Commentaire de Marché

Frédéric Binggeli (Banque Privée Edmond de Rothschild ) : Deux mille plus dix

La première décennie du siècle est achevée. Assurément ardue pour la finance, on est très content d’en tourner la page….

PLUS DE DETAILS EN SUIVANT :

Les illusions de l’an 2000 sont très, très loin. La surpopulation planétaire, les problèmes écologiques, l’extrémisme religieux, le terrorisme, la surconsommation, l’endettement public abyssal, le chômage, la redistribution des cartes macro et microéconomiques sont autant d’enjeux cruciaux pour les dix ans à venir.

Notre métier est de tirer avantage de ce contexte trouble. Il y a dix ans, l’avenir semblait radieux. Pourtant le bilan financier est difficile: rien à voir avec les années 80 ou 90 pour les actions (dans le rouge), les obligations et les «hedge funds» (tout de même décents) alors que l’immobilier a mieux que rattrapé des années 90 désastreuses, l’or et les matières premières sortant de 25 ans d’hibernation.

Dans cet environnement, la faculté d’adaptation vaut garantie de survie. Ne plus avoir d’illusions rend pragmatique. Toute redistribution des cartes est source d’immenses opportunités.

 Les thèmes centraux d’une allocation de portefeuille ne vont pas changer du jour au lendemain parce que nous sommes le 4 janvier. Une construction solide doit être diversifiée (obligations plutôt d’entreprises, actions, «hedge funds», matières premières et métaux précieux, immobilier).

Les thèmes centraux restent les mêmes, incontournables. La bataille pour les ressources due au développement des zones émergentes et à la démographie planétaire me pousse à détenir des affaires liées à ces cycles.

Le problème de l’inflation va se poser dans les pays émergents bien avant les pays développés et je ne suis pas sûr que les marchés financiers aient parfaitement intégré la chaîne de conséquences que cela implique. La diminution de confiance dans les monnaies, que retranscrit, entre autres la hausse du prix de l’or, peut aussi, compte tenu du niveau des taux, provoquer un regain d’intérêt pour l’immobilier résidentiel quand les banques se remettront à prêter.

L’hyper-endettement étatique, conséquence de politiciens clientélistes ayant surtout à l’esprit leur calendrier électoral, me conduit à éviter soigneusement les emprunts gouvernementaux du monde développé pour préférer des entreprises avec des vrais «cash-flows». J’applique cette même consistance en évitant le dollar américain car sa fin comme monnaie d’échange planétaire est inéluctable.

Par Frédéric Binggeli  Banque Privée Edmond de Rothschild SA.

EN COMPLEMENT :

Quatre bonnes raisons de rester prudent en 2010

Simon Nixon,THE WALL STREET JOURNAL janv10

Rares sont ceux qui auraient osé dire il y a un an que le rebond des marchés serait aussi vigoureux. La plupart des grandes places boursières ont fini 2009 à leurs plus hauts niveaux de l’année, ou à seulement quelques encâblures. Le S&P 500 et le FTSE Eurotop 100 ont tous deux progressé de 24% sur un an, tandis que les marchés d’obligations d’entreprises et des matières premières ont également amorcé une reprise.

Mais qu’en sera-t-il en 2010?

Les économistes estiment en majorité que la reprise devrait être soutenue, même si les occasions de réaliser de juteuses plus-values vont se raréfier. Seulement, l’optimisme ambiant ne doit pas faire oublier la nécessité de rester prudent, et ce pour quatre raisons.

La première est liée au risque souverain. Le défaut sur la dette de Dubai World et la crise budgétaire grecque ont rappelé que des dettes colossales restaient en souffrance, avec la garantie implicite ou explicite d’autres pays. Le marché mise sur le fait qu’Abou Dhabi va sauver Dubai, et que la zone euro ne laissera pas l’un de ses membres tomber en défaut, même si le mal s’étend à d’autres Etats lourdement endettés comme l’Irlande et l’Espagne.

Le Royaume-Uni pourrait se trouver dans une situation plus préoccupante encore, dans la mesure où il affiche le plus grand déficit budgétaire des pays industrialisés et où il ne bénéficie pas de garantie implicite.

Les stratégies de sortie de crise sont également un motif d’inquiétudes. La Réserve fédérale et la Banque centrale européenne prévoient en effet toutes deux de retirer une grande partie des liquidités d’urgence injectées durant la crise, tandis que la Banque d’Angleterre devrait interrompre son programme de rachat d’emprunts d’Etat britanniques en février. Ces décisions pourraient entraîner une forte volatilité sur les marchés obligataires, car les programmes des banques centrales ont déclenché une baisse des rendements sur toutes les classes d’actifs. Les investisseurs devraient toutefois se garder d’établir un parallèle avec 1994, lorsqu’une hausse inattendue des taux d’intérêt américains avait causé la débâcle des marchés obligataires. A cet égard, mieux vaut surveiller les signes d’une hausse de l’inflation.

L’optimisme actuel des marchés devrait également inciter à la prudence dans la mesure où il repose sur l’hypothèse d’une croissance mondiale suffisamment soutenue pour accélérer le désendettement au sein des économies occidentales. Mais il est également possible que des mesures de resserrement budgétaires associées à un retrait des incitations monétaires puisse conduire à une récession en W.

En outre, le chômage pourrait tarder à fléchir aux Etats-Unis et continuer à croître en Europe, ce qui induirait une faible demande des ménages. Et une croissance plus lente que prévu entraînerait des dépréciations plus élevées sur les crédits bancaires et accentuerait la pression qui pèse sur les déficits budgétaires.

Les risques liés aux bilans des banques compromettent eux aussi le scénario optimiste. Il est certain que le système bancaire mondial se porte mieux qu’il y a un an grâce à d’importantes injections de capitaux et à des résultats solides, mais les maisons de courtage pourraient être sensibles à une correction du prix des actifs. N’oublions pas que des doutes subsistent quant à la véritable ampleur des créances irrécouvrables. Un autre risque est en outre qu’une forte hausse des rendements obligataires puisse alourdir les coûts de financement des banques.

S’il y a peu de chances la volatilité soit aussi forte cette année qu’en 2009, les investisseurs feraient mieux néanmoins de ne pas s’attendre à naviguer sur une mer d’huile.

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