Europe

Trappe à dettes : Thérapie de choc à la grecque

Le pays traverse une crise financière et économique d’une rare acuité. . Plongée au cœur de la capitale, Athènes

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 Le long de la rue du Pirée, à Athènes, au numéro 83, la bâtisse paraît quelconque: aucune enseigne, aucun nom sur la porte. Elle abrite pourtant discrètement la Fondation Andreas-Papandréou. A l’intérieur, le fils, Nicholas Papandréou, 53 ans, s’érige en gardien du temple familial. Comme son frère Georges, actuel premier ministre de la Grèce, il maîtrise parfaitement le verbe anglais comme un Grec né à Berkeley, en Californie. Mais contrairement à lui, il a préféré l’écriture à la politique.

Dans un ouvrage intitulé A Crowded Heart, il rappelle ces grands moments où son père, qui fut premier ministre de 1981 à 1989 et de 1993 à 1996, était porté par les foules quand il tenait des discours dans des villages retirés de Grèce. Par la fenêtre du bureau où il nous reçoit, on entrevoit au loin le Parthénon qui trône, impassible.

Puis, au fil de la discussion, Nikos Papandréou ose la comparaison: «Mon frère Georges, c’est Obama en plus ambitieux. Et s’il présente une réforme fiscale aussi radicale, c’est parce qu’il se rend compte qu’il faut surprendre les citoyens grecs avant qu’ils ne trouvent un moyen d’échapper à ces nouvelles mesures.» Dans la famille, on n’a pas oublié la devise du père quand il était chef du gouvernement: «Nous vaincrons la dette ou la dette nous vaincra.»

Gouvernement socialiste de rupture. C’est ainsi que l’écrivain Papandréou présente son frère et ses ministres. «C’est une nécessité», insiste-t-il. Car derrière la douceur méditerranéenne et la faconde envoûtante de ses habitants, la Grèce traverse une crise économique et financière d’une rare brutalité, qui a pris le pays à la gorge. Son déficit de 12,8% du PIB et sa dette de 300 milliards d’euros ont accru dangereusement la distance entre Athènes et Maastricht, ville symbole de l’orthodoxie de l’Union européenne en matière de finances publiques. Les réformes ambitieuses que le chef du gouvernement a lancées laissent croire à une nouvelle ère politique incarnée par un premier ministre moderne. Réforme fiscale, réforme de l’administration et de l’immigration, nouvelle loi électorale. La méthode est radicale.

Chaque ministère va devoir diminuer ses dépenses de 10%, les effectifs globaux de la fonction publique vont être réduits. Chaque ministre devra désormais publier sur Internet toute décision qui crée une dépense. «Elles seront plus efficaces, et la transparence contribuera à réduire la corruption», espère Charalambos Pamboukis, bras droit du premier ministre. Les informations fiscales vont être croisées pour la première fois afin de démasquer les fraudeurs. Des signes montrent que les Grecs aspirent déjà à un changement. Quand ils font leurs achats, ils sont de plus en plus nombreux à exiger un reçu. L’Etat espère ainsi encaisser des recettes fiscales supplémentaires, évaluées à 1,7 milliard de francs. Les autorités politiques grecques comptent sur la responsabilisation des citoyens, mais ils n’en font pas mystère: un système de sanctions est nécessaire.

A la rue du 3-Septembre, son bureau est jonché de documents épars. Chevelure grise chatoyante, costume beige et cravate verte, Gerassimos Notaras, 73 ans, porte en lui toute l’histoire récente de la Grèce. Actuel directeur des archives historiques de la National Bank of Greece, un établissement privé, il est né au moment de la dictature de Ioánnis Metaxás (1936-1941), étudiait au collège quand éclata la guerre civile. Lorsque les colonels imposèrent leur pouvoir autoritaire en 1967, il fut accusé de sédition et passa cinq ans et demi en prison. Après sa détention, son témoignage et ceux d’autres prisonniers poussèrent le Conseil de l’Europe à exclure la Grèce de son enceinte.

Aujourd’hui, Gerassimos Notaras est animé par un sentiment contradictoire: il est fier de la démocratie grecque, mais peine à masquer un ton quelque peu désabusé. «Nous avons peut-être plus souffert que d’autres pays européens», constate-t-il. Mais pour celui qui créa une université clandestine quand il croupissait dans les geôles des colonels, «ce n’est pas une excuse. Nous, Grecs, sommes tous responsables de notre propre situation. Je crains qu’un changement politique ne soit suffisant. Il faut un changement de mentalité, et cela prend des générations.»

Rongée par le clientélisme et la corruption, la Grèce doit emprunter cette année plus de 50 milliards d’euros pour financer sa dette. Un plan de stabilité a été présenté par le gouvernement socialiste, et Bruxelles l’a avalisé mercredi en imposant à Athènes des conditions strictes. Quelques heures plus tôt, au palais Maximos, siège du gouvernement, le premier ministre Georges Papandréou a exhorté les partis politiques grecs à l’union sacrée. «C’est un devoir national de ne pas laisser le pays au bord du gouffre.»

Bien que le centre-ville d’Athènes exhibe ses boutiques de luxe et ses grosses cylindrées, bien que les touristes continuent d’affluer, mais en plus petit nombre, pour contribuer à hauteur de 18% au produit intérieur brut, le pays réel souffre. 14% des salariés sont au-dessous du seuil de pauvreté. Le salaire moyen ne dépasse pas 1540 francs suisses. Le taux de chômage, qui touche particulièrement les jeunes, atteint 10%.

Dans le quartier de Pláka, dans un bar qui applique avec modération l’interdiction de fumée, Stelios, 31 ans, a beaucoup d’amis qui ont achevé leurs études et qui pointent au chômage. Il étudie les technologies de l’information à l’Athens Technical University. Habitant chez ses parents, il n’est pas habité par un sentiment de culpabilité: «Dans les familles grecques, les parents aident leurs enfants jusque bien après le mariage.»

Directeur de l’Institut du travail de la Confédération hellénique des syndicats des travailleurs, Savvas Robolis s’étrangle quand il doit expliquer l’ampleur de l’évasion fiscale, estimée à 30% du PIB. Il avance d’autres chiffres édifiants: «Sur les 15 milliards d’euros de recettes fiscales que l’Etat a engrangées en 2009, 11 provenaient des salariés et des impôts directs et 4 des 940 000 entreprises.» Savvas Robolis avait pourtant déjà averti en 2004 de la probable forte détérioration de l’économie grecque. Mais «en pleine période des Jeux olympiques d’Athènes, je criais dans le désert», se souvient-il.

Pour se faire une idée du système lacunaire de collecte d’impôts, l’une des causes de la crise actuelle, il vaut la peine de s’intéresser au quartier de Kolonaki. Là, l’administration fiscale grecque a examiné les données fiscales de 150 cabinets médicaux pour constater que plus de la moitié déclaraient des revenus inférieurs à 42 000 francs suisses par an. La corruption est aussi un grave problème. Pour s’assurer que sa voiture passe le contrôle technique périodique, il est habituel de verser 420 francs. Pour esquiver la file d’attente dans un hôpital public: 3500 francs.

Les déficiences du système touchent aussi la sécurité sociale: «Un peu plus de 12 milliards de francs de cotisation pour la sécurité sociale ont disparu dans la nature», déplore Savvas Robolis. La corruption, un fait culturel grec? Theodoros Pangalos, vice-président du gouvernement qui n’a pas l’habitude d’user de la langue de bois, rejette la critique: «Quand on pense à notre pays, on mentionne Aristote, Périclès ou encore Alexandre le Grand. On oublie souvent les cinq siècles que la Grèce a passés sous l’emprise de l’Empire ottoman.» Sous les Ottomans, l’évasion fiscale était une manière de se soustraire à la tutelle étrangère. Des habitudes qu’il est difficile de perdre…

Les maux et la crise qui affligent le pays n’ont rien d’une tragédie grecque où le sens de l’histoire serait inéluctable, ironise le directeur du journal To Vima. Pour Pantelis Kapsis, «les Grecs aiment flirter avec la catastrophe. Mais ils ont toujours pris la bonne décision à la dernière minute. Avec le roi Georges II, on avait failli s’allier aux nazis avant de se rebiffer. Après la guerre, on aurait pu basculer dans le camp soviétique. Avec l’aide des Américains, cela a été évité.»

Les réformes proposées ne seront pas faciles à concrétiser. Les gouvernements précédents n’ont jamais réussi à réformer l’Etat. Mais Georges Papandréou compte sur «le mandat très clair qu’il a obtenu des Grecs lors des élections d’octobre 2009», souligne Alexis Papahelas, directeur du quotidien Kathimerini et figure médiatique. Mais ce n’est pas sans risque. «Le premier ministre entend supprimer les privilèges. C’est de nature à froisser son propre parti, le Pasok, dans lequel une large frange populiste donne de la voix.»

Pour le gouvernement grec, le grand défi est de convaincre la population de participer à l’un des efforts d’austérité les plus soutenus qu’ait connus le pays. A la place Syntagma d’Athènes, à deux pas du parlement, le pouls de la révolte sociale bat encore faiblement au rythme d’une centaine de manifestants. Mais il pourrait vite s’emballer si les réformes ne se font pas sous le signe de la «justi­ce sociale» et que seuls les salariés et retraités, incapables d’échapper au fisc, passent à la caisse. L’extrême gauche, minoritaire mais très active, promet elle aussi de faire monter les enchères, le Parti communiste (KKE) et la gauche radicale Syriza ayant déjà rejeté les mesures d’austérité. Par la voix de Savvas Robolis, la Confédération hellénique des syndicats des travailleurs promet de mettre fin au partenariat social si elle n’est pas entendue. A partir du 10 février, les grèves pourraient se multiplier. Une perspective qui ne perturbe pas le ministre Charalambos Pamboukis. «Nous sommes prêts à payer le prix qu’il faut pour aller de l’avant.»

Les Grecs, relève Pantelis Kapsis, directeur de To Vima, sont habitués à trop dépenser puis à se serrer la ceinture. Les plans d’austérité ont été nombreux. Andreas Papandréou en avait mené plusieurs avec succès en 1985 et 1993. «Mais cette fois-ci, il y a une différence majeure, explique le journaliste. La Grèce, qui appartient à l’eurozone, ne dispose plus de l’arme de la dévaluation.»

Malgré les difficultés, le directeur du quotidien Kathimerini Alexis Papahelas nourrit de vrais espoirs. «La flexibilité est dans l’ADN des Grecs. Il suffit de voir comment ils se sont adaptés à l’étranger.» Konstantine Gatsios, directeur des études postgrade à l’Athens University of Economics and Business, est aussi optimiste: «Les Grecs sont comme les Arméniens ou les Juifs, ils attachent énormément d’importance au capital humain.» Bien formés donc et prêts à affronter les défis d’un monde globalisé plus complexe.

Il y a peu, on les disait incapables de préparer les Jeux olympiques de 2004. Non seulement ces derniers furent une réussite, mais aujourd’hui, Athènes dispose d’un métro moderne et efficace qui relie l’aéroport au centre-ville. «Les problèmes actuels sont peut-être d’ordre culturel, mais, conclut Alexis Papahelas, la culture change.»

Par Stéphane Bussard,envoyé spécial à Athènes le temps fev10

Le secteur agricole, catalyseur de l’intégration

Par S.Bu.

Les politiques grecs n’ont jamais saisi l’occasion de moderniser l’agriculture qui est dans une impasse. Un domaine dans lequel l’immigration issue de l’ex-bloc soviétique a été un soutien majeur. Dans la société grecque, les immigrés jouent plus largement un rôle multifonctionnel relativement bien perçu.

Des milliers d’agriculteurs qui dressent des barrages aux quatre coins du pays pour un coût de 30 millions de francs par jour. Un gouvernement qui n’est pas prêt à faire des concessions aux paysans de peur d’ouvrir la boîte de Pandore des revendications. L’Union européenne qui soupçonne la Grèce d’avoir subventionné illégalement ses paysans. Le malaise agricole grec est profond.

Petites exploitations

L’agriculture grecque est en crise, pour ne pas avoir su s’adapter à un marché agricole mondial très compétitif. Un exemple? L’huile d’olive grecque est en partie exportée en Italie, où elle est mélangée avant d’être exportée sous un label italien. Représentant 2,8% du PIB, le secteur agricole est devenu marginal en ­termes de production de richesses. Sur les 678 000 exploitations que compte le pays, 576 000 n’offrent du travail qu’à une seule personne. La taille moyenne des domaines ne dépasse pas 5,5 hectares et 70% des surfaces cultivables se situent en terrain difficile. La plupart des paysans grecs sont contraints de se trouver des emplois d’appoint. Un tiers des agriculteurs a plus de 65 ans.

Professeur de sociologie rurale à l’Agricultural University of Athens, Charalambos Kasimis critique la manière dont les politiques ont géré le dossier agricole au cours des dernières décennies. Selon l’universitaire, la Grèce a raté trois occasions de moderniser son agriculture. Dans les années 1920, quand près d’un million de réfugiés vinrent en Grèce, le pays entreprit une vaste réforme agricole. «Mais on a jugé plus important de préférer l’égalitarisme à la rationalité économique», s’étonne-t-il. Dans les années 1960, les autorités n’ont pas incité le monde rural à se moderniser. Sous l’effet de la misère, puis de la dictature, des centaines de milliers de jeunes ont quitté les campagnes pour émigrer en Australie, aux Etats-Unis, au Canada et en Allemagne. Les agriculteurs qui restèrent ne survécurent que grâce à l’argent de la diaspora (estimée aujourd’hui à 7 millions de personnes). Enfin, «la Grèce n’a pas profité des subventions de Bruxelles pour restructurer le secteur. Nous sommes dans une impasse.»

Mémoire rurale

Même si les partis politiques voient dans la jacquerie un caprice d’agriculteurs longtemps abreuvés par les subventions, Charalambos Kasimis fait une analyse différente. «Il n’y a pas que des agriculteurs en quête de subventions dans la rue, il y a aussi des jeunes paysans modernes, dynamiques, qui attendent que le pouvoir politique leur donne enfin un cadre propice à une agriculture du XXIe siècle. C’est très positif et, fait nouveau, ces jeunes agriculteurs sont indépendants des partis.» Ils bénéficient d’une oreille attentive de la population, car «il ne faut pas oublier que mêmes les Athéniens ont conservé une mémoire rurale. Athènes est devenue une grande ville dans les années 1960. Si on remonte d’une génération dans le temps, ses habitants étaient des paysans», précise l’universitaire.

Un phénomène massif a fortement influencé le secteur agricole: l’immigration. Avec l’effondrement du bloc soviétique, près d’un million d’immigrés sur une population de 11 millions ont débarqué d’Albanie (plus de 60%), de Bulgarie, de Roumanie. Plus tard, des vagues migratoires viendront d’Afghanistan, d’Inde et du Pakistan. De pays d’émigration, la Grèce est devenue, malgré un fort taux de chômage, un pays d’immigration. Jeunes pour la plupart, les immigrés travaillent surtout dans l’agriculture, mais aussi dans la construction et le tourisme. Travailleurs payés à la tâche, ils ont permis de baisser les coûts de production. Une forme de cadeau empoisonné, car ils ont malgré eux contribué à masquer la crise structurelle du secteur agricole.

Le rôle des immigrés

Fait remarquable: les frictions sociales ont été globalement marginales, malgré les différences culturelles et religieuses des immigrés. Les Grecs manifestant un rejet social des travaux agricoles mal payés, les immigrés sont relativement bien perçus. D’autant que leur apport ne se limite pas à l’agriculture. «Ils ont un rôle multifonctionnel, poursuit Charalambos Kasimis. Ils remplissent aussi des tâches domestiques.

Ce faisant, ils se substituent à l’Etat social pour venir en aide aux familles grecques dont les deux conjoints travaillent. Ils comblent enfin les trous de la démographie. Dans certains villages du nord de la Grèce, ils ont permis la réouverture d’une école.» Le directeur du quotidien Kathimerini,Alexis Papahelas, nuance le tableau: dans des quartiers comme Omonia («concorde» en grec), des ghettos se sont formés. Il prédit des dérapages dans les discussions autour du projet de régularisation des immigrés de deuxième génération proposé par le gouvernement: «On risque d’assister à un débat sur l’identité nationale et de passer à côté des vrais enjeux liés à la régularisation.»

Un pays bien ancré dans l’Europe

Par S. Bu.le temps fev10

Les attaques virulentes proférées la semaine dernière par des responsables européens au sujet de la situation financière critique de la Grèce ont agacé. Malgré l’impact modéré de leur économie sur l’euro, les Grecs ont l’impression d’avoir fait les frais d’une crise à bon marché pour, en réalité, mettre en garde les autres Etats membres de l’Union européenne, accablés eux aussi par des déficits et une dette élevés. Allusion à l’Espagne, à l’Italie, au Portugal et, dans une moindre mesure, à la France et à la Grande-Bretagne. Cette crise a-t-elle distendu les rapports entre Athènes et Bruxelles?

«Non, en aucun cas. Mais cette crise a montré l’une des faiblesses de l’eurozone», argue Loukas Tsoukalis, président de la Fondation hellénique pour la politique européenne et étrangère et conseiller du président de la Commission européenne José Manuel Barroso. A Athènes, on déplore une obsession monétariste liée à l’euro et le manque de coordination des politiques fiscales et économiques des Etats membres de l’UE. Loukas Tsoukalis met la crise actuelle en perspective: «Les critères de Maastricht (3% de déficit public et 60% de dette par rapport au PIB) correspondaient à l’orthodoxie de l’époque. C’était un mécanisme prévu pour une période de beau temps.»

Le courroux une fois passé, les Grecs ne regrettent pas une seconde d’avoir adhéré à l’UE en 1981 avec l’aide du président français Valérie Giscard d’Estaing et du chancelier allemand Helmut Schmidt. «La Grèce a gagné en confiance dans un voisinage longtemps instable. Elle a profité des échanges d’expériences au niveau de l’administration, des universités et des syndicats. Les fonds structurels de l’UE ont beaucoup aidé la Grèce. Ils ont représenté jusqu’à 4% du PNB grec. Quant à l’adhésion à l’euro, ce fut un succès pour la Grèce. Je n’ose pas imaginer aujourd’hui la situation si nous avions encore la drachme

Du côté de Bruxelles, l’utilisation des fonds structurels par la Grèce a parfois été la source de vives tensions. Les gouvernements grecs successifs, y compris celui d’Andreas Papandréou, n’ont pas toujours spécifié aux bénéficiaires qu’il s’agissait de fonds européens et qu’ils devaient être utilisés à une fin précise. D’où l’impression qu’ils ont servi à des fins politiciennes et clientélistes.

Par rapport à l’Europe, la Grèce n’est pas que demandeuse. Elle contribue aussi au développement des Balkans. Selon Spyros Kouvelis, vice-ministre des Affaires étrangères, Athènes a mis sur pied un programme d’aide aux pays des Balkans et de l’ex-Yougoslavie dénommé HiPERB. «Notre but est que tous ces pays soient membres de l’UE en 2014, année de la présidence tournante grecque. Après la guerre du Kosovo, ce serait un événement historique», se réjouit-il. Aujourd’hui déjà, les entreprises grecques sont les plus grands investisseurs aussi bien en Serbie qu’en Albanie. «Nous voulons faire office de pont entre Bruxelles et les Bal­kans. Une stabilité politique de la région, conclut Spyros Kouvelis, est dans notre intérêt.»

Victime des « méchants spéculateurs » ?

Ancien cadre de la Banque centrale espagnole et à présent professeur de finance à l’IMD à Lausanne, Arturo Bris ne partage pas cet avis. Selon lui, les investisseurs à court terme tirent simplement avantage des informations disponibles ou du manque d’informations. «Dans ce contexte, la dette grecque est un bon placement, dit-il. Le rendement est élevé, mais les risques sont aussi très grands.»

Arturo Bris estime que les marchés sont déjà assez réglementés; sinon trop de règles tue les marchés. Selon lui, le problème des Etats en difficulté est le manque de crédibilité des politiciens qui sont au pouvoir. «Fondamentalement, il n’y a pas de différence entre l’Espagne et l’Allemagne, dit-il. Par contre, on ne voit pas les mêmes hésitations à Berlin qu’à Madrid. Le gouvernement portugais paraît plus décidé à mener les réformes, mais la population n’a pas l’air de vouloir le suivre.»

«Business is business»

«Pour les marchés, business is business, déclare Cédric Tille, professeur d’économie à l’IHEID. Ces derniers estiment que les risques liés à la dette justifient un rendement élevé.» Il explique aussi que le problème n’est pas la spéculation, mais les sombres réalités économiques de ces pays (Grèce, Espagne, Portugal, Italie). «Ce n’est pas non plus une question de liquidités, mais d’adéquation fiscale qui fait défaut. Il s’agit des économies dont les bases sont solides», a-t-il poursuivi.

Cédric Tille estime par ailleurs que les marchés resteront actifs sur la Grèce, suivant de près l’application des réformes annoncées par le gouvernement. Dans ce contexte, il privilégie une intervention du Fonds monétaire international pour remettre le pays sur les rails.

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