Etats-Unis

Jeanette Williner : Trop d’ambiguïté n’aidera pas les marchés

La proposition actuelle différencie les règles selon les activités des banques. Ce qui laisse pensif dans l’avenir de la loi Volcker.

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 Il ne sert à rien de revenir sur le passé. Il faut tout de même regretter l’abolition hâtive du Glass- Steagall act. Mis en place à la suite de la crise des années trente, cette loi n’a nullement nuit au développement économique et financier des Etats-Unis. Tout simplement parce que la stabilité préside à toute croissance. La rudesse a certainement  été la clé de son succès.

Interdisant aux banques de dépôts de sortir de leur métier, une catégorie d’établissements avait ainsi été créée: les «banques d’investissement », plus simplement banques d’affaires.

Que propose le président Obama aujourd’hui? Bien sûr il n’est pas question de Glass-Steagall act. Sa résurrection conduirait au démantèlement des structures existantes.

Et pourtant il ne s’agit ni plus ni moins d’un Galss-Steagall inversé. L’authentique imposait des règles différenciées suivant le type d’établissement. La proposition actuelle, quelque part tout aussi rude, différencie les règles selon les activités des banques.

Ce qui laisse pensif dans l’avenir de la «loi Volcker», puisque le projet de réforme est baptisé ainsi, c’est le personnel que l’on trouve au plus haut niveau et qui, logiquement, est appelé à la défendre.

Tim Geithner est actuellement ministre des Finances. Il est convaincu de laisser toute la liberté possible au marché. D’ailleurs en 2008, alors gouverneur de la Fed de New York, il avait été dans un sens diamétralement opposé à celui préconisé aujourd’hui. Avec le secrétaire au Trésor, Paulson, il a organisé la reprise de Bear Stearns par JPMorgan- Chase et celle de Merrill Lynch par Bank of America. Ce sont des mariages de banques d’affaires et de banques de dépôts.

Le mentor de Geithner est Larry Summers lui-même nommée à la présidence de la cellule des conseillers économiques du président par Obama. C’est le même Larry Summers qui avait incité Bill Clinton à signer l’abolition du Glass-Steagall act dont les conséquences ont été calamiteuses pour le capitalisme américain que, par ailleurs, il vénère tant.

Certes, l’avis de Paul Volcker, conseiller spécial du président et directeur du Conseil pour la reconstruction économique, a prévalu.

L’éthique économique de Paul Volcker n’a jamais suscité la moindre interrogation. Très interventionniste, il ne s’est jamais préoccupé des intérêts d’une sphère économique plus que d’une autre. S’il a été débarqué par l’administration Reagan, dont Bush père faisait partie, c’est parce qu’il n’a pas été jugé capable de sortir correctement des mesures anti inflation qu’il avait mises en place. Le destin l’a servi: la crise boursière de 1987 et les excès engendrés par les solutions apportées ne sont pas son fait.

A ce stade déjà, le bras de fer va s’organiser. Par ailleurs, il va être extrêmement difficile de quantifier et de délimiter les opérations pour propre compte effectuées par les établissements bancaires.

Goldman Sachs, cible par excellence (à juste titre) a tout de suite rappelé que ses transactions sur les marchés étaient pour la plupart réalisées pour ses clients. Seulement environ 10% de ses revenus viendraient de spéculations effectuées dans son seul intérêt.

Peut-être mais l’interdiction faite aux établissements ayant une part de leur activité dans la banque commerciale de détenir, d’investir, de sponsoriser hedge funds ou fonds de private equity aura sans nul doute un impact sur tous les établissements américains qualifiés de too big to fail. C’est une bonne chose car la crise des subprimes a démontré que la complexité actuelle des établissements bancaires les menait dans le mur.

Ce ne sont certes par les activités pour propre compte qui ont fait exploser la bulle des crédits. Par contre, le développement échevelé des activités financières en est lui responsable et ce n’est pas fini. D’autres crises sont en gestation puisque les établissements bancaires ont jouée la même partie au cours de tous ces derniers mois alors qu’il leur reste un montant énorme de créances douteuses.

D’ores et déjà toutes les parties impliquées se frottent les mains: aux Etats-Unis une année électorale est sacrée et traditionnellement rien n’est voté. Cependant les milieux d’affaires américains ne sont pas tous financiers. La population américaine a payé un lourd tribut à la crise pour le bien être de quelques uns. Ceux-ci ne font pas l’industrie et cette dernière ne les encense pas forcément au moment présent. Plus de 150 banques régionales ont disparu l’année dernière et elles sont beaucoup plus importantes pour l’économie intérieure que les mammouths que l’on veut brider en écrêtant leur activité.

Les discussions qui vont s’amorcer ne laisseront pas le marché indifférent.

D’autant plus que son évaluation par rapport à la situation économique est plutôt élevée.

Des arguments vont être avancés et amèneront l’investisseur à réfléchir et le conduiront à regarder où il dépose son argent, qui lui donne des conseils et en quoi consistent vraiment ces derniers.

Ce contexte ne construit pas des marchés nécessairement orientés à la hausse. Tout comme des réajustements spectaculaires ne peuvent être exclus le temps que les nouvelles lignes de conduite soient clairement dessinées et surtout défendues avec conviction.

Le président Obama ne pourra se contenter d’un contexte flou voire aléatoire. La finance l’a humilié et le président doit être prêt à subir un lynchage médiatique sans précédent de la part des mêmes milieux.

A moins qu’une opinion publique forte fasse savoir que les banquiers ne méritent plus le pain, le beurre et la confiture. Il est vrai que seul le pain est nécessaire pour les cellules grises.

JEANNETTE WILLINER  Analyste financier indépendant

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