Commentaire de Marché

Carmignac Gestion :L’état de l’Union est fort… mais pas partout

Vous n’êtes pas sans savoir qu’il est une tradition immuable selon laquelle, lors du message annuel à la nation, le Président des États-Unis doit prononcer la phrase : « L’état de l’Union est fort ». Quelques variantes ont été apportées de-ci de-là au gré des circonstances par chaque Président en exercice, mais nul ne déroge à ce rituel. Pas plus cette année qu’une autre. Ainsi, Barack Obama, lors de son adresse à la nation, prononcée devant les deux assemblées le 28 janvier dernier, n’a-t-il omis la traditionnelle phrase, en déclarant : « Malgré nos difficultés, l’état de notre Union est fort ». S’il ne faut que partiellement accorder le bénéfice du doute au Président Obama, il est évident que de ce côté de l’Atlantique, l’état de l’Union Européenne est loin d’être fort.

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À cause de la Grèce. Oui, mais pas seulement. La Grèce est la partie émergée de l’iceberg. Dans le rapport de gestion de Carmignac Patrimoine au 31 décembre nous évoquions ce risque, que nous avions clairement identifié : « Le redressement des comptes publics n’est ainsi pas encore la priorité des politiques. Les dérapages budgétaires ont pourtant déjà révélé quelques îlots de fragilité parmi les émetteurs souverains… le cas de la Grèce, bien sûr, mais aussi de l’Espagne ou de l’Irlande témoigne des tensions exercées par la réduction de l’effet de levier sur les gouvernements, dont la croissance de la dette compense la majeure partie de la réduction de celle des agents privés… Ce lent processus de réduction de l’effet de levier entre dans une nouvelle étape où, après la crise globale et les mesures globales de sauvetage, le crédit de chaque pays évoluera en fonction de ses propres mérites. L’analyse des risques souverains sera critique pour 2010. » Ce qui diffère un mois plus tard, c’est que la défiance vis-à-vis du crédit souverain d’un pays s’est répandue comme une traînée de poudre à d’autres pays de la zone euro.

Dans les pays où structurellement le taux d’épargne brut est fort le financement du surcroît de dette n’a pas constitué jusqu’à présent un problème majeur. Dans le cas des pays au faible taux d’épargne brut (Grèce et Portugal par exemple), le refinancement de la dette devient un double problème. D’abord parce qu’il faut attirer des investisseurs extérieurs et malgré les efforts de Goldman Sachs, l’administration des Réserves de change chinoise doit être davantage tentée d’acheter des bons du Trésor américains libellés dans la monnaie de réserve du monde plutôt que la dette publique grecque.

 Deuxièmement, il faut que les gouvernements de ces pays prennent des mesures d’austérité draconiennes au pire moment. C’est possible en Irlande, ce sera plus difficile en Espagne, c’est le 13e des douze travaux d’Hercule pour la Grèce ! Sans marge de manoeuvre d’ajustement du taux de change, il ne reste que la déflation des salaires et des actifs pour restaurer la compétitivité de ces pays

Nous ne croyons pas cependant que nous assistons à la fin de l’euro ni que la Grèce doive sortir de la zone euro. L’Europe et la BCE devront soutenir, voire venir au secours de ces pays en difficulté et leur permettre de réduire leurs dépenses publiques à un rythme acceptable pour les populations. Aujourd’hui, quand l’Allemagne, le seul véritable bon élève européen, se refinance à 5 ans à 2,3 %, la Grèce doit accepter de verser des intérêts de plus de 6 %. Une telle divergence dans les fondamentaux économiques et les conditions de financement complique singulièrement la tâche de M. Trichet, qui a fait jusqu’à présent un sans-faute en maintenant à la fois les taux bas et la liquidité abondante. Mais il va devenir compliqué dans ces conditions hétérogènes de maintenir une seule taille de chaussure pour tous les pieds européens. D’où notre sentiment que l’euro pourrait connaître une période de relative faiblesse par rapport aux principales monnaies et au dollar en tout premier lieu, ce dont ne manqueront pas de bénéficier les entreprises exposées à la croissance extérieure à l’Europe, en particulier à la croissance émergente.

De plus, les effets des politiques monétaires ultraexpansionnistes sont derrière nous. Si la reflation économique par les politiques fiscales devient inopérante du fait de la saturation des marchés obligataires de dette souveraine, nous risquons de devoir revoir notre copie à la baisse en matière de croissance économique, et nous risquons de voir resurgir le spectre d’une spirale déflationniste à un moment où tout un chacun se préoccupe encore d’un retour de l’inflation. Dans ce contexte, notre mission essentielle de gestion des risques nous a conduits à réduire temporairement l’exposition nette au risque actions sur l’ensemble de nos Fonds dans le courant du mois de janvier, et ce d’autant plus qu’aux États-Unis  la politique a été riche en événements.

Au cours du mois écoulé en effet, la perte du siège sénatorial occupé naguère par Ted Kennedy, le fief démocrate du Massachussetts, a constitué un important revers politique. Important parce que conduisant à la perte de la super-majorité au Sénat, les 60 voix tant nécessaires à Barack Obama pour faire aboutir la réforme du système de santé.

À la suite de cet événement il fut facile d’interpréter comme seulement populiste l’annonce faite d’un projet de réforme en profondeur de l’industrie bancaire. Certes une annonce qui a surpris l’ensemble du monde et qui rappelle, s’il en était besoin, qu’en dehors des situations de crise extrême gérées au sein du G20, l’état de l’union internationale est loin d’être fort de manière permanente. Et l’état de l’union transatlantique paraît même au plus bas. Cependant, cette interprétation d’un Président cherchant à remonter dans les sondages nous paraît un peu rapide et superficielle.

Une version moderne du Glass-Steagall Act (la loi bancaire adoptée en 1933 à la suite de la grande dépression et de la crise bancaire consécutive), explicitement légitimée par la caution du vénérable octogénaire Paul Volker, dont le respect reste intact après toutes ces années, tant à Wall Street qu’à Main Street. Ainsi, « too big to fail » (trop gros pour faire faillite) pourrait bien se traduire à l’avenir par « too big to exist » (trop gros pour exister). Certains soutiens se sont exprimés aux États- Unis, y compris quelques-uns dans le camp républicain, ainsi qu’en Europe. Il est certes trop tôt pour statuer sur le sort d’une telle réforme, et sur les conséquences de sa mise en oeuvre éventuelle. Néanmoins, La conséquence de l’élection sénatoriale du Massachussetts est une probable paralysie de Capitol Hill jusqu’aux élections de mi-mandat en novembre prochain. De plus, les propositions de M. Obama en matière de régime amaigrissant des banques (the Volker rule) pourraient conduire la FED à imposer des restrictions sur l’activité de trading pour compte propre (une mesure qui n’a pas besoin de loi additionnelle pour être imposée aux banques).

L’état de l’Union est néanmoins pour l’instant plus fort qu’il n’était il y a trois mois encore. La phase de restockage que nous  avions annoncé (avec beaucoup d’avance) a enfin pris orps, comme en atteste sa contribution de 3,4 % à la croissance d 5,7 % du PIB américain au cours du dernier trimestre. Les récents  indicateurs avancés publiés par les Directeurs d’Achat confortent aussi la perspective d’une activité manufacturière à venir plus solide. Le chômage se stabilise, encore que sur des niveaux élevés. Ce qui est cohérent avec la fin des restructurations des entreprises et les formidables gains de productivité qu’elles ont générés. De ce fait, même avec une croissance faible du chiffre d’affaires l’effet de levier sur les résultats des entreprises devrait être spectaculaire en 2010. Un facteur clé cette année en support des actions qui devrait continuer d’être la classe d’actifs privilégiée.

Sous réserve bien sûr que ces marchés ne soient pas pénalisés par une remontée des rendements des emprunts d’État. N’oublions pas en effet que comme en Europe le déficit public américain sera encore cette année très élevé, à 1 600 milliards de dollars, soit 10,6 % du PIB. Cela augure d’un accroissement substantiel des émissions, et justifie notre prudence sur les bons du Trésor dans nos Fonds obligataires ou mixtes, aux États-Unis comme en Europe.

Dans les pays émergents, l’état des BIC (Brésil, Inde, Chine) est fort. Sans être une union au sens politique, aujourd’hui, évalué en parité de pouvoir d’achat, le PIB de ces seuls trois pays réunis est de 21 % du PIB mondial contre 40 % pour l’ensemble des pays du G7. Plus impressionnant encore, la Chine a elle toute seule représente 13 % du PIB mondial (en PPP) contre un peu moins de 20 % pour les États-Unis. En termes nominaux la Chine pourrait devenir la deuxième puissance mondiale dès cette année, après avoir ravi à l’Allemagne la première place des champions de l’exportation en fin d’année dernière. La croissance chinoise au 4e trimestre a été de 10,7 % comparée au même trimestre de 2008 (contre +0,8 % pour les États-Unis sur la même base). Sur une base trimestrielle annualisée on approche les 12 %. Et pour l’Inde on est à 7,9 %. Quant au Brésil, pour lequel on ne dispose pas des chiffres de croissance, les ventes de détail progressent de près de 9 % en rythme annuel et le taux de chômage, à 6,8 %, est à son plus bas niveau historique. De quoi être inquiet sur la vitalité de ces pays, non ! ?

Autrement dit ça va trop bien et ça pourrait ralentir. Nous croyons ces inquiétudes exagérées. Le resserrement monétaire qui a été amorcé en fin d’année dernière dans les pays émergents et les pays producteurs de matières premières restera mesuré. D’une part parce que la vive remontée de l’inflation est liée à deux facteurs qui devraient s’avérer temporaires : la forte hausse de certaines denrées agricoles pour des motifs climatiques ou saisonniers, et l’effet calendaire qui à la suite de la brutale chute des prix fin 2008 a rendu la base annuelle de comparaison très défavorable fin 2009, phénomène qui devrait progressivement se résorber en 2010. D’autre part, les gouvernements de ces pays émergents, face à la paralysie bancaire occidentale et à la chute brutale du commerce mondial, ont dû déployer des plans de relance importants pour soutenir et relancer la machine économique. Dans le courant de l’année 2009 le secteur privé a commencé de prendre le relais de la demande publique. Il est donc hors de question pour ces gouvernements et ces banques centrales de casser la dynamique interne retrouvée alors même que les économies occidentales auront toujours à faire face à de forts vents contraires, qui pourraient limiter le potentiel de croissance des exportations émergentes. Et ce d’autant plus que la sous-évaluation des monnaies d’un certain nombre de ces pays, Chine en tête, pourrait aviver les propos protectionnistes des États occidentaux, ce qui ne nous semble pourtant pas une option envisageable, tant le prix à payer pour l’économie globale serait élevé. Gageons qu’une fois encore les autorités chinoises sauront piloter avec une grande dextérité leur économie dans cette transition entre un soutien monétaire et fiscal actif et une croissance auto entretenue dont le secteur privé deviendra le principal moteur. Cela reste aujourd’hui notre conviction.

Ainsi, bien que le monde retrouve une croissance synchrone en 2010, l’année prend un départ très animé en événements macroéconomiques et en annonces politiques qui augurent d’une volatilité accrue sur les marchés d’actifs. Deux tâches principales nous occupent aujourd’hui : gérer les risques de court terme, et à ce titre avoir le courage de réduire et de relever les expositions nettes de nos Fonds aux actions et aux obligations ; mais aussi affirmer dans nos allocations nos convictions de long terme, à savoir orienter nos investissements pour bénéficier de l’irréversible déplacement du centre de gravité de la croissance mondiale au sein des économies émergentes, en tirant parti de l’immense ère de développement qui les tire vers le haut, de l’industrialisation et de l’urbanisation de ces pays, bref de l’entrée dans le capitalisme mondial de centaines de millions de nouveaux consommateurs. Et pour s’atteler à ces tâches, chez Carmignac, l’état de l’Union est fort.

Eric Le Coz FEV10

Les devises

Le mouvement principal observé sur le mois est celui du recul de l’euro. La monnaie unique cède 3 % face au billet vert, près de 6 % face au Yen et plus de 2 % face à la Livre Sterling. Très clairement, les légitimes préoccupations sur les conditions, voire même sur la possibilité de la Grèce à se refinancer sur les marchés internationaux a pesé sur l’euro. Et ce d’autant plus que d’autres pays de la zone ont des finances guère plus reluisantes. Les positions de couverture sur le dollar avaient été soldées autour de la mi-décembre. De la même façon début décembre nous avions pris une large partie de nos bénéfices sur les actions du secteur aurifère, qui avaient fait un remarquable parcours et qui offrent toujours une forte corrélation au dollar.

Ainsi en fin de mois le Fonds Carmignac Investissement est exposé à hauteur de 46 % au risque dollar et à hauteur de 38 % aux monnaies émergentes, en particulier asiatiques, qui ont en large partie bénéficié de la baisse de l’euro. Pour Carmignac Patrimoine, ces expositions sont respectivement de 25 % et 13 %. Les incertitudes politiques liées à ces difficultés de refinancement des dettes publiques en zone euro pèsent sur l’appétit au risque des investisseurs. Dans ce contexte l’expositions au dollar et aux devises des pays émergents les plus solides nous semble constituer une utile protection

Les taux

au cours du mois. Face aux incertitudes macro-économiques et politiques, les investisseurs ont trouvé refuge sur les bons du Trésor. Oui mais pas n’importe lesquels. Ainsi, le 10 ans américain cède 25 points de base à 3,59 % et son homologue allemand recule de 19 pb à 3,2 %. En revanche les écarts de rendement sur les crédits souverains européens se sont sensiblement écartés. Le CDS 5 ans grec bat tous les records à près de 400 points, devançant largement le niveau du Portugal à 195, ou l’Irlande à 160, ou encore de la France, de manière presque suspecte à 53 contre 38 pour l’Allemagne. Nous n’avons aucune obligation sur les pays les plus à risque de la zone euro dans nos Fonds obligataires ou diversifiés.

Nous avions été prudents au cours du dernier trimestre et pris des positions de couverture afin de réduire la sensibilité de nos Fonds au risque de hausse sur la partie longue de la courbe. Face au repli sur les emprunts d’Etat de « bonne qualité », nous avons levé ces positions en cours de mois, de telle sorte qu’à fin janvier, les sensibilités de Carmignac Patrimoine et Carmignac Sécurité s’établissaient respectivement à 5,2 et 1,9. Nous avons de plus pris une partie de nos bénéfices sur les bons du Trésor indexé sur l’inflation américains.

Les actions

Le repli des marchés actions a pénalisé l’ensemble de notre gestion au cours du mois. Le repli a été plus marqué sur les marchés émergents et de matières premières, en raison des craintes sur la croissance de la Chine en particulier. Ces craintes nous semblent exagérées. Dans la durée la nature domestique de la croissance émergente continuera d’être source d’opportunités importantes. Pour les raisons évoquées dans l’édito, le climat politique a pesé sur les marchés actions et en particulier sur le secteur bancaire. Nombre d’entre vous ont interrogé notre conviction et le maintien de nos positions sur les quatre valeurs que nous détenons en portefeuille : JP Morgan, Wells Fargo, USBancorp et Barclays.

Notons d’abord qu’à l’heure où ces lignes sont écrites les performances de ces titres depuis le début de l’année sont respectivement de -3 %, +4 %, +8,7 % et +5,6 %. L’argument, soutenu par notre analyste spécialiste du secteur est triple : Sur le plan des valorisations, JP Morgan et Barclays se négocient aujourd’hui à moins d’une fois l’actif net. Ces deux banques sont peu exposées à l’activité bancaire traditionnelle de détail mais ont une importante exposition aux entreprises commerciales à travers leur banque d’investissement. Ces deux banques enfin bénéficieront de la faiblesse de leurs compétiteurs avec des bilans plus solides et une marque forte. Quant à Wells Fargo et US Bancorp, chacun à leur échelle, ce sont deux grands gagnants dans le domaine de la banque de détail. Leur structure de coût est très maitrisée et leurs perspectives de croissance organique sont excellentes et devraient conduire à une revalorisation significative de leurs titres.

Ce mois de janvier nous a montré que les incertitudes tant économiques que politiques pouvaient rapidement entrainer un accroissement de volatilité et un retour d’une certaine aversion au risque. Il est important d’essayer de limiter l’impact de cette volatilité sur nos portefeuilles actions. Il est aussi important de tenir nos positions et nos convictions sur les thèmes liés aux grandes tendances qui dessinent le paysage de l’économie mondiale de demain. 2010 sera à ce double titre sans aucun doute une année aussi difficile que passionnante pour les marchés actions.

Les matières premières

Les matières premières ont enregistré un recul sur le mois, imputable pour partie à la hausse du dollar et pour partie aux liquidations de positions. Ces liquidations sont la traduction des craintes d’un ralentissement des économies émergentes devant procéder à un resserrement monétaire pour juguler les tensions inflationnistes présentes et futures. Ces replis sur les différents secteurs des matières premières ne nous semblent être que des corrections temporaires. La reprise synchrone des grandes économies occidentales, en parallèle de la solide croissance domestique émergente constitueront des soutiens forts pour la demande de matières premières.

Carmignac Commodities a procédé à quelques aménagements de portefeuille en réduisant encore le poids des mines aurifères à moins de 11 % en fin de mois. En parallèle, le poids de l’énergie a été remonté à près de 41 % avec l’entrée en portefeuille de Dril-Quip dans l’équipement pour le forage offshore, et du norvégien Petroleum Geo-Services, spécialisé dans la sismique, l’évaluation et l’interprétation des données des champs de pétrole et de gaz. Dans le compartiment des métaux et minerais, (40 % des encours), le secteur de l’acier a notamment été renforcé avec l’acquisition de US Steel au cours du mois. La poche ressources agricoles a gagné un point à 5,7 % avec l’entrée du titre malais Golden Agri Resources, leader dans la production de l’huile de palme.

BILLET PRECEDENT : Carmignac Gestion : le fond Carmignac Investissement et ses thèmes d’investissements (cliquez sur le lien)

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