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Matières premières : Au coeur de la guerre gazière entre l’Europe et la Russie

La Russie a lancé ce lundi, et pour le troisième hiver consécutif, la «drôle de guerre» de l’énergie contre l’Union Européenne, en utilisant cette fois non plus des différents commerciaux sur le gaz, mais sur le pétrole, qui transite par l’Ukraine. Un combat entre ces deux pays qui cache mal la volonté de Moscou d’augmenter encore les difficultés de réalisation du gazoduc Nabucco servant à réduire la dépendance de l’UE au gaz russe en le contournant par la Turquie, et qui rend le projet helvético-norvégien Trans Adriatic Pipeline (TAP) toujours plus prometteur.

PLUS D’EAU DANS LE GAZ EN SUIVANT :

L’Ukraine, à travers laquelle transite 80% du gaz vers l’Europe, a en effet indiqué lundi qu’elle souhaitait modifier l’avenant annuel au contrat sur le transit du pétrole russe vers l’UE, conclu en 2004 pour 15 ans, qui expire à la fin de l’année, selon  la société ukrainienne des hydrocarbures Naftogaz.

Les livraisons de pétrole vers l’Union peuvent être interrompues, selon une information du gouvernement russe, bien que le problème général des prix ait été pour l’instant résolu. L’opérateur ukrainien des oléoducs Ukrtransnafta a ainsi relevé pour sa part que les négociations achoppent désormais sur le principe «prend ou paie» que l’Ukraine veut introduire et selon lequel Moscou s’engage à payer un certain volume de transit même s’il s’avère inférieur au final à la demande, ont relevé les agences.

Mais la raison de ce nouveau conflit entre la Russie et l’Ukraine, ou de l’acceptation par ce dernier de ce nouveau bras de fer qui arrange Moscou, peut être trouvée dans l’opposition de la Russie au projet Nabucco, qui a subi fin novembre un revers supplémentaire depuis que les géants français EDF et GDF ont signé un accord pour prendre une participation au maximum à 10% dans le gazoduc South Stream (Russie, Mer Noire, Bulgarie) planifié par Gazprom et l’italien Eni (63 milliards de mètres cubes dès 2015 pour un coût de 10 milliards d’euros). Et ceci même si ce pipeline gazier devrait passer par la Hongrie pour approvisionner l’Italie à travers l’Autriche et la Slovénie. Ce dernier pays a signé un accord allant dans ce sens à la mi novembre et a ainsi rejoint l’Italie, la Grèce, la Bulgarie, la Serbie et la Hongrie. Car le pétrole russe passant par l’Ukraine pourrait ne plus être livré à la Slovaquie, à la Hongrie et à la République Tchèque, des pays partisans du nouveaux bouclier anti-missiles que la Russie veut à nouveau contrer, at- elle indiqué hier alors que les plans américains sont pour l’instant gelés.

Il faut aussi surtout savoir dans ce nouveau contexte pétrolier que la Hongrie, l’Autriche, la Roumanie et la Turquie ont signé un accord intergouvernemental pour ébaucher le tracé du gazoduc Nabucco (31 milliards de mètres cubes dès 2014 pour 8 milliards d’euros). Une manière donc indirecte de montrer les dents à la Hongrie.

Ce trajet est aussi remis en question car l’approvisionnement prévu d’Azerbaïdjan peine à être mis en place, malgré ses réserves gazières de 5 milliards de mètres cubes. L’allemand RWE faisant partie des six entreprises d’électricité impliquées dans Nabucco a démenti début novembre une rumeur selon laquelle Nabucco chercherait à s’approvisionner aussi avec du gaz iranien, alors que les Iraniens jugent ce projet irréalisables sans eux.

Restent les projets Nord Stream et TAP. Le premier, qui amène du gaz russe en Allemagne en contournant la Pologne et l’avait profondément indigné, a reçu début novembre l’accord de la Suède et de la Finlande nécessaire à sa réalisation puisqu’il passe dans leurs eaux territoriales de la Mer Baltique. Propriété à 51% de Gazprom, il coûtera 7,4 milliards d’euros et pourra fournir au maximum 55 milliards de mètres cubes de gaz.

 TAP (20 milliards de mètres cubes, 1,5 milliards d’euros), détenu pour l’instant pour moitié par Electricité de Laufenbourg (EGL/Axpo) et par le groupe pétrolier norvégien Statoil, est quant à lui bien placé pour remplacer Nabucco à cause de son plus faible coût, et parce que les contrats gaziers avec l’Iran ont été signé en mars 2008 pour 5,5 milliards de mètres cubes. Il a reçu pour la deuxième fois début décembre des fonds de la Commission européenne (TEN-N), qui montre ici tout son intérêt à soutenir ce pipeline passant sous l’Adriatique de l’Italie jusqu’à Thessalonique où la jonction doit être assurée avec la Turquie. La Commission européenne a prévu qu’elle importera 80% de son gaz en 2030, contre 58% en 2005,

SOURCE AGEFI dec09

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