La période actuelle n’annonce rien de bon en matière de décentralisation et d’autonomie des collectivités publiques.
La crise économique et financière a obligé les gouvernements à augmenter très nettement leurs dépenses, leurs emprunts (qui se répercuteront sur les impôts), les prêts, la régulation et les mandats, parfois de sorte à «aider» les administrations sous-nationales (la facture de la relance coûte environ 200 milliards de dollars aux Etats-Unis).
La grande question qui se pose aujourd’hui est de savoir si la compétence des gouvernements de la planète va s’étendre de manière permanente – non seulement au détriment de l’économie privée, mais aussi des administrations sous-nationales.
PLUS DE CENTRALISATION EN SUIVANT :
Selon les pays, les administrations sous-nationales – Etats, pays, régions, agglomérations, villes, voire quartiers – jouent un rôle différent, mais rendent en général des services publics tels que brigades de police et de pompiers, transports, éducation, sans oublier les prestations sanitaires et sociales. Dans de nombreux pays, la fiscalité s’est effondrée à cause d’une mauvaise gestion combinée à la crise mondiale économique et financière.
En général, less administrations centrales et sous-nationales se répartissent les responsabilités en matière de fourniture et de financement des services publics, les subventions nationales qui servent au moins en partie aux services rendus à échelle locale et le prélèvement des impôts.
Aux Etats-Unis, le gouvernement fédéral a pour responsabilité première la défense, les pensions pour personnes âgées (Social Security) et des soins de santé pour les personnes âgées (Medicare);
les gouvernements sous-nationaux sont responsables de l’éducation et de l’application de la loi. Le financement des soins pour les pauvres (Medicaid) est une responsabilité partagée par les deux.
Le gouvernement fédéral donne des fonds appropriés aux Etats et aux administrations locales par le biais de conventions déterminant les responsabilités partagées. Certaines de ces conventions accordent une grande autonomie aux gouvernements, d’autres non. Le rôle des entités sous-nationales par rapport à l’administration centrale varie considérablement.
Avant la crise, les recettes du gouvernement américain étaient d’environ 60% pour le fédéral et de 40% pour l’état et les localités.
Parmi les grandes économies, la France était le pays le plus centralisé, avec 80% pour l’administration nationale et 20% pour les administrations sous-nationales.
Le Royaume-Uni, lui, était légèrement en-dessous avec une répartition de 75%-25%. La Chine était le pays le moins centralisé, avec une répartition à hauteur de 30%-70%. L’Argentine était le pays le plus équilibré, avec une répartition approchant le 50-50.
Le débat sur la centralisation gouvernementale remonte loin dans l’histoire et la constitution des pays. Le dixième amendement de la constitution des Etats-Unis, qui rassembla les treize colonies originelles, réserve aux Etats tous les pouvoirs qui ne sont pas délégués expressément au gouvernement fédéral. Même aujourd’hui, les tensions concernant la centralisation (par exemple en Europe, à une autorité supranationale) et l’octroi de compétence (en Ecosse, au Québec ou au Kurdistan) sont fortes.
Plusieurs raisons parlent en faveur d’une bonne dose de décentralisation.
Le juge américain de la Cour Suprême Louis Brandeis préconisait le «statut de laboratoire aux Etats». La réforme sociale américaine est un exemple récent. Les dérogations pour le temps de travail et les conditions de formation à l’intention de bénéficiaires eurent tant de succès que la réforme sociale fédérale suivit immédiatement.
La concurrence entre les localités (par exemple entre deux Etats pour ce qui est du marché de l’emploi et des entreprises ou entre deux districts scolaires pour les étudiants) peut mener à une allocation des ressources publiques plus efficace et efficiente.
Si les habitants sont mobiles, ils se déplaceront vers l’état offrant la combinaison d’impôts et de services (comme des écoles de qualité) qui leur convient. A l’instar de la concurrence sur les marchés privés, la concurrence entre les services gouvernementaux conduit à de meilleurs résultats.
Les autorités locales sont plus proches des citoyens que les fonctionnaires basés dans la capitale. Et les différences de compétence sont substantielles. L’importance des hôpitaux et des écoles varie d’une région à une autre. Difficile de refléter les disparités géographiques du coût de la vie dans un programme national à taille unique.
Il est préférable que certaines fonctionnalités soient financées par l’administration centrale. La défense nationale fournit un exemple évident, tout comme les fonctions pour lesquelles les économies d’échelle sont importantes. Là où les localités essayent de transférer à d’autres localités l’aide aux citoyens dans le besoin, le gouvernement doit entrer en jeu pour financer les programmes directement ou fixer les critères de base.
Il y a trente ans, les circonscriptions scolaires des Etats-Unis étaient encore responsables de l’éducation. Puis, divers jugements ont reconnu que ce procédé permettait à des circonscriptions plus riches de dépenser plus que d’autres et ont enjoint aux Etats d’égaliser les dépenses. De la Californie au Texas, les Etats collectent désormais régulièrement des impôts fonciers pour financer les écoles avant de redistribuer les fonds aux circonscriptions locales. Nombreux sont ceux qui pensent que la réduction du contrôle local sur les écoles (résultant de l’élimination du financement local) a énormément contribué à la faible performance de certaines écoles aux Etats-Unis.
La Californie illustre bien le chaos provoqué par une démence fiscale de longue date combinée à la récente crise économique mondiale et nationale.
Durant plusieurs décennies, les Californiens ont connu une montée en flèche de leur niveau de vie, un système éducatif primaire, secondaire et supérieur de grande qualité et une ascension sociale sans précédent. Or, le taux de chômage de cet état, porté à 12,3 % en novembre 2009, correspondait au troisième plus élevé de la nation. Les chercheurs d’emploi sont en quête de meilleures opportunités ailleurs. La cote des obligations de l’état frôle rigor mortis.
Les dépenses excessives de l’état, une lourde régulation, des impôts dangereusement élevés ont contribué à générer les malheurs économiques. Les taux d’imposition sur les revenus personnels (également prélevé sur les gains de capitaux), les ventes, les entreprises et le gaz sont tous ou presque les plus élevés des Etats-Unis.
1 % des bénéficiaires des meilleurs salaires financent pratiquement la moitié de l’ensemble des impôts sur le revenu. Ainsi, les coffres de l’Etat (et donc les dépenses) débordent en période faste et se vident pendant les crises, obligeant à des réductions d’urgence. Paradoxalement, l’impôt progressif et la politique de dépenses en Californie génèrent une telle volatilité qu’ils rendent l’Etat incapable de tout financer, même les services de base depuis l’éducation à la santé pour ses citoyens les plus vulnérables.
Désormais confrontée à un autre déficit de 20 milliards de dollars en dépit de l’augmentation temporaire des impôts et des restrictions budgétaires, les malheurs fiscaux de la Californie augurent ceux auxquels nombre d’administrations sous-nationales – voire nationales – devront faire face. Tandis que tous doivent gérer l’urgence de la situation actuelle, il est vital d’appliquer des réformes politiques, fiscales et locales pour restaurer l’équilibre entre un gouvernement centralisé et décentralisé.
Project Syndicate jan10
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