Changes et Devises

Jean Pierre Petit : A quoi donc sert l’euro?

Une unification monétaire réussie suppose notamment un engagement politique total et un contexte de forte expansion.

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Alors que la «crise» de la dette s’étend à d’autres pays européens périphériques, il convient de revenir sur les gains supposés ou réels de la monnaie unique.

En fait, les gains de l’euro se sont pour l’essentiel limités à compléter et consolider le marché unique.

L’euro a baissé les coûts de conversion et de transaction intra européens; il a ainsi contribué à renforcer les échanges intrazone (tout en détournant toutefois des flux d’échanges des zones les plus dynamiques comme l’Asie). L’euro a aussi accéléré les restructurations des entreprises européennes. Il a donc constitué un outil d’adaptation des grandes entreprises européennes à la globalisation.

En revanche, les bénéfices en termes d’investissement et d’emploi n’ont pas été manifestes sur le territoire européen.

D’où un sentiment de frustration qu’illustre la fracture croissante entre l’Europe boursière (le chiffre d’affaires, les résultats, la nationalité du capital, voire des dirigeants des entreprises cotées sont de moins en moins européens) et l’Europe économique et politique.

L’expérience du XIXe siècle montre la nécessité d’une unification politique parallèle à l’union monétaire, à l’instar de l’Allemagne (union monétaire réalisée en 1876) ou des États-Unis (union monétaire réalisée en 1911) et à l’inverse de l’union monétaire latine (1865) et de l’union monétaire scandinave (1872).

L’histoire montre aussi que les tentatives réussies d’unification monétaire supposent un engagement politique total et une forte cohésion des participants, ainsi qu’un contexte de forte expansion économique. C’est d’autant plus nécessaire que les gains de l’unification sont indivisibles et à long terme alors que les coûts sont immédiats.

Or, la quasi stagnation menace l’Europe continentale pour les prochaines années.

Outre les faiblesses récurrentes de la croissance potentielle déjà mentionnées, l’Europe fera face au poids de la dette (privée et publique), au vieillissement, à l’absence de relais du marché immobilier,…

Sans Europe politique, il sera très difficile d’avancer vers la coordination des politiques économiques et vers des stratégies structurelles communes (recherchedéveloppement par exemple).

Sauf revirement majeur, la poursuite du déclin économique semble donc peu réversible et la montée de la dette, le maintien du chômage de masse, le recul de la protection sociale et la polarisation des inégalités rendent l’Union monétaire politiquement peu soutenable. Il est regrettable de constater que les alertes suscitées par l’échec du référendum sur la Constitution Européenne (2005) ou par la crise de 2008 n’aient débouché sur rien de concret de ce point de vue.

Même si un retrait de l’euro par un pays membre ne serait pas plus économiquement rationnel que le protectionnisme ne l’était pour ceux qui y recouraient durant les années 30, c’est hélas une hypothèse politiquement plausible à moyen terme.

L’histoire de l’euro n’est pas encore totalement écrite. L’idée de ses promoteurs a toujours été qu’il créerait une étape irréversible dans la construction européenne.

Or, l’histoire enseigne qu’il y a en fait peu de choses irréversibles.

JEAN-PIERRE PETIT Stratégiste de marché.fev10

 EN COMPLEMENTS INDISPENSABLES : Le compte à rebours final pour l’euro ? (cliquez sur le lien)

  Milton Friedman : L’improbable passage à la monnaie unique (cliquez sur le lien)

Beat Kappeler : L’échec prévisible de l’euro (cliquez sur le lien)

Marc Touati : Et si l’euro disparaissait… (cliquez sur le lien)

BILLET PRECEDENT : Jean Pierre Petit : La vraie puissance de la Chine (2) (cliquez sur le lien)

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