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Jean Pierre Petit : Faut-il craindre une remontée des taux longs?

La récente remontée des taux longs dans le monde a suscité des craintes excessives de la part des investisseurs.

 En fait, cette tension reflète d’abord une probable remontée du taux réel (moindre sur-épargne désirée qu’au moment du choc Lehman).
Ensuite et surtout, elle révèle une moindre aversion au risque et, à la marge, l’effet de la dégradation anticipée de la solvabilité des Etats….

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La remontée devrait être modérée dans la mesure où l’inflation restera sous contrôle grâce au caractère laborieux du redressement, au maintien d’un « output gap « négatif et à la hausse du taux de chômage.
Par ailleurs, les taux courts nominaux resteront proches de zéro pendant encore longtemps et
les banques centrales n’hésiteront pas à ré-intervenir (à travers le «quantitavive easing «) sur le marché obligataire si les tensions étaient trop fortes.

Pourtant, le discours est immuable : la hausse des taux d’intérêt est toujours perçue comme une mauvaise nouvelle pour l’économie et les marchés de capitaux. Car la vision instrumentale du taux d’intérêt l’emporte hélas le plus souvent au profit d’une approche structurelle pourtant plus féconde.

La fonction du taux d’intérêt a toujours été dans l’analyse néoclassique, non pas d’élever le niveau
de dépenses ou d’épargne selon les cas, mais de sélectionner les projets d’investissement les
plus rentables. Le taux d’intérêt, comme tous les autres prix doit révéler des choix rationnels et non
pas subventionner des activités peu créatrices de valeur.

 Dès l’avant guerre, Hayek et les membres de l’école autrichienne mettaient en garde contre les dangers d’un écartement trop élevé du taux d’intérêt de sa pente naturelle.
C’est la raison pour laquelle ils proposaient de privatiser la monnaie afin que les banques soient sanctionnées par le marché lorsqu’elles prêtent à un taux différent du taux naturel.

Toutes les crises que nous avons connues depuis 20 ans ont sanctionné des excès de liquidités et des
phases de sur ou mal investissement : bulles immobilières de la fin des années 80, crise japonaise
de la décennie 90, crise des pays émergents en 1997-98, krach boursier en 2000-2002, grande crise de 2007-2009 qui a sanctionné les taux bas à l’origine de la bulle immobilière et du crédit.

 D’un point de vue « hayekien «, la faillite des banques centrales et des autorités publiques aura donc été complète.
La considérable baisse des taux au cours des années 2000 a été d’une efficacité économique structurelle douteuse et contestable au plan social. Belle allocation des ressources que celle qui a vu ainsi les pays émergents financer le déficit public américain, qui lui-même s’expliquait par les baisses massives d’impôts au profit des ménages les plus aisés, de la guerre en Irak et de la réforme de Medicare en faveur des seniors américains.

En permettant aux États de financer « sans pleurs « leur déficit, la baisse des taux, si elle est excessivement prolongée, favorise l’immobilisme institutionnel et la préservation
des rentes de toutes sortes.

Pour les investisseurs, elle contribue à occulter systématiquement les risques.

Certes, la baisse récente des taux a certainement évité des enchaînements déflationnistes à la suite de l’éclatement de la bulle immobilière et du « choc Lehman «, mais elle ne constitue pas pour autant la panacée. Elle brouille les choix, réduit l’horizon temporel des décideurs et favorisé, in fine, un certain gaspillage du capital.

Aujourd’hui, la hausse graduelle des taux représente une opportunité de procéder à une plus forte
discrimination entre les actifs et de revenir à des valorisations plus saines.
Il est temps de quitter la vision utilitariste du taux d’intérêt et lui redonner sa véritable fonction de
révélation des préférences.

JEAN-PIERRE PETIT économiste et  Stratégiste de marché 2009

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