Etats-Unis

Cedric Tille : Et si Ben Bernanke n’était pas reconduit?

Le Sénat montrerait que les politiciens optent pour des mesures purement symboliques en refusant de le confirmer à la tête de la Fed.

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Ben Bernanke sera-t-il confirmé par le Sénat américain pour un second terme comme directeur de la Fed?

S’il ne fait pas l’unanimité parmi les élus, il semblait jusqu’à récemment acquis que Bernanke obtiendrait un second terme. La donne a cependant changé suite à l’élection d’un républicain comme sénateur du Massachusetts, un siège jusqu’alors solidement démocrate. Voyant leur position affaiblie, plusieurs élus se montrent plus réticents envers Bernanke, et il est possible qu’il ne soit pas réélu d’ici au délai du 31 janvier.

Les Sénateurs reprochent grosso modo deux choses à Bernanke. Tout d’abord il n’a pas vu venir la crise et n’a pas freiné Wall Street avant qu’elle n’éclate. Ensuite, il a utilisé de substantielles ressources publiques pour tenir le secteur financier à bout de bras.

 Il est tout à fait exacte que la Fed a été surprise dans une grande mesure par la crise, et que bien de ses actions n’ont pas été parfaites (par exemple la gestion des problèmes à AIG et Lehman Brothers).

La Fed est du reste tout à fait consciente de ces limites et travaille constamment à améliorer ses analyses et outils. Cela dit, il est toujours plus facile de critiquer une politique avec plusieurs mois de recul que de la construire dans l’urgence.

Les autres acteurs de la politique économique n’ont également pas fait mieux. Le Congrès en particulier a fortement soutenu la croissance du marché immobilier dans l’optique de favoriser l’accès au rêve américain de la propriété, et s’est montré très à l’écoute des doléances de Wall Street (et des donations venant du secteur financier pour les campagnes électorales).

Quelles seraient les conséquences d’un refus du Sénat de confirmer Bernanke ?

 La Fed n’arrêterait pas de fonctionner, car la place serait sans doute prise par le numéro deux de l’institution, Donald Kohn, qui est tout à fait à même d’assumer ce rôle. La décision aurait cependant deux conséquences très néfastes.

Tout d’abord, elle montrerait que face à la colère populaire bien compréhensible en ces temps de crise, les politiciens optent pour des mesures purement symboliques plutôt que de s’atteler à la tâche ô combien plus ardue de gérer les choix cornéliens et les réformes complexes auxquels la politique économique fait face. Par exemple, les efforts substantiels de la Fed pour soutenir le secteur financiers ne reflètent pas une sympathie marquée de Bernanke pour les richissimes financiers, au contraire, mais bien la réalisation que le grand public avait tout à perdre d’un effondrement du système financier.

En fait la réponse agressive du Trésor et de la Fed est une raison majeure pour laquelle nous avons évité une grande dépression. Une décision négative du Sénat enverrait un signal très fort que la politique économique manque de leadership.

Deuxièmement, un rejet de Bernanke pèserait sur les actions futures de la Fed qui ne disposerait plus que d’un appui limité du monde politique.

Si les banques venaient à traverser une nouvelle tourmente, ce qui n’est pas à exclure vu la fragilité de la reprise, la Fed pourrait rester plus en retrait que par le passé, avec des conséquences néfastes pour l’ensemble de l’économie.

CÉDRIC TILLE Professeur d’économie à l’IHEID de Genève jan10

EN COMPLEMENT UN DES EXCELLENTS DERNIERS BILLETS DE JEAN PIERRE CHEVALLIER : http://www.jpchevallier.com/article-l-amerique-au-bord-du-gouffre-43608984.html (cliquez sur le lien)

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