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Jean Pierre Petit : Puissance de la Chine (1)

Le bilan des vingt dernières années démontre clairement la forte résilience de l’économie chinoise.

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Seconde puissance économique en dollars courants en 2010 (dépassant le Japon), elle pourrait dépasser les Etats-Unis dès les années 2030 si l’on extrapolait les rythmes de croissance actuels. En fait, elle est déjà depuis longtemps seconde puissance économique en parité de pouvoir d’achat. Et elle devrait ainsi dépasser les Etats- Unis dès les années 2020 selon ce critère.

Plus encore, la Chine a été la nation principalement contributrice à la croissance mondiale tout au long des années 2000. En 2009, dans un environnement de croissance mondiale négative (pour la première fois depuis 1945), la Chine a affiché plus de 8% de croissance, ce qui constitue, et de loin, la meilleure performance du G20 (devant l’Inde et l’Indonésie).

 Le bilan des 20 dernières années, marquées par une succession de crises financières (logiques en économie de bulle), démontre aussi clairement la forte résilience de l’économie chinoise. Elle fut notamment la nation qui s’en était le mieux sortie lors de la crise asiatique de 1997-98 et des deux dernières récessions mondiales (début et fin des années 2000).

L’ensemble de ces performances fait d’ailleurs apparaître une capacité d’anticipation remarquable des autorités chinoises.

La Chine est devenue la première puissance commerciale mondiale en 2009 (malgré une baisse de 17% des exportations) ; elle représente désormais 10% des exportations mondiales (3% en 1999). La pénétration du marché américain est aujourd’hui de 19%. Le déficit avec la Chine explique la moitié du déficit américain, contre seulement un tiers en 2008.

Au total, les exportations chinoises ont cru de 23% par an depuis 10 ans (le double de la croissance du commerce mondial) ; si cela continuait à ce rythme, sa part de marché mondial serait de 25% dans 10 ans, soit le record historique pour un pays (18% pour les Etats-Unis au début des années 50 et 8% aujourd’hui).

Sa puissance financière a aussi été mise en évidence par son accumulation des réserves de change. Les réserves de change augmentent de presque 35 milliards de dollars par mois depuis 2003. Elle totalise ainsi aujourd’hui presque le tiers des réserves de change mondiales (2400 milliards contre 207 milliards fin 2003). La Chine prête un milliard de dollars par jour aux Etats-Unis et elle possède 800 milliards de Treasuries; elle est ainsi devenue le premier créancier extérieur des Etats-Unis.

La Chine se retrouve un peu face à l’Amérique dans la même situation que les Etats-Unis eux-mêmes vis-à-vis des pays européens belligérants au lendemain de la première guerre mondiale.

 A cela s’ajoute un processus de diversification des réserves (plus de 100 milliards d’acquisitions étrangères durant les années 2000) qui s’est amplifié à partir de 2006; CIC possède ainsi 12% de Blackstone et 10% de Morgan Stanley.

Certes, cette puissance économique, commerciale et financière s’explique en partie par la sousévaluation du renminbi. Le taux de change effectif réel de la devise chinoise est au même niveau qu’en 2000, malgré des excédents courants croissants (10% du PIB en 2008) et une progression du PIB par habitant de 10% par an de 2000 à 2008. Mais cette constatation laisse les pays occidentaux parfaitement démunis. Les gains de parts de marché de la Chine doivent en effet se comparer aux gains de pouvoir d’achat de biens exportés de Chine et à la pression baissière des taux longs internationaux.

Toute idée de restriction commerciale massive de la part des Etats- Unis contre la Chine n’a donc guère de sens. Les Etats-Unis ou la plupart des pays d’Europe occidentale (qui subiraient par ailleurs des mesures de rétorsion) sont peu en mesure de substituer (à court et à moyen terme) une production nationale (textile, électronique grand public, PC, jouets,…) aux exportations chinoises.

Aujourd’hui 70% des produits de Wal Mart viennent de Chine, faisant ainsi de Wal Mart le 8ème partenaire commercial de ce pays.

Enfin, cette analyse fait fi de la décomposition internationale du processus productif : environ les deux tiers des exportations chinoises sont le fait d’entreprises américaines implantées en Chine (ou de joint-ventures sino-étrangères).

Pour le reste, la Chine est en retard dans deux autres attributs de la puissance, les aspects militaires et technologiques.

Au niveau militaire, ses dépenses sont encore 10 fois inférieures à celles des Etats-Unis, mais elles ont décuplé en 20 ans et la Chine reste la seule force nucléaire d’Asie (avec la Corée du Nord). Surtout, ses marges de manoeuvre budgétaires sont sans commune mesure avec celles des Etats-Unis.

 La dette publique ne représente que 35% du PIB (sans il est vrai tenir comptedes dettes locales ni des crédits garantis par les provinces).

Par ailleurs, la Chine dépend encore à 50% des technologies étrangères et ses dépenses de recherche- développement représentent 1,5% du PIB (0,7% en 1999). Mais ce retard relatif est combattu par les autorités (objectif de dépenses de R&D de 2% en 2010, volonté de bénéficier des transferts de technologie,…).

JEAN-PIERRE PETIT  Economiste et  Stratégiste de marché jan10

BILLET PRECEDENT : Jean Pierre Petit / Les leçons de 2009 (2) : Toutes les bulles ne se valent pas (cliquez sur le lien)

EN COMPLEMENT : Chine : Les investissements chinois s’internationalisent…. (cliquez sur le lien)

Chine : « We are the champions » ou quand surchauffe et mercantilisme battent leur plein…. (cliquez sur le lien)

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