar. Et une autre où c’est cette fois la différence entre les taux swaps à 10 ans et à 2 ans qui détermine l’évolution du taux d’emprunt. S’il est déjà hasardeux de spéculer sur l’évolution d’un taux ou d’une devise à l’horizon de 10 ans et plus, a fortiori, lier son sort à la différence entre deux taux ou devises ne peut évidemment relever d’une saine démarche. D’autant que pour dégager un avantage de taux d’intérêt au départ de ces emprunts structurés, il faut affecter d’un sérieux effet de levier la composante spéculative de la structure (jusqu’à 30 fois, dans le cas de l’exemple de la différence de cours de change ci-avant!). 

Indépendamment des pertes qu’elles sont susceptibles d’occasionner, les structures toxiques se prêtent mal à une comptabilisation adéquate – le plus souvent sans accès à une fair value satisfaisante – avec pour conséquence la difficulté de provisionner, le cas échéant, un risque de pertes à venir. Il n’est pas étonnant que les emprunteurs pris au piège de structures toxiques s’en prennent aux banquiers qui les ont mis en place, avec une marge bénéficiaire susceptible d’être d’autant plus élevée que la structure est complexe. Mais les torts doivent être partagés. Il est bien entendu critiquable qu’une banque propose un produit dont le risque est sans commune mesure avec la probabilité de pouvoir bénéficier d’un taux attractifs si les choses tournent bien (évolution favorable des taux d’intérêt et changes impliqués dans la structure). Par contre, on peut tout autant s’en prendre à l’emprunteur qui, dans le meilleur des cas, a fait montre d’incompétence et/ou de légèreté. Mais de manière sans doute quelque peu perverse, on ne peut s’empêcher de penser qu’un dirigeant de collectivité locale puisse entrer délibérément dans une structure telle que sa charge d’endettement apparaît plus ou moins sensiblement réduite les premières années… et tant pis si les choses tournent mal ultérieurement, si ça se trouve, pour le successeur du décideur initial. 

Il est malaisé de quantifier la part toxique des emprunts des collectivités locales. Pour la France, on parle de 20% d’un encours de EUR 130 milliards de crédit. Avec les perturbations qu’ont connu, et continuent de connaître, les marchés des instruments impliqués dans ces crédits toxiques, il faut s’attendre à ce que la situation telle qu’elle apparaît aujourd’hui risque d’empirer dans les mois et années à venir. D’autant que, pour en sortir, certaines collectivités locales rééchelonnent leurs crédits sans échapper aux pertes qui en résultent et dans certains cas en entrant dans de nouvelles structures, pas plus saines pour autant. Cela étant, les sommes en jeu n’atteignant pas, fort heureusement, celles des produits de titrisation de subprimes, le phénomène ne risque pas de déboucher sur une crise financière de grande ampleur ; par contre, à la différence de la crise des subprimes qui a touché les banques, c’est ici le rôle social des collectivités locales qui va en être affecté, et plus directement les classes sociales les moins favorisées qui en pâtiront. 

Enfin, il faut s’attendre à une troisième vague d’actifs toxiques, dont l’ampleur, pour limitée qu’elle soit, est susceptible de perturber la rentabilité du secteur bancaire. Paradoxalement, ces actifs sont constitués de produits structurés qui ne sont pas forcément toxiques pour les investisseurs – que du contraire – mais… pour les institutions qui les ont créés. En effet, certaines structures s’avèrent dangereuses à gérer, c’est le cas chaque fois que les modèles de valorisation laissent à désirer. Par exemple, les structures dites “autocall”, dont la commercialisation par les banques présente l’avantage d’une forte attractivité pour leurs clients investisseurs, ne peuvent être gérées que très approximativement, et par à-coups. 

Qu’il s’agisse d’autocall ou d’autres, les structures incriminées ici sont celles dont la complexité est telle qu’elles ne peuvent pas être décomposées en sous-produits (swaps et options, par exemple) susceptibles d’être adéquatement gérés individuellement. Les concepteurs de telles structures sont amenés à les valoriser par simulation statistique, dite de Monte Carlo. Cette méthode, pour attractive qu’elle soit, donne un sentiment fallacieux de sécurité aux gestionnaires, du simple fait qu’elle produit un résultat chiffré. Mais le degré de validité de ce résultat ne préoccupe pas assez leurs utilisateurs, et il est difficile, pour l’institution qui se veut à tout pris compétitive, d’y ajouter une marge raisonnable de sécurité. Quand on sait en outre que nombre de ces structures présentent une échéance lointaine, la prudence qui devrait être requise – et le surcoût que cette prudence implique – pèse peu en regard des bonus payés aux traders qui les manipulent, sans parler de la rotation de ces derniers: si celui qui a lancé une structure se dit qu’il ne sera plus là au moment où les pertes se produisent… Il faut évidemment s’attendre à ce que les difficultés rencontrées dans la gestion de tels produits, et les pertes susceptibles d’être encourues, restent confinées aux salles de marchés et noyées dans la performance de leurs autres activités. Il faut donc s’attendre à ce que cette troisième vague d’actifs toxiques, dont on peut penser que l’ampleur est de toutes manières nettement plus faible que les précédentes, ne connaisse pas le même retentissement médiatique. Il n’empêche, quand on constate que les banques ont bien vite oublié la crise qu’elles viennent de traverser, on a tout lieu de s’inquiéter de la reprise de leurs mauvaises habitudes

Pour en revenir aux structures toxiques de crédit, on l’aura compris, le propre de ces structures toxiques est d’offrir un crédit à taux conditionnel (si le cours de l’instrument impliqué dans la structure dépasse tant, le taux du crédit est majoré de tant). Même si le risque de revoir des taux d’intérêt très élevés (10% et plus) est devenu raisonnablement faible, encore faut-il que l’impact de la composante conditionnelle sur le coût d’un crédit à taux variable n’en vienne pas à dépasser le coût de cet emprunt s’il avait été conclu au taux fixe du marché. Il n’y a pas de miracle: pour pouvoir offrir, ne fut-ce qu’au départ de l’emprunt, des conditions de taux inférieures à celles du marché le structureur doit nécessairement faire prendre un risque (de perte) à l’emprunteur, le plus souvent via vente d’options, du type cap ou autres.

La finance quantitative démontre que la relation entre rendement (ici, un avantage de taux) et risque (ici, de majoration de taux) est impitoyable: plus important est l’avantage de taux potentiel, plus élevé est le risque impliqué par la structure. Il en va de même avec les placements spéculatifs, dont le revenu est conditionnel et/ou aléatoire. Ainsi, depuis belle lurette, les propositions d’investissement à caractère spéculatif, assorties d’un historique de performances, doivent obligatoirement faire figurer en caractères bien lisibles le sacro-saint avertissement “Les performances passées ne préjugent pas des résultats futurs”. 

Les autorités de surveillance des banques feraient bien d’imposer, sur les propositions de crédit à taux conditionnel, une mention d’avertissement salutaire, du genre “La relation entre avantage de taux et risque de majoration de taux est impitoyable”. 

Alain RUTTIENS Associé-gérant, NEURON sàrl Professeur affilié à l’Ecole Supérieure de Commerce de Paris

EN COMPLEMENTS INDISPENSABLES : Trappe à dettes : les finances des collectivistes français locaux vont se dégrader…..CQFD les notres aussi !!!! (cliquez sur le lien)

De la bonne et saine gestion des Collectivités Territoriales Françaises… (cliquez sur le lien)

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